MENER, C’EST APPRENDRE
Brigadier-général Jennie Carignan
Commandant de la 2e Division du Canada et de la Force opérationnelle interarmée (Est)
« Je me suis rendu compte pourquoi on appelait ça un général : c’est parce qu’on est vraiment un généraliste. Alors qu’auparavant, je pouvais avoir la réponse au bout de mes doigts parce que j’étais une spécialiste dans mon domaine, ce n’était plus le cas à ce niveau-là. La gestion d’équipes multidisciplinaires avec diverses expériences, diverses connaissances, est absolument capitale. Un général, c’est un généraliste, c’est devenu très évident après quelques mois.
« Ça prend beaucoup de flexibilité, ça prend beaucoup d’humilité, parce qu’on ne peut pas être un spécialiste dans tous les domaines. Il faut savoir poser les bonnes questions, il faut savoir à qui les poser. »
« Il faut être à l’aise dans les situations incertaines. S’il y a de l’incertitude, il y a souvent des opportunités à saisir dans les zones grises. Ce que j’aime faire avec mes équipes, c’est chercher les opportunités lorsque c’est chaotique. »
« L’éducation m’a permis d’aller chercher les bases sur lesquelles je pouvais prendre des décisions. Ça m’a permis d’accélérer mon cycle de décision, d’être plus à l’aise dans ce qui est incertain et chaotique.
« Il y a toujours un apprentissage à faire dans n’importe quel poste dans lequel on est appelé à servir. Ce n’est pas nécessairement nous qui choisissons. Il faut se laisser un peu de temps pour apprendre.
« Ma mission en Afghanistan a été particulièrement difficile sur le plan personnel et physique. C’est une mission de 10 mois qui a demandé énormément de préparation avant de partir, et qui a été extrêmement exigeante sur place.
« On était extrêmement bien préparés pour se déployer en Afghanistan. Le secret est vraiment là. Toutes les leçons apprises en théâtre d’opérations étaient transmises immédiatement dans notre système de formation et on apprenait au fur et à mesure que la situation évoluait en Afghanistan. »
« Il y a énormément de liens à faire avec n’importe quel autre meneur d’entreprise ou d’organisation. Ce que je tente de faire, c’est de créer de la richesse au sein des équipes avec lesquelles j’évolue. Je déteste créer des espaces gagnants-perdants.
« Si on a des problèmes à régler, quand les gens se présentent à la table, ils doivent avoir de la place pour expliquer leurs points de vue, et à ce moment-là, il faut organiser l’équipe de façon à créer de la richesse.
« Lorsqu’on a des décisions financières à prendre, qui demandent d’en enlever à l’un pour en donner à l’autre, il faut que ce soit en ligne avec notre mandat et notre mission. Il faut déterminer quel est le besoin et l’expliquer.
« Ceux qui viennent à la table doivent comprendre l’espace dans lequel les autres se trouvent, pour trouver la meilleure solution possible pour l’équipe au complet.
« C’est ce que je veux dire par créer de la richesse en contribution pour l’équipe. »
« L’innovation, c’est très important. La hiérarchie militaire est construite de façon à être très efficace en état de crise. On connaît bien nos structures, nos organisations. Quand on se déplace sur le terrain, c’est pratiquement la même structure qu’en garnison. Ça n’empêche pas l’innovation, la culture d’apprentissage. Cependant, l’innovation demande un style de leadership qui permet justement de faire des erreurs, d’apprendre de ses erreurs, et de corriger au fur et à mesure que la situation se développe. Quand on est envoyés dans des contextes qu’on ne connaît pas bien, dans un nouveau théâtre d’opération par exemple – comme on va devoir le faire au Mali –, il faut implanter une culture d’apprentissage. Quand les leaders sont à l’aise dans l’incertitude et sont capables d’apprendre de leurs erreurs, il y a de l’espace pour l’innovation.
« Il faut écouter nos jeunes, qui ont plein d’idées ! Mais on doit canaliser ça de façon organisée parce que lorsqu’on a une crise à gérer, ce n’est pas le moment de s’obstiner sur des détails. »