Montréal en lumière

Normand Laprise

« Patience et persévérance avant tout »

Ses restaurants (avec son associée Christine Lamarche) : Toqué !, Brasserie T

Entre 105 et 120 employés, selon la saison.

Normand Laprise est LE parrain bienveillant de la restauration montréalaise. Même des têtes de cochon comme Martin Picard, David McMillan et Frédéric Morin l’admirent et lui obéissent au doigt et à l’œil. « Oui chef ! » Celui qui a su trouver l’équilibre parfait entre rigueur, respect et sang-froid a lui-même appris à la dure.

Ses mentors

« J’en ai eu deux. Mon premier a été Jean Abraham. Il m’appelait "Petit". Pour lui, c’était important que chacun de nos gestes soit efficace. Quand j’en échappais un peu à côté, je recevais tout à coup quelque chose de très chaud sur la main ! Puis il me lançait : "Petit, tu ne te brûleras plus quand tu sauras travailler." J’ai fait deux ans chez lui, au Café de la Paix, à Québec. Après, il y a eu Jacques Le Pluart, un Breton. De lui, j’ai appris l’importance de la fraîcheur et de la qualité des ingrédients. Il faisait son marché deux fois par semaine. Quelqu’un montait toutes les semaines à Montréal pour acheter ses poissons chez Waldman. Presque tout était importé, mais au moins, c’était frais. On travaillait avec quelques petits producteurs locaux et on apprenait à faire avec ce qu’on avait. »

Conseil aux aspirants-chefs

« Aujourd’hui, la plupart des jeunes chefs essaient d’aller trop vite. Ils vont étudier la cuisine pour devenir des vedettes. Je leur dirais d’aller étudier à l’école de théâtre, si c’est vraiment ça qu’ils veulent ! Il faut prendre son temps, voir quel type de cuisine on veut pratiquer. Bistro ? Haut de gamme ? Institutionnelle ? Puis c’est important de se trouver un mentor. Passer plusieurs années avec lui. Gravir tous les échelons. Moi, je n’ai jamais embauché de chef ou de sous-chef. Je les ai tous formés. Ils sont partis du bas et ont monté.

« Des jeunes qui font un stage de trois ou de six mois dans un resto, je ne trouve pas ça sérieux. On n’apprend rien en trois ou six mois, sinon quelques recettes. »

L’exemple le plus parfait de mentorat et de maturation lente est sans doute celui de la relation entre Normand Laprise et Charles-Antoine Crête, qui a duré 14 ans. Crête a quitté le Toqué ! en décembre dernier, prêt à dompter de nouveaux fourneaux.

« C’est comme si mon ado quittait la maison ! lance Laprise. Il est prêt. Il aurait été prêt il y a cinq ans, mais pas autant qu’aujourd’hui. Là, il est vraiment solide. Il connaît l’importance de bien s’entourer, ce qui va l’aider à conserver sa folie. Il ne va pas se planter. »

Gérer la cuisine

« Il faut trouver l’entre-deux : être exigeant, rigoureux, mais respectueux. On ne peut pas engueuler, frapper un employé, le stresser et s’attendre à ce qu’il soit efficace après. Au Toqué ! la cuisine est configurée de manière à favoriser le contact visuel. On peut dire beaucoup de choses avec les yeux. Pas besoin de crier ! »

Ce qu’il aimerait léguer

L’importance de travailler avec des bons produits, les plus locaux possible, et de maximiser leur utilisation. Une gestion rigoureuse mais très humaine. « Pour moi, un grand influenceur, c’est quelqu’un qui fait bouger les choses et qui laisse une empreinte durable sur son milieu. »

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