Dépression saisonnière

La lumière, l’hiver

Dès l’automne, lorsque les journées sont plus courtes, le manque de lumière a un impact sur le moral. Si vous manquez d’énergie et avez toujours envie de dormir et de manger des aliments riches et gras, vous faites partie des 16 à 18 % de Québécois qui souffrent du trouble affectif saisonnier (TAS), appelé également dépression saisonnière.

« Nous sommes dans un pays nordique et le manque de lumière durant les journées d’hiver perturbe notre horloge biologique, explique le Dr Hani Iskandar, professeur adjoint au département de psychiatrie de l’Université McGill. L’hormone sécrétée par la glande pinéale lorsqu’il y a un manque de lumière est la mélatonine. » Lorsque la lumière est insuffisante, le taux de mélatonine augmente, ce qui cause de la fatigue et de la somnolence. « L’hiver, le niveau de mélatonine en pleine journée est trop élevé dans notre sang. Il faut le faire baisser à l’aide de lumière, d’où l’utilité de la luminothérapie », précise le DIskandar.

Geneviève Guérard, ex-première danseuse des Grands Ballets canadiens, avait des envies de croustilles et de croissants dès l’automne. « Je sentais une grande baisse d’énergie en novembre, j’avais envie de rester couchée toute la journée. Quand j’ai le temps, le matin, je m’installe devant ma lampe de luminothérapie. Je ne la branche pas de manière systématique, mais j’avoue sentir le besoin de le faire. J’ai l’impression d’être au bord de la mer au soleil. L’effet est réel. Je me sens mieux, ça me donne vraiment de l’énergie », dit-elle.

Il faut bien distinguer le blues de l’hiver de la dépression saisonnière. « Le blues de l’hiver, c’est de 75 à 80 % de la population qui en souffre sans vraiment le savoir. Pour y remédier, il faut manger des oméga-3, du chocolat noir et sortir dehors, évidemment », ajoute le Dr Iskandar.

Les victimes

« On a beaucoup de difficulté à expliquer pourquoi il y a plus de femmes que d’hommes touchés par la déprime saisonnière », affirme le Dr Iskandar, qui explique que la génétique et le fait de ne pas aimer l’hiver sont souvent mis en cause.

Selon la psychologue clinicienne Marie-Pier Lavoie, la dépression saisonnière peut même commencer à l’adolescence. « Le jeune aura de la difficulté à l’école, il refusera de se lever et de s’habiller. Quand ça devient un comportement récurrent et que le parent a déjà souffert de déprime hivernale, celui-ci comprendra vite ce qui arrive », soutient la spécialiste de la dépression saisonnière qui a déjà traité de jeunes adolescents. La luminothérapie viendra dans ce cas-ci faire augmenter le niveau d’énergie et la motivation de l’adolescent. « L’âge moyen des gens qui souffrent de dépression saisonnière se situe de la vingtaine à la fin de la quarantaine. Après, ça peut se stabiliser et le trouble peut être moins intense. On ne sait pas vraiment pourquoi. Une personne ne sera pas nécessairement souffrante toute sa vie », précise-t-elle.

La luminothérapie

La luminothérapie est un traitement médical reconnu. Tous les jours, le matin et de manière assidue, on s’installe 30 minutes devant une lampe qui diffuse une lumière blanche de 10 000 lux, imitant les rayons de soleil. Il est par exemple possible d’apporter sa lampe au bureau et de s’installer devant elle. La lampe a toutefois un effet stimulant, il n’est donc pas recommandé de s’y exposer le soir, ce qui pourrait vous empêcher de dormir.

Valérie, 40 ans, ressent de réels bienfaits de la luminothérapie sur son tempérament. Depuis quatre ans, elle branche sa lampe dès le mois de septembre, avant même que son moral ne baisse et que ses envies de sucre ne se manifestent. « Tous les matins, au petit-déjeuner, je m’installe devant ma lampe pendant une bonne demi-heure. Au bout d’une semaine, je sens déjà la différence sur mon moral, je retrouve mon entrain. Je ne saute jamais une journée. Je suis quelqu’un qui fait du sport l’hiver, du ski de fond, de la course, mais le manque de lumière m’affecte beaucoup et la luminothérapie me fait le plus grand bien jusqu’en avril. »

« La grande majorité des gens suivent leur traitement d’octobre ou novembre à avril, au changement d’heure. Après, naturellement, la lumière du printemps suffira », assure Marie-Pier Lavoie.

À défaut de luminothérapie, elle conseille de marcher dehors tous les jours, au moins une demi-heure, voire une heure, quand il fait beau. « La neige reflète la lumière qui est très intense et ça peut remplacer la luminothérapie. Bien s’habiller, pratiquer un sport et miser sur les plaisirs de l’hiver avec les enfants peut aider à surmonter cette déprime. »

L’inventeur

Né en 1950, le psychiatre sud-africain Norman E. Rosenthal a déménagé aux États-Unis, au Maryland puis à New York, et, se sentant fatigué l’hiver, a découvert le premier qu’il souffrait du trouble affectif saisonnier. Il est l’inventeur de la luminothérapie.

Pour les travaileurs de nuit

La luminothérapie est souvent utilisée par les travailleurs de nuit, comme les infirmiers ou les policiers. « On installe les lampes dans le poste infirmier pour les garder éveillés. Après le travail de nuit, on recommande aux travailleurs de rentrer directement chez eux et de ne pas s’exposer au soleil pour ne pas perturber l’horloge interne. Sinon, ils auront de la difficulté à dormir le jour… », explique le Dr Hani Iskandar. De 20 à 25 % Pourcentage de la population qui souffre de dépression saisonnière dans les pays scandinaves, contre 16 à 18 % au Québec.


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