L’arrière-boutique

Rachel F : fait lentement, pour longtemps

À l’entrée du quartier général de Rachel F, rue Sainte-Catherine Est, dans Hochelaga-Maisonneuve, toute une équipe s’active. Dans les locaux de la designer d’accessoires cohabite une communauté éclectique, une joyeuse bande d’amis, derrière l’agence de spectacle L’Écurie, le festival punk Pouzza Fest et Graf XXL, service d’infographie. 

L’atelier de Rachel F se situe à l’arrière du rez-de-chaussée de ce duplex acheté il y a un an, qui débouche sur une cour typique des ruelles montréalaises, décorée de jolies guirlandes d’ampoules blanches. Échappé du lecteur CD, un air feutré d’Avec pas d’casque se fraie un chemin jusqu’à l’oreille. La veille, après des semaines d’effervescence, l’équipe a été contrainte de reporter la séance photo de la collection printemps-été 2014, en raison de la pluie. Mais en ce lundi matin, l’ambiance est plutôt à la quiétude. Comme un court moment de répit.  

Rachel Fortin savait, du fond de son Chicoutimi natal, qu’à travers le design, son « inspiration prendrait les formes les plus accomplies ». Au collège Marie-Victorin, où elle s’inscrit en mode, elle se spécialise en confection de vêtements avec fourrure. Une matière de laquelle elle tombe amoureuse, littéralement. Une passion qui l’entraîne jusqu’à Copenhague, au Danemark, au Saga Furs Design Center, où elle parfait son apprentissage.

Avant de se consacrer pleinement à la fourrure recyclée, et d’y ajouter le cuir, Rachel affûte ses premières armes chez d’autres fabricants. Chez Mackage, où elle est assignée aux catalogues, puis pour une société de tricot, où elle est embauchée comme dessinatrice. Mais le travail manuel, qui lui est vital, lui manque. Elle bifurque donc brièvement vers l’industrie du cinéma, à titre de couturière de costumes, avant de fonder, avec une compatriote, la marque Dada & Tati, des vêtements dont la particularité est d’amalgamer fourrure et… coton ouaté. 

En 2004, Rachel postule, en solo, au Salon des métiers d’art de Montréal avec une collection d’accessoires qui intègrent la fourrure. C’est le moment qu’elle choisit pour lancer officiellement Rachel F. Elle fait cavalier seul jusqu’à sa rencontre avec Mathieu Mudie, son amoureux et le papa de leur grande fille de 6 ans. Ce dernier lui donne de l’élan, la pousse à élargir ses horizons, à voir plus grand pour sa marque. Aujourd’hui, il s’occupe du volet administration de l'entreprise, tandis que Rachel se concentre sur la création et le design. 

Depuis, elle s’est mise à incorporer le cuir à ses collections, qu’elle transforme à partir de vêtements usagés, de rebuts de production (de l’industrie du sofa de cuir, notamment) et d’échantillons. Ce qui était au départ « une folie » est devenu un moyen de pallier l’offre de moins en moins grande du côté de la fourrure recyclée, tout comme une façon d’offrir des accessoires quatre saisons par année.  

De la rue à la rue

Jusqu’à tout récemment, le trait distinctif de ses sacs et portefeuilles était l’impression de sérigraphie à même le cuir. Une pratique qu’elle admet abandonner progressivement. « On s’est aperçu que ça marchait bien dans les foires, où les gens recherchent l’originalité, la petite touche. En boutique, toutefois, le marché est plus difficile à percer. »

Si le parti pris de la « durabilité » est louable, une question se pose : comment se distingue-t-elle des « grands acteurs » de l’industrie qui ont fait du recyclage une marque de commerce, comme Harricana, griffe « écoluxe » ? « L’ambition, je dirais. Ici, tout est fait à la main, sur place, du début à la fin. Je veux rester proche de mon produit, des gens qui m’aident à le confectionner, garder le contrôle tout en m’occupant de ma famille. Je veux être capable d’en vivre, mais en minimisant la part de stress », affirme Rachel. 

La designer a fait le choix de rester à proximité de son équipe, mais aussi de ceux à qui elle s’adresse. Celle qui promène son baluchon d’un salon à l’autre dit recevoir là le meilleur retour sur ses créations, au fil des discussions avec les clients. On n’est pas surpris d’apprendre que c’est dans le street style qu’elle trouve la plus grande inspiration : « Après tout, c’est dans la rue que mes collections aboutissent. » Ni qu’elle revendique fièrement la dimension artisanale de son travail, brandissant haut et fort que l’homogénéité des accessoires n’est ni garantie ni recherchée. Belle façon de garder, çà et là, quelques traces d’humains. 

Rachel F en quelques mots

Nom : Rachel Fortin 

Lieu de naissance : Chicoutimi

Sources d’inspiration : l’art, la musique, les voyages, les amis… 

Dans une vie antérieure, j’étais… :  Alexandra David-Néel, grande exploratrice.

Rachel F, en trois mots : fait lentement, pour longtemps.

Points de vente à Montréal : Belle et rebelle, Unicorn.

En ligne : rachelf.ca

Rachel F

« Ici, tout est fait à la main, sur place, du début à la fin. Je veux rester proche de mon produit, des gens qui m’aident à le confectionner, garder le contrôle tout en m’occupant de ma famille. Je veux être capable d’en vivre, mais en minimisant la part de stress. »

À suivre

L’ouverture d’une boutique-concept, où le travail fabriqué localement, qu’il vienne de Montréal, de New York ou d'ailleurs, sera mis de l’avant. La seule information soutirée à Rachel, c’est que l’endroit sera design et sympathique aux jeunes enfants et aux familles. La date d’inauguration officielle reste à déterminer, mais il semblerait que le projet se concrétisa aux premiers soubresauts de l’automne. On reste aux aguets. 

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.