Parti québécois

« Un vieux parti de boomers »

Jean-Marc Roy, qui étudie en littérature à l’UQAM, est de ceux qui avaient voté pour le Parti québécois en 2012 et qui, cette fois, lui ont tourné le dos. « La Charte m’a beaucoup trop rebuté et j’ai préféré appuyer Québec solidaire, un parti neuf qui me fait penser à ce qu’était le Parti québécois à sa naissance. »

Il suffit d’un petit coup de sonde sans prétention sur les campus pour constater qu’il est loin d’être le seul dans son cas. C’est aussi un peu le cheminement d’Émilie Carrier-Boileau, qui étudie en enseignement du théâtre. « En 2012, j’ai voté pour le Parti québécois parce que je voulais surtout débarquer les libéraux qui voulaient augmenter nos droits de scolarité. Cette fois-ci, j’ai voté pour Québec solidaire, dont les valeurs sociales me rejoignent davantage. Le Parti québécois m’apparaît surtout ces temps-ci comme un vieux parti de boomers. »

Olivier Bélanger, qui a 23 ans et étudie en cinéma, est un autre de ces électeurs que le Parti québécois a perdus en cours de route. En 2012, parce qu’il aimait bien Nicolas Girard, dans sa circonscription, il avait voté pour lui. En 2014, Nicolas Girard ne s'étant pas représenté, Olivier Bélanger s’est tourné vers le Parti nul, dégoûté par cette campagne à son avis beaucoup trop manichéenne.

Quant à Marie-Christine Cyr, une étudiante en littérature acquise au Parti québécois, elle a milité à fond pour que le parti l’emporte et elle annonce d’ailleurs qu’elle sera candidate à la présidence du comité des jeunes péquistes de l’UQAM, la session prochaine.

Il est gros, ce comité ? Non, répond-elle. Quelques dizaines de personnes, dit-elle. « Il y a vingt ans, c’est sûr que ça votait très fort pour le PQ, à l’UQAM, mais là, les étudiants ici sont très à gauche et votent en grande partie pour Québec solidaire et Option nationale », constate-t-elle à regret.

PAS ASSEZ À GAUCHE ?

Pour les étudiants de l’UQAM, manifestement, le PQ n’est plus assez à gauche. Au point où une affiche de Léo Bureau-Blouin, située à côté du local d’une association étudiante, à l’UQAM, a été vandalisée, s’indigne Olivier Bélanger.

À l’Université de Montréal ? On nous chuchote que là-bas, même des leaders d’associations étudiantes ont voté pour le Parti libéral, ce qui ne se serait certes pas vu il y a vingt ans. Si bien que dans les partys d’élections sur certains campus, lundi soir, l’appui au Parti libéral aurait été palpable.

Rumeurs sans fondement que tout cela ? Revoyons les chiffres, tels qu’analysés par la sociologue Claire Durand, grande spécialiste des sondages. « Selon le dernier sondage Léger de la campagne électorale, pas moins de 37 % des jeunes de 18 à 24 ans s’apprêtaient à voter pour le Parti libéral et seulement 19 % pour le Parti québécois », souligne-t-elle.

Fait important à noter, en faisant la moyenne des sondages, un électeur de 18 à 34 ans sur cinq a voté pour un tiers parti. Ce sont ceux-là que le Parti québécois pourrait récupérer. « Quand on est jeune, on a tendance à voter pour un tiers parti, rappelle Mme Durand. Quand on vieillit, on se range souvent derrière un parti plus établi parce qu’on n’aime pas avoir l’impression de “perdre son vote”. »

UN DISCOURS À RENOUVELER

Chose certaine, pour regagner la faveur des jeunes, le PQ a bien raison de penser qu’un vaste examen de conscience s’impose.

« Le Parti québécois m’a particulièrement indisposé cette fois-ci avec sa stratégie trop évidente consistant à essayer d’attraper des électeurs aussi bien de droite que de gauche », dit Mathieu Lemay, étudiant en urbanisme, qui en a aussi eu assez, tant chez le PQ et le PLQ, « de toute cette démagogie et de ces attaques personnelles ».

« J’ai un petit garçon et ce sont les valeurs de ce parti-là que je veux offrir à mon fils », dit Stéphanie Lassonde, une future enseignante.

« C’est un Québec comme celui que propose Québec solidaire que je veux léguer à mon enfant. »

— Stéphanie Lassonde, étudiante

Les quatre amis qui entourent Stéphanie Lassonde la taquinent un peu d’avoir ainsi ouvert son cœur. Pour qui ont-ils voté, eux ?

Québec solidaire, répondent-ils tous en chœur.

Québec solidaire, c’est le parti cool, le parti in, à leurs yeux.

Quand on soumet l’idée à Léo Bureau-Blouin, candidat péquiste défait et ancien leader étudiant, il répond qu’il ne veut rien enlever aux autres formations, mais qu’un parti politique, ça doit être davantage que la saveur du mois.

Cela dit, il est le premier à reconnaître que le Parti québécois « doit renouveler son discours qui a été mis de l’avant dans les années 70, 80 ou 90. Il faut parler aux jeunes de la place que le Québec pourrait prendre sur la scène internationale, il faut leur parler d’environnement, de défense des droits de l’homme, de justice sociale, [leur parler] d’un projet de société rassembleur ».

Oui, de création d’emplois et d’économie, aussi, mais sans perdre de vue l’héritage social-démocrate du PQ. « Sur le spectre politique, on ne peut pas être partout à la fois », conclut-il.

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