Le couperet est tombé

L’entraîneur Mauro Biello et ses adjoints perdent leur emploi

Le couperet est rapidement tombé. Au lendemain d’une saison extrêmement décevante, conclue avec 39 points et 9 défaites dans les 10 derniers matchs, Joey Saputo a relevé Mauro Biello et le reste du personnel d’entraîneurs de leurs fonctions.

Dès les premières minutes de son bilan de saison, le président montréalais s’est montré lucide, mais très tranchant sur la performance de son Impact en 2017. « Nous avons raté les séries, nous n’avons pas gagné le Championnat canadien, nous avons éprouvé des difficultés toute la saison et, surtout, cette équipe n’a jamais développé une identité de jeu claire. Aussi, il y avait des problèmes récurrents qui n’ont pas été corrigés. »

Chacun aura son avis sur la pertinence d’un tel changement, mais personne n’est véritablement surpris par la décision du club. La saison a pris une mauvaise tangente dès les premiers matchs, au printemps, avec une seule victoire lors des deux premiers mois. Hormis une embellie en août, le onze montréalais n’a jamais été dans la lutte pour les séries, glissant finalement au neuvième rang de l’Association de l’Est.

On sait, désormais, que les premiers doutes ont été soulevés dès le mois d’avril par Saputo. À la fin du mois de juin, le président et son entraîneur s’étaient également assis afin de revoir les objectifs, soit une place en séries et une récolte de 50 points.

Outre cet objectif, manqué par 11 unités, les protagonistes avaient établi une liste d’améliorations à effectuer au courant de la saison. En étant toujours aussi fébriles en fin de match, sur les phases arrêtées et dans le jeu défensif, Biello et ses hommes ont raté toutes leurs cibles.

Dans l’histoire récente de la MLS, certains clubs ont parfois pardonné une année difficile à leur entraîneur. Plutôt que d’avancer la thèse de l’accident de parcours, après deux participations aux séries en 2015 et en 2016, l’Impact a déterminé que Biello ne serait pas en mesure de lui faire passer un cap. D’où cette cassure pour se tourner vers un entraîneur possédant une vaste expérience internationale. 

« Je sais que c’est un moment difficile pour lui, et ce n’est certainement pas une décision facile pour le club, vu ce que Mauro a apporté au fil des années. Il a eu le contrôle total pour bâtir son équipe et, après trois années et à la lumière des résultats de 2017, nous pensons qu’il est temps de faire un changement. »

— Joey Saputo, président de l’Impact

Les rumeurs quant à un changement d’entraîneur ont déferlé dans la dernière ligne droite de la saison. Officiellement, Biello ne l’a su qu’après la défaite contre le Revolution de la Nouvelle-Angleterre, dimanche soir, tandis que les joueurs ont été mis au courant hier, au Centre Nutrilait. Tour à tour, ces derniers ont tenu à dire qu’ils partageaient la responsabilité de cet échec.

« Son message passait, mais avec les défaites, les joueurs entrent dans leur bulle et commencent à penser à leur propre peau. Dans une saison négative, tu te dis qu’il y aura des changements et que l’équipe ne gardera pas le même effectif », a indiqué Patrice Bernier, en ajoutant que le vestiaire appréciait Biello.

« À écouter tout le monde, on dirait que Mauro a fait un travail désastreux, mais ce n’est pas ce que je ressens, a plaidé Marco Donadel. C’était sa première expérience comme entraîneur-chef. Il a repris un groupe qui était dans une mauvaise situation [en 2015] et il nous a menés vers les demi-finales d’association, où nous avons perdu n prolongation. L’année dernière, nous avons perdu en prolongation en finale d’association contre Toronto. Cette année, c’était la première fois que lui et nous ne faisions pas aussi bien. »

Même si sa prochaine fonction reste à déterminer, on peut imaginer que Biello, un fidèle depuis un quart de siècle, retombera sur ses pattes avec l’Impact. Le futur entraîneur aura son mot à dire dans ce dossier.

La structure reste la même

L’Impact aura donc un nouvel entraîneur et de nouveaux adjoints, mais la structure et la hiérarchie ne seront pas modifiées. Saputo a défendu cette organisation et a notamment passé près de trois minutes à rappeler l’importance de Nick De Santis, qui cristallise encore bien des frustrations.  Dimanche, tard dans la soirée, des « De Santis décâlisse » se faisaient entendre devant les grilles du stade Saputo.

« Les gens doivent comprendre qu’il est avec moi depuis 25 ans […] et que c’est une personne en qui j’ai confiance. Il est bien perçu au niveau international et il représente le club d’excellente façon. C’est un bon dépisteur et il a été en mesure d’amener des joueurs, comme [Marco] Di Vaio, [Nacho] Piatti, [Blerim] Dzemaili et bien d’autres », a précisé Saputo.

L’Impact de 2018 n’aura pas un visage différent seulement sur le banc. Après le néo-retraité Bernier, on sait maintenant qu’Hernan Bernardello mais surtout Ambroise Oyongo ne seront pas de retour la saison prochaine.

« La décision a été prise, je ne vais pas rester. J’ai eu de meilleures offres ailleurs. Je veux réaliser mes rêves. Je sais où je vais jouer, mais c’est confidentiel pour le moment. Je peux juste dire que je vais jouer en Europe », a raconté le défenseur latéral.

Qu’ils soient en fin de contrat ou pas, des doutes peuvent aussi être émis dans les cas de Marco Donadel, Hassoun Camara, Dominic Oduro, Andres Romero, Chris Duvall ou Deion Boldor. Les offres européennes concernant Ballou Jean-Yves Tablan n’ont pas disparu, a lancé le principal intéressé, même si son but est de rester à Montréal l’année prochaine.

Timide dans son recrutement l’hiver dernier, l’Impact en est donc quitte pour un abrupt changement de cycle, cette fois-ci...

Saputo a des critères précis

Joey Saputo a déjà dressé un profil préliminaire de celui qui succédera à Mauro Biello au cours des prochaines semaines. « C’est quelqu’un qui a coaché au niveau de la première division européenne et quelqu’un qui a gagné un championnat à ce niveau. Ce sera un investissement important », a dit le président de l’Impact.

Il l’a sans doute déjà rencontré

Par l’entremise de ses contacts à Bologne, Saputo a déjà ciblé et rencontré quelques candidats intéressants depuis le début du processus, au mois de juillet. « Je ne voulais pas être dans une position de réagir à la fin de saison. Je voulais me préparer », a-t-il précisé. Sans les nommer, il a ajouté avoir rencontré ou discuté, par téléphone, avec un entraîneur suisse, un français, un allemand, un espagnol, deux italiens et trois argentins.

Il a de l’expérience

Jesse Marsch et Mauro Biello ont vécu leur première expérience avec l’Impact, tandis que Frank Klopas n’avait pas un CV particulièrement étoffé et impressionnant. Cette fois, l’Impact va privilégier un candidat bien établi et investir en conséquence. « On veut un entraîneur qui a un minimum de cinq ans au haut niveau et quelqu’un qui a gagné des trophées. Quand on parle de philosophie, on parle de l’identité qu’il veut amener à l’équipe. » Au total, l’Impact a établi une liste de 30 critères d’embauche, tandis qu’elle ne dépassait pas la dizaine lors de l’arrivée de Marco Schällibaum, en 2013.

Il arrivera dans les prochaines semaines

Dans un monde idéal, Saputo aimerait annoncer l’identité de son futur entraîneur d’ici deux ou trois semaines. « On a des joueurs qui ont des contrats jusqu’au mois de décembre et j’aimerais qu’on ait un entraîneur bien avant ça, a-t-il ajouté. Comme ça, il pourra voir l’effectif, et s’il faut faire un petit camp d’essai, on sera prêts à le faire. » Ce nouvel homme fort ne devra pas seulement juger l’effectif actuel, il devra également se préparer pour le prochain repêchage et analyser les renforts possibles lors du mercato d’hiver.

Il marquera une rupture chez l’Impact

Atlanta United a placé très haut la barre en choisissant le réputé Tata Martino, passé par le FC Barcelone et la sélection argentine, comme entraîneur. Saputo y a certainement vu une tendance, mais surtout une façon de se distinguer de la concurrence. « Je veux être certain de choisir quelqu’un qui peut faire la différence. Je n’enlève rien aux entraîneurs qui sont dans la ligue, mais il faut voir un entraîneur comme une extension de ton joueur désigné. Il y a tellement de parité dans la MLS qu’un entraîneur expérimenté peut faire la différence au même titre qu’un joueur désigné. »

Il n’entraîne pas aux États-Unis

En plus de révéler la nationalité des candidats rencontrés, Saputo a précisé qu’il n’avait jamais discuté avec Alessandro Nesta, actuel entraîneur du Miami FC. « Nous n’avons approché aucun entraîneur qui travaille actuellement aux États-Unis », a-t-il ajouté du même coup. On sait maintenant que Nesta, au centre de rumeurs plus tôt à l’automne, ne remplit pas un très grand nombre des critères énoncés par la direction du club hier.

Il ne parlera pas forcément français

L’aspect linguistique fait partie des critères mis de l’avant. Son entraîneur doit parler français ou, au minimum, avoir la volonté de l’apprendre. Dans tous les cas, il devra comprendre la particularité d’un marché montréalais plutôt exigeant avec ses entraîneurs. « Cette personne devra être charismatique. Elle devra comprendre que Montréal, médiatiquement et par apport aux attentes, n’est pas comme les autres villes en MLS, a exposé Patrice Bernier. On est une ville qui a beaucoup de passion. »

Il aura les mêmes responsabilités que Biello, mais...

Comme Biello, le futur entraîneur aura carte blanche pour bâtir son effectif et son onze partant. Son rôle et ses responsabilités seront donc identiques, même si Saputo espère une plus grande synergie entre la première équipe et l’Académie. « Si je peux trouver quelqu’un qui a déjà travaillé dans un tel système, qui a déjà travaillé et développé des jeunes, il aura plus de responsabilités dans la gestion de l’Académie. »

Il n’est pas Laurent Blanc

Pourquoi lancer, comme ça, le nom de l’ancien entraîneur des Girondins de Bordeaux, du Paris Saint-Germain et de l’équipe nationale française ? Tout simplement parce qu’il a été aperçu aux côtés de Saputo, l’été dernier, lors d’un match de l’Impact. « Je lui ai demandé s’il avait des entraîneurs en tête qui étaient disponibles et ouverts à nous amener plus haut. Mais ce n’était pas une entrevue, il était simplement en vacances avec son épouse. »

« Il n’est pas question de rentrer en Europe »

« Mon souhait est de continuer ici et, pourquoi pas, de faire comme Patrice [Bernier] en finissant ma carrière à Montréal. Je me sens chez moi ici, mais il me reste un an de contrat et je n’ai pas toutes les cartes en main. De toute façon, mon souhait est de rester dans la MLS. Il n’est pas question de rentrer en Europe. »

— Laurent Ciman

« J’étais blessé en même temps que cette situation [sa grève]. J’ai été absent pendant deux semaines et, quand je suis revenu, le groupe était déjà prêt. [Michael] Salazar performait bien, alors j’étais de côté. Les gens l’ont pris comme une mise à l’écart, mais j’étais bien avec l’entraîneur. »

— Ballou Jean-Yves Tabla

« Ça a été plus difficile dans le vestiaire, cette saison, en termes de cohésion. Tout n’a pas été dans le bon sens. On n’a pas été à la hauteur en termes de leadership et de responsabilités. Il y a des détails qui auraient pu faire la différence si on avait su les appréhender bien avant. Ce sera une leçon pour ceux qui seront là la saison prochaine. »

— Hassoun Camara

« Mauro nous quitte, mais il le fait aussi à cause de nos erreurs. Cela vient aussi de la mentalité et de ce qui se passe chaque jour dans notre centre d’entraînement. Les choses doivent changer, et celui qui le remplacera devra changer cette mentalité. Sinon, on n’ira pas de l’avant et ce sera le statu quo. »

— Blerim Dzemaili

« J’ai le sentiment que je serai de retour l’année prochaine, mais des choses étonnantes arrivent dans ce milieu. Tu dois te préparer pour le pire et être prêt, peu importe ce qui peut arriver. »

— Evan Bush

« J’ai parlé avec le club à propos de l’avenir. Nous n’avons pas trouvé d’accord et on verra en décembre quelle sera ma première destination. Je suis reconnaissant envers tout le personnel ici, mais je ne pourrai pas continuer à Montréal. »

— Hernan Bernardello

« Les deux dernières années ont été longues, mais je suis content d’avoir pu jouer les trois derniers matchs. Maintenant, j’ai hâte à la prochaine présaison, travailler fort et revenir plus fort. »

— Andrés Romero

« Dans ma réflexion, on ne peut ignorer le fait qu’il y ait un changement d’entraîneur. Ça a été dur d’avoir du temps de jeu cette saison. Est-ce qu’avec un nouveau coach, ce sera l’occasion d’un nouveau départ, ou si c’est mieux pour moi de passer à autre chose ? »

— Dominic Oduro

« Je ne suis pas content parce que je voulais marquer plus de buts. La blessure a compliqué ma mission, puisque je suis resté deux mois sans jouer. En revenant, je n’étais pas assez bien physiquement. J’ai essayé de travailler fort, mais je me sentais différent. »

— Matteo Mancosu

« J’ai eu peur de perdre mon poste, mais si la compétition est élevée, c’est positif, car cela permet d’améliorer le groupe. »

— Victor Cabrera

« Les attentes seront plus hautes l’an prochain. Il y a des facettes de mon jeu à améliorer et je vais travailler là-dessus. J’ai marqué beaucoup de buts par rapport à mon temps de jeu, mais j’aurais pu faire mieux avec les occasions obtenues. »

— Anthony Jackson-Hamel

« L’an prochain, j’aurai plus de temps pour bien rentrer dans le groupe. Je vais pouvoir démarrer sur la même marche que tout le monde. La saison a plus ou moins bien été pour nous, mais j’ai hâte à l’an prochain pour voir ce que le groupe sera en mesure de démontrer. »

— Samuel Piette

« Ça n’a pas été une saison appréciable pour moi. C’est une claire régression par rapport aux années précédentes où il y avait une progression dans le temps de jeu, dans le niveau et dans la performance. C’est un recul, mais il y a aussi des joueurs, comme Kyle Fisher, qui ont bien fait devant moi. »

— Wandrille Lefèvre

Propos recueillis par Pascal Milano, La Presse

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