Chronique

L’école, le basket, la vie...

Lorsque Maël Gilles, une grande athlète de 16 ans, a intercepté la passe et filé seule vers le panier, les 1000 élèves réunis dans le gymnase de l’école Saint-Laurent ont compris qu’un jeu magique se préparait.

Rapide, puissante et souple, Maël a bondi, avant de déposer élégamment le ballon dans le cerceau. Les deux points ont ajouté à l’avance de l’Express et des cris enthousiastes ont accueilli ce panier spectaculaire.

Dans cette école secondaire du nord de Montréal, les attentes sont grandes envers l’équipe de basketball féminine, qui regroupe les meilleures joueuses de quatrième et cinquième secondaire. Ici, le sport est un puissant outil d’unité et de fierté.

« C’est plus qu’une école multiethnique, ce sont les Nations unies ! », lance le directeur Patrice Brisebois en observant les jeunes de toutes origines autour du terrain.

C’était jeudi midi, jour d’ouverture du 10e tournoi invitation de l’Express, qui se déroule tout le week-end. Soixante-quatre équipes de garçons et de filles, dont quatre de l’Ontario, se disputent la victoire.

Recevoir ces dizaines de joueurs de basketball représente une réussite pour cet établissement qui, selon les normes du ministère de l’Éducation, affiche un « indice de défavorisation » très élevé.

Ainsi, le midi, pour s’assurer que les 2000 élèves prennent un repas complet, le lunch est offert à un coût modique. Et lorsque des élèves d’un programme particulier ont multiplié les retards plus tôt cet automne, la solution a vite été trouvée : offrir un petit déjeuner gratuit. Du coup, la ponctualité a augmenté.

Les yeux rivés sur ce match serré – les joueuses de l’école De Mortagne, à Boucherville, sont aussi redoutables –, Patrice Brisebois rappelle que l’arrondissement de Saint-Laurent est souvent la première terre d’accueil pour les nouveaux arrivants.

« Le sport nous a permis de rassembler ce bassin hétéroclite, dit-il. Mais on n’est pas une grosse garderie ! La réussite scolaire est fondamentale. On veut que nos élèves atteignent le cégep. »

Pendant que Maël Gilles enfile un autre panier, le directeur ajoute : « Regardez nos jeunes dans les estrades : certaines portent le voile, d’autres non. Nous, ça fait longtemps qu’on est passés par-dessus ça.

« L’important est de réunir tous les élèves autour d’éléments communs. Le premier, qui anime toute la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, c’est vivre ensemble en français ; le second, dans notre école, c’est le sport. »

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Daniel Lacasse, ancien joueur de basket à l’Université Concordia, est l’entraîneur de l’équipe des filles. Associé à l’école Saint-Laurent depuis 13 ans, il a été un témoin privilégié de son évolution. Comme plusieurs autres établissements, Saint-Laurent a aussi connu ses problèmes.

« On a fait beaucoup de chemin au cours des dernières années, explique ce géant à la voix douce. Lorsque la culture sportive s’est installée, tout le reste s’est placé. Nous, on veut changer les stéréotypes. »

Le basket féminin contribue à l’essor de l’école. Un exemple : la saison dernière, le cégep Montmorency a remporté le championnat collégial canadien. Neuf des joueuses étaient des anciennes de Saint-Laurent.

« On a commencé le basket féminin très modestement, dit Daniel Lacasse. Ça fait seulement trois ou quatre ans qu’on obtient de solides résultats aux niveaux individuel et collectif. »

En décembre prochain, pour la deuxième année consécutive, ses joueuses participeront au Tournoi des championnes Nike, en Arizona. Une seule autre équipe canadienne sera de la partie. Le calibre de jeu sera très élevé.

« Lorsqu’on joue aux États-Unis, c’est rempli de coachs dans les gradins, ajoute-t-il. Ils ne sont pas là pour voir mon assistant ou moi. Ils sont là pour voir Maël ! »

Maël Gilles est déjà étiquetée future vedette. Membre de l’équipe canadienne des moins de 17 ans qui participera l’été prochain au Championnat du monde, en Espagne, elle recevra assurément des offres de bourses d’études aux États-Unis. Mais pas question de quitter le Québec trop vite.

« Je veux d’abord aller au cégep, dit-elle. Je dois aussi améliorer mon anglais. »

L’histoire de Maël illustre combien un encadrement académique et sportif de première qualité favorise l’épanouissement d’une adolescente douée, mais ayant grandi dans un environnement difficile dans un autre quartier de Montréal. Elle est arrivée à l’école Saint-Laurent en troisième secondaire.

« Ç’a changé ma vie, dit-elle. Je me suis développée comme athlète, mais aussi comme personne. J’ai compris l’importance d’avoir de bonnes notes. »

Maël vient de recevoir son brevet de Sport Canada. Cela lui vaudra une allocation mensuelle, en plus de consolider son statut d’athlète de premier plan au sein de la relève canadienne. « J’aimerais participer aux Jeux olympiques un jour », dit-elle.

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Aux murs du gymnase de l’école Saint-Laurent, des dizaines de bannières rappelant les distinctions remportées par les équipes sportives sont accrochées. Il y a le basket, certes, mais aussi le soccer, la natation et combien d’autres... Le personnel et les élèves sont fiers de ces marques de succès.

Robert Leblanc, le grand manitou des sports, est un passionné ne comptant pas ses heures pour aider les jeunes. Il raconte avec fierté leurs efforts pour réunir des fonds en emballant des produits dans les grandes épiceries du coin. Cet argent aide au financement de voyages dans tous les sports.

« Un jour, j’aimerais qu’une de nos équipes se rende en Chine, dit-il. Et qu’on accueille en retour des jeunes de ce pays. Je pense qu’on réussira... »

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Le match terminé, Daniel Lacasse est assis dans un petit bureau à deux pas du gymnase. Son équipe a gagné et il est content pour ses joueuses.

– Vous et vos collègues faites de petits miracles avec tous ces jeunes...

– Ce sont eux qui font leurs propres miracles, répond-il. S’ils ne voulaient pas réussir, on ne pourrait pas le faire à leur place. Nous, on leur offre la base. Mais c’est à eux de prendre leurs décisions.

À l’école Saint-Laurent, le basket n’est pas seulement un sport. C’est aussi une façon de se préparer à la vie.

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