Chronique

Comment jouer la hausse des taux d’intérêt

Il n’y a pas de quoi s’alarmer. Après tout, on est loin des taux d’intérêt de 20 % des années 80. N’empêche, la nouvelle hausse des taux annoncée hier sera une source d’irritation pour les propriétaires qui ont une marge de crédit ou une hypothèque à taux variable.

Comme on s’y attendait, la Banque du Canada a relevé son taux directeur d’un quart de point pour le porter à 1,5 %, un niveau jamais atteint depuis 2009. Après une hausse semblable en janvier dernier et deux autres l’année dernière, l’augmentation atteint donc 100 points de base (1 point de pourcentage).

Et ce n’est pas terminé, car la plupart des économistes prévoient d’autres hausses totalisant 75 points de base d’ici la fin de 2019. Après tout, on ne peut pas vivre avec des taux d’intérêt anémiques alors que l’économie et le marché du travail tournent à plein régime.

Ce cycle de hausse aura néanmoins un impact sur le portefeuille des propriétaires. À la suite de l’annonce d’hier, les banques ont déjà commencé à relever leur taux préférentiel de 3,45 % à 3,7 %.

Tous les emprunteurs qui ont un taux variable vont donc subir quasi immédiatement la hausse de 0,25 %. Sur une hypothèque de 100 000 $, cela représente une hausse de 12 $ par mois, soit environ 150 $ par année. Rien pour écrire à son banquier.

Mais en considérant une hausse de 1 %, l’impact devient plus lourd. Par exemple, un ménage paiera quelque 1800 $ de plus par année, sur une hypothèque de 300 000 $, ce qui n’est pas si élevé considérant l’ascension des prix de l’immobilier.

Plus dur à encaisser, surtout quand on sait que la moitié des travailleurs vivent d’un chèque de paie à l’autre.

Si votre hypothèque variable vous donne de l’urticaire, il n’est pas trop tard pour geler votre taux afin d’esquiver les prochaines hausses. Le hic, c’est que les prêteurs vont souvent convertir votre prêt au taux affiché qui peut être facilement 2 points de pourcentage au-dessus d’un taux négocié comme il faut.

Dans ce cas, il vaut peut-être mieux payer la pénalité qui est de seulement trois mois d’intérêts avec un taux variable, pour renégocier votre hypothèque ailleurs.

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Mais voyons l’autre côté de la médaille. Plus la Banque du Canada avance dans son cycle de normalisation des taux, moins il reste d’augmentations à venir. Le taux variable devient donc plus alléchant, même si cela semble contre-intuitif.

En ce moment, il est possible de négocier une hypothèque à taux variable environ 100 points au-dessous du taux préférentiel, parfois même encore plus bas. Cela signifie autour de 2,5 % ou 2,6 %.

Ce taux est environ 75 points de base au-dessous d’un taux fixe de cinq ans (3,24 %) qui demeure le chouchou des propriétaires. Cet écart correspond exactement à ce que les économistes prévoient comme hausse de taux d’ici un an et demi.

Autrement dit, vous ne risquez pas grand-chose avec un taux variable. Au contraire, vous économiserez des intérêts, en attendant que votre taux variable remonte au niveau que vous auriez dès maintenant avec un taux fixe.

« Ma théorie, c’est qu’on n’a rien à perdre à aller vers un taux variable », dit Denis Doucet, porte-parole du courtier hypothécaire Multi-Prêts.

Si vous ne voulez pas que vos paiements grimpent à chaque hausse de taux, il est possible de faire des versements supplémentaires qui vous donneront un coussin. Cette stratégie permet de prendre de l’avance sur le remboursement du capital tout en stabilisant les mensualités. Gagnant-gagnant.

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Mais évidemment, le taux variable n’est pas pour tout le monde. Votre budget est serré ? Le moindre stress financier vous fait faire des cauchemars ? Restez avec un taux fixe, quitte à choisir un terme plus court que le fameux cinq ans. Jetez un coup d’œil du côté du terme de trois ans qui est actuellement 20 points au-dessous du taux de cinq ans…

Les taux d’intérêt fixes

1 an : 2,99 %

2 ans : 3,24 %

3 ans : 3,04 %

4 ans : 3,44 %

5 ans : 3,24 %

Source : Multi-Prêts

Mais il faut regarder plus loin que le taux d’intérêt. Les hypothèques à taux fixe comportent des pénalités très salées lorsque les propriétaires veulent résilier leur prêt avant le terme. Dans certains cas, cela représente des milliers de dollars.

Alors, informez-vous. Comme la formule est complexe, demandez un exemple concret. Vérifiez quelles sont les possibilités de remboursement anticipé. Et si vous pensez déménager, privilégiez une hypothèque transférable.

Derniers petits conseils pour esquiver la hausse des taux à venir…

Les gens qui magasinent une maison en ce moment devraient demander à leur institution financière de geler le taux. Certaines le font pour six mois. Ça n’engage à rien.

Quant aux propriétaires dont l’hypothèque arrive à échéance bientôt, il serait sage de passer un coup de fil tout de suite au banquier pour savoir s’il est possible de renouveler le prêt à l’avance. Il faut voir s’il est plus avantageux de payer la pénalité pour bénéficier du taux actuel plus bas.

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