France

Hollande renonce à un second mandat

Extrêmement impopulaire chez les Français et vivement contesté au sein de son propre camp, le président socialiste François Hollande est devenu hier le premier président en exercice de la VRépublique à renoncer volontairement à se présenter pour un second mandat. Une décision prévisible qui vient néanmoins chambouler la scène politique française à cinq mois de la présidentielle.

François Hollande a fait durer le suspense pendant des mois. Mais à quelques semaines des primaires de la gauche – dont la tenue était déjà un sévère camouflet à son endroit –, le président n’avait d’autre choix que d’annoncer ses couleurs. Et avec un score abyssal de 13 % d’appui au sein de la population et des sondages désastreux, il risquait une déroute totale face à la droite et à l’extrême droite s’il réussissait à remporter la primaire. « Je suis conscient des risques que ferait courir une démarche, la mienne, qui ne rassemblerait pas largement autour d’elle. Aussi, j’ai décidé de ne pas être candidat à l’élection présidentielle », a-t-il annoncé hier dans une allocution télévisée.

La décision de François Hollande traduit un constat d’échec sans appel de son quinquennat, soutient Julien Tourreille, chercheur en résidence de la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM.

« Deux facteurs ont pesé dans son impopularité. Le premier est son incapacité à relancer la croissance économique et inverser la courbe du chômage. Il n’a pas réussi, et les Français lui en tiennent profondément rigueur. Le second élément qui a plombé son mandat est toute la polémique sur la déchéance de nationalité qui a illustré qu’il était un président éloigné des idéaux socialistes », analyse l’expert.

Dans son allocution, François Hollande a d’ailleurs affirmé n’avoir qu’un « seul regret » : sa proposition de retirer la nationalité française aux citoyens détenant deux nationalités qui seraient condamnés pour terrorisme.

« Mais le pouvoir, l’exercice du pouvoir, les lieux du pouvoir et les rites du pouvoir ne m’ont jamais fait perdre ma lucidité ni sur moi-même ni sur la situation. »

— François Hollande

Selon Julien Tourreille, si François Hollande a attendu aussi longtemps pour prendre sa décision, c’est qu’il misait sur une victoire de Nicolas Sarkozy à la primaire de la droite. Or, c’est plutôt l’ancien premier ministre de ce dernier, François Fillon, qui a remporté haut la main la primaire devant le favori Alain Juppé. Le sort politique de l’impopulaire président s’est toutefois scellé en octobre avec la publication d’un livre-confession controversé. « Ça a fait exploser ses derniers soutiens au sein du Parti socialiste », affirme Julien Tourreille.

Quel espoir pour la gauche ?

Seuls deux candidats de la gauche sont « crédibles » pour affronter François Fillon et la présidente du Front national Marine Le Pen au scrutin présidentiel de mai prochain : le premier ministre Manuel Valls et l’ex-ministre socialiste Arnaud Montebourg, soutient Frédéric Mérand, professeur et directeur du Centre d’études et de recherches internationales à l’Université de Montréal. Si Arnaud Montebourg s’est officiellement lancé dans la mêlée hier, Manuel Valls demeure muet sur ses intentions, même si tout porte à croire qu’il se présentera.

« C’est vraiment impossible de dire qui est le mieux placé [pour gagner]. Ils ont tous deux des atouts et des handicaps. Valls paraît être un candidat très solide, mais en même temps, il est associé à l’impopularité du gouvernement. Montebourg représente plutôt les valeurs traditionnelles du Parti socialiste, mais il n’est pas considéré comme un poids lourd au sein même du parti », affirme le professeur Frédéric Mérand.

S’il se lance comme prévu, Manuel Valls aura bien du mal à se détacher du bilan de François Hollande, estime le chercheur Julien Tourreille.

« Manuel Valls se poserait comme le défendeur du bilan [de Hollande], et surtout comme une alternative à un programme politique. D’un côté, vous avez Montebourg et [l’ex-ministre Benoît] Hamon, qui sont quand même à gauche sur plusieurs enjeux, alors que Manuel Valls est plus centre gauche. Ce serait vraiment un conflit idéologique au sein de la gauche. »

— Julien Tourreille

Mais peu importe qui sera le champion de la gauche à l’issue de la primaire à la fin de janvier, le candidat du parti Les Républicains François Fillon reste le « mieux placé pour arriver en tête au premier tour », estime Julien Tourreille. « Il arrive à faire une synthèse des principes de l’économie libérale et du conservatisme social qui va jouer dans les platebandes de l’électorat susceptible d’être tenté par le Front national. On dit depuis des mois que c’est sûr que [Marine Le Pen] sera au second tour, mais l’évolution en cours de la scène politique m’inciterait à être un peu plus prudent », analyse-t-il.

« À priori, on se dit que ce sera ces deux candidats [Fillon et Le Pen] qui passeront au second tour. Mais l’élection est dans six mois, et la gauche au sens large, en France, continue à peser 35 % des intentions de vote. Est-ce qu’il y a une candidature [à gauche] qui va réussir à se démarquer ? Si oui, dans une course à trois, est-ce qu’un candidat de gauche peut encore arriver au second tour ? », se demande Frédéric Mérand. L’ancien ministre de l’Économie sous Hollande, l’indépendant Emmanuel Macron, pourrait d’ailleurs jouer les trouble-fêtes en se positionnant au centre, souligne le professeur.

— Avec l’Agence France-Presse

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