Analyse

Le goût amer de la bière

Les employés de l’usine Molson de Montréal goûteront possiblement leur bière avec plus d’amertume au cours des prochaines années, car la pression pourrait venir de toutes parts pour changer leurs conditions de travail actuelles. 

Le monde de la bière évolue et les données financières le démontrent. Les actionnaires des marchés boursiers sont assoiffés et les travailleurs ressentiront la pression de la concurrence du marché de la bière, peu importe qu’elle soit en bouteille, en fût ou en canette.

Le marché est en consolidation, se divise l’espace tablette au détail et se bat pour un positionnement de choix dans les débits de boisson.

Le régime de retraite : plus de capital, moins de rendement

Les concessions demandées aux employés de l’usine Molson de Toronto pour leur régime de retraite s’expliquent. Cette réalité pourrait bien s’appliquer à la fin de la convention collective de l’usine de Montréal. D’un côté, les besoins des employés à la retraite ne changent pas en fonction des rendements boursiers. Par contre, le capital qu’il faut mettre de côté pour réussir à fournir la retraite promise augmente.

Pourquoi ? Parce que les faibles taux d’intérêt offerts sur les placements influencent les rendements des actifs des caisses de retraite. Si les dernières années ont donné un coût d’emprunt abordable aux emprunteurs, les caisses de retraite et les investisseurs ont des rendements moyens moins évidents qu’à une autre époque.

Le marché mondial du placement se bat pour les investissements de qualité. Pas surprenant que la Caisse de dépôt et placement du Québec ait obtenu la faveur du Parti libéral de changer la loi pour lui permettre la réalisation d’infrastructures : on cherchait d’autres avenues de placements avec des flux monétaires réguliers, intéressants et prévisibles.

Une croissance attendue

Le prix de l’action de Molson Coors en Bourse donne une idée de la croissance attendue de l’investisseur moyen.

Ratio Cours-Bénéfice

Anheuser-Busch InBev 43,84

Heineken 30,00

Molson Coors 29,04

Source : Bloomberg au 29 janvier 2017 (19 h)

Le ratio cours-bénéfice représente la valeur de l’action en Bourse par rapport au bénéfice par action. En comparaison, le ratio d’Apple affiche 14,84 et celui de Ford, 6,98. 

On comprend alors qu’on attend une croissance élevée du secteur de la bière : on est prêt à payer un multiple élevé des bénéfices nets actuels. Comme la valeur d’une action a théoriquement un lien avec l’actualisation des flux monétaires nets futurs, cela veut dire que l’investisseur croit que les bénéfices augmenteront de façon importante. 

Donc, il faudra augmenter la marge nette totale, ce qui signifie une hausse des ventes et un meilleur contrôle des coûts.

Déménagement potentiel

La brasserie Molson de la rue Notre-Dame pourrait bien déménager. On pourrait continuer la production à Montréal durant la construction sur un autre site. Cela pourrait générer une configuration optimale de la production en dessinant l’usine de zéro, tout en automatisant davantage celle-ci. 

Si la fin de l’étude de faisabilité démontre qu’un déménagement dans la région de Montréal est de mise, où cela pourrait-il être ? Pour ceux qui empruntent l’autoroute 30, son développement semble intéressant pour la proximité des installations de transport et pour la disponibilité des terrains.

Évidemment, ce ne sont que des spéculations, mais le secteur entre Beauharnois et Châteauguay gagne en attrait pour les industries depuis la venue de l’autoroute.

Des chiffres qui ne mentent pas

Les résultats du quatrième trimestre 2016 seront présentés à la Saint-Valentin. Pourtant, le troisième trimestre donnait déjà quelques signes de la hausse de la concurrence des brasseurs mondiaux et de l’impact des nombreuses microbrasseries sur le marché local.

Cette baisse des ventes nettes et du volume d’hectolitres démontre que la fidélité des consommateurs peut diminuer significativement.

Pendant que le concurrent Anheuser-Busch InBev détient plus de 30 % du marché mondial (après le regroupement avec SABMiller), Molson Coors se fait aussi gruger des parts de marché par l’offre importante de la part d’une multitude de concurrents. 

Localement, Labatt a mis la main sur la microbrasserie Archibald en 2016 et Molson Coors a répliqué en faisant l’acquisition d’une participation minoritaire dans Brasseur de Montréal. 

Les grandes brasseries mondiales ont compris que d’ajouter une offre de microbrasserie dans leurs produits pouvait les aider à offrir de la diversité à une clientèle de bars exigeante et diversifiée.

Le marché mondial de la bière est très compétitif : les brasseurs mondiaux se consolident pour profiter des synergies. Les employés de Molson à Montréal devront s’attendre à des demandes patronales au cours des prochains mois. Le retour partiel dans les rayons de la bière Laurentide est bien sympathique pour la nostalgie et la contre-culture, mais gageons que l’employeur voudra « brasser » de meilleures affaires en 2017.

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