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Controverse autour d’un Père Noël dans une pub de vin
La Presse
C’est bien connu, le père Noël ne boit que du lait, ce qui explique sans doute pourquoi on lui interdit de faire des pubs d’alcool au Québec. Mais un père Noël noir, juif ou saoudien peut-il faire une publicité de vin ? La Régie des alcools devra trancher cette délicate question du temps des Fêtes demain à la demande de l’importateur de vin Julia Wine. Du vin « 100 % laïque, disponible pour tous » selon le slogan publicitaire, un clin d’œil au débat sur la Charte de la laïcité.
Le Québec interdit par règlement toute publicité de boisson alcoolisée qui « utilise ou fait allusion à un personnage fictif ou réel associé aux personnes mineures », par exemple le père Noël. Les trois courtes publicités de Julia Wine – dont le vin est en vente chez Couche-Tard depuis l’été dernier – devaient passer à la télé durant le temps des Fêtes, mais elles ont été refusées une première fois par la Régie des alcools, des courses et des jeux. Une décision finale sera rendue demain lors d’une audition de la Régie. Julia Wine a utilisé dans ses publicités un père Noël noir, des prêtres, des rabbins et des religieux saoudiens afin de faire connaître ses nouveaux vins kascher et sans alcool.
Julia Wine estime que la Régie a pris cette décision administrative pour d’autres motifs que la protection des personnes mineures : le débat sur la Charte de la laïcité et la concurrence livrée par Julia Wine à la SAQ. « Nous avons l’impression que la loi est appliquée pour des motifs cachés, à cause du débat sur la Charte », dit M Orélie Landreville, qui représente Julia Wine. « La vraie raison, c’est la croissance de mes ventes de 43 % », dit Alain Lord Mounir, PDG de Julia Wine, dont les vins importés sont disponibles dans les 540 dépanneurs Couche-Tard du Québec depuis lundi dernier, après l’avoir été dans les dépanneurs de l’est de la province depuis août.
La Régie réfute la version des faits de Julia Wine. « La question de la laïcité n’entre pas en ligne de compte. Nous ne nous basons pas sur le bon ou le mauvais goût d’une pub, nous faisons une analyse objective en fonction des critères de la loi [la protection des personnes mineures] », dit Me Joyce Tremblay, porte-parole de la Régie.
« L’objectif du règlement, c’est que l’image des personnages pour enfants reste intacte, dit M Orélie Landreville. Mais notre personnage n’est pas le père Noël : il est noir et sa barbe est détachée. C’est un monsieur déguisé en rouge. Pour tous les enfants en Amérique du Nord, le père Noël est blanc. » La suggestion de Julia Wine d’habiller son personnage avec des vêtements de couleur orange a été refusée par la Régie.
En audience formelle devant la Régie, Julia Wine citera l’exemple d’une campagne de la SAQ datant des années 90 avec l’animatrice Julie Snyder déguisée en génie (qui peut évoquer certains personnages pour enfants comme Aladin, selon Julia Wine), ainsi que la mention de saint Nicolas et du père Noël sur certaines marques de bière. La Régie fait valoir que le règlement en question ne s’applique qu’aux publicités (et non aux noms de marques de bière), tandis qu’elle juge que la campagne de la SAQ ne faisait pas allusion à Aladin ou à un autre personnage pour enfants.