COMMANDITÉ

Oncle Sam, j’arrive !

Le rêve américain, la journaliste Marie-Joëlle Parent le vit depuis huit ans. Voici comment une poignée de compatriotes et elle ont conquis les « États » un « hello ! » à la fois.

Texte Marie-Joëlle Parent

Je suis déménagée à New York un soir de janvier 2009. J’ai posé mes valises dans un appartement vide, au 35e étage d’une tour située à côté de Times Square. Pour me donner du courage, j’ai écrit sur l’ardoise de ma nouvelle cuisine : Yes I can !

C’était à quelques jours de l’investiture de Barack Obama, et les sourires sur les visages des Américains annonçaient une période électrisante, remplie d’optimisme. La veille de mon arrivée, le pilote Sully Sullenberger avait amerri par miracle sur le fleuve Hudson, au bout de ma rue, sans faire aucune victime. Bref, le moment pour débarquer était bien choisi.

Et je l’attendais depuis longtemps. J’ai eu le coup de foudre pour New York la toute première fois que j’y ai posé les pieds. J’avais à peine 8 ans et je me souviens encore de mon exaltation. Je m’étais dit : « Un jour, je reviendrai ! » Vingt ans plus tard, j’étais nommée correspondante à New York pour les médias de Québecor. Mon aventure commençait.

Le choc

Le premier défi a été de faire ma place dans l’une des villes les plus compétitives de la planète. Ce qui est déroutant quand on arrive dans une grande ville comme New York, c’est qu’on est complètement anonyme. Personne ne sait d’où on vient, ce qu’on a accompli.

Ici, la personnalité compte plus que les diplômes ou le nom de famille de ses parents. C’est l’occasion de se redéfinir. Je me souviens encore de mes premières demandes d’entrevues. Les attachés de presse me raccrochaient au nez parce que mon premier « hello ! » n’était pas assez assuré. D’abord intimidée, je n’ai pas eu le choix de sortir de ma coquille.

Habiter à Times Square était une erreur de débutante. Je n’ai pas dormi pendant deux ans. Aucun rideau n’était assez épais pour bloquer les néons de Broadway. J’ai aussi vite compris qu’aucun New-Yorkais n’y mettait les pieds. Je vis maintenant dans TriBeCa, un quartier situé à la pointe sud de l’île qui est beaucoup moins touristique, avec en prime la chance de croiser Beyoncé dans la rue (ce qui n’est pas encore arrivé, malheureusement).

Partir ou rester

Huit ans après mon arrivée, mon amour pour la ville est profond — assez pour avoir écrit un livre (300 raisons d’aimer New York). Assez, aussi, pour tenter ma chance comme pigiste depuis la fin de mon mandat de correspondante, en 2015. Mais la lune de miel est finie. Certains traits de la société américaine me dérangent : l’obsession de la richesse, le système de santé où le patient est avant tout un client, la politique-spectacle, le coût exorbitant de l’éducation...

Ces enjeux, tous les Québécois qui vivent aux États-Unis y sont confrontés.

Think big !

« On ne construit pas nos vies de la même façon quand on est ailleurs », dit Andréanne Michon, une artiste visuelle de 36 ans qui s’est installée à l’autre bout du continent en 2011 pour faire sa maîtrise au prestigieux San Francisco Art Institute. « On passe les premières années à s’établir et à tout miser sur la carrière. Ensuite, trouver l’âme sœur et faire son nid peut prendre une éternité. Pendant ce temps, au Québec, nos amies en sont à leur troisième enfant. »

« N’habite pas qui veut aux États-Unis, poursuit-elle. C’est très compliqué, surtout en ce qui a trait aux visas, qu’il faut constamment renouveler et qui sont très coûteux. »

Pourquoi se donner tout ce mal ? « Pour les rencontres et pour les occasions de carrière. Mais c’est une vie en montagnes russes. Il faut constamment travailler et il n’y a pas de filet social, aux États-Unis. Tu es laissé à toi-même », dit-elle.

Kim Gingras, 31 ans, danseuse professionnelle et entrepreneure, vit le même tiraillement. « J’adore Los Angeles et mon style de vie, mais dès que je pense à l’idée d’élever des enfants, je me dis que ce serait magique de le faire à Montréal, entourée des miens. » Elle aussi a fait le saut en 2011, quand elle a senti qu’elle plafonnait. « Au début, c’est très excitant. On recommence à zéro et il faut trouver sa place. Contrairement au Québec, c’est très basé sur le look. Soudainement, tu te retrouves dans une audition de 800 à 1 000 filles jugées sur leur apparence physique. »

J’ai toujours admiré ceux qui venaient ici sans l’encadrement d’un employeur, comme mon ami Jean Malek, photographe et réalisateur de 33 ans. Il roulait très bien sa bosse à Montréal quand il a décidé de s’installer à New York, l’automne dernier.

« Montréal est une ville inspirante, mais je ne pouvais pas développer le genre de carrière que je voulais », dit-il, encore dans le tourbillon de l’arrivée. « C’est étourdissant. Quand tu grandis dans une ville, tu crées un réseau de contacts dès le primaire. Ici, je ne connais personne : c’est beaucoup plus difficile. »

Il peut heureusement compter sur l’aide de quelques compatriotes sur place, comme Daniel Laporte, qu’on qualifie de « parrain des Québécois » à New York et dont tout le monde s’échange le numéro. Cet architecte de 51 ans, qui habite la ville depuis plus de 20 ans, offre son divan aux Québécois de passage, organise de grands soupers et partage son carnet d’adresses à ceux qui débarquent. « À New York, on te donne ta première chance beaucoup plus facilement, mais après, il faut que tu fasses tes preuves. L’avantage, c’est que même si tu te plantes, il y aura toujours d’autres possibilités », dit-il.

De mon côté, je suis maintenant dans une période de questionnement. Est-ce que je veux élever une famille dans ce système rempli de failles ? Est-ce que je veux être locataire toute ma vie ? Je me mets alors à rêver du Québec comme d’une oasis.

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