OPINION ENVIRONNEMENT

Nier la réalité ou profiter de l’occasion ?

Transformer notre économie afin d’améliorer notre bilan environnemental et la qualité de vie de l’ensemble des Québécois

Si un changement de direction majeur ne survient pas rapidement, le monde pourrait se diriger vers une augmentation importante et permanente des événements météorologiques extrêmes, ce qui pourrait, à terme, paralyser les activités économiques, créer des millions de réfugiés climatiques et mettre en péril notre avenir économique et social.

Malgré cela, des groupes d’intérêt continuent de défendre des projets néfastes et de prôner des idées qui freinent la transition écologique de l’économie. Au Canada, l’expansion de l’exploitation des sables bitumineux grâce à des projets de pipelines est probablement l’exemple le plus frappant de l’action de ces groupes d’intérêt.

Pour respecter les limites de la planète, freiner la crise environnementale et générer de la prospérité partagée, l’IRIS propose dans son dernier livre Cinq chantiers pour changer le Québec de définir un budget carbone pour le Québec et de réinvestir dans le transport collectif urbain et interurbain.

Comment établir un budget carbone ? Pour éviter d’outrepasser le seuil limite de réchauffement climatique, une quantité précise de GES découlant de l’activité humaine peut encore être rejetée dans l’atmosphère ; cette quantité représente le budget carbone global.

Dans le cas du Québec, si l’on tient compte de son poids démographique relatif, le budget carbone est de 1,4 Gt de CO2 pour une limite sécuritaire de 2 °C. Cela représente sept années d’émissions au niveau actuel. Cela veut dire que, pour respecter ces limites, il faut réduire nos émissions de GES d’au moins 53 % d’ici 2030 et de 88 % d’ici 2050.

Le transport de marchandises et l’explosion d’un certain type de transport individuel ont un impact majeur sur notre capacité à respecter notre budget carbone. En moyenne, le Québec a connu, de 2006 à 2013, un taux de croissance annuel moyen des véhicules de promenade (autos et autres) de 1,9 %, alors que la population en âge de conduire n’a augmenté que de 1,1 %.

Pourtant, une diminution constante du nombre de véhicules routiers est nécessaire pour atteindre nos objectifs environnementaux.

Pour inverser cette tendance, le transport collectif offre des possibilités fort intéressantes et un rendement écologique plus qu’enviable. On estime qu’un passager en voiture produit en moyenne 35,2 % plus de pollution que le passager d’un autobus aux heures de pointe et les métros électriques ne génèrent pas d’émissions de GES directes.

Par ailleurs, lorsque l’on favorise les transports en commun, on améliore l’accès à l’emploi, à l’éducation, à la culture et aux soins de santé de milliers de personnes. Par conséquent, une politique de transports en commun permet d’améliorer non seulement le bilan environnemental, mais aussi la qualité de vie de la population.

Du point de vue des finances publiques et des politiques industrielles, le coût d’entretien des infrastructures vouées au transport des véhicules légers dépasse 8 milliards annuellement, sans qu’on parvienne à résorber la congestion routière dans les grandes villes.

De plus, les coûts pour la santé publique de l’utilisation des voitures individuelles se chiffrent à près de 500 millions annuellement. En ce qui a trait à son impact sur la balance commerciale, l’importation de pétrole et de véhicules représente un déficit commercial de 27 milliards annuellement. Bref, le transport routier n’est pas uniquement polluant : il n’est pas viable économiquement pour le Québec.

Une telle politique engendrerait en outre des bénéfices économiques importants. Au Québec, chaque million de dollars investi dans le secteur de la production d’autobus génère environ 4,3 emplois. Ce ratio monte à 5,14 pour la fabrication de trains et de wagons de métro. Par la suite, une fois les réseaux de transports en commun créés, chaque million de dollars dépensé pour l’entretien et le fonctionnement par les différentes sociétés qui les gèrent crée 26,27 emplois dans le transport urbain et 13,87 emplois dans le transport interurbain.

En supposant des investissements en transport collectif de 6 milliards de dollars sur 5 ans, on peut prévoir des retombées économiques importantes partout sur le territoire québécois.

Ces investissements permettraient de créer près de 26 500 emplois dans le secteur de la construction des transports en commun, tout en augmentant le PIB québécois de 2,75 milliards. Il s’agirait donc d’une mesure structurante dans le long terme. Du point de vue des résultats sur la balance commerciale, cela aurait un effet positif de 27 milliards sur cinq ans.

Bref, nous avons deux choix : nier la réalité ou profiter de l’occasion pour transformer notre économie afin d’améliorer notre bilan environnemental et la qualité de vie de l’ensemble des Québécois. Un projet de transition écologique permettrait de rompre avec les politiques d’austérité néolibérale, de favoriser la création d’emplois verts, d’enrayer l’hémorragie de fonds publics causée par les infrastructures routières et de reconnecter les régions, les villes et les quartiers par des réseaux de transport collectif accessibles et efficaces.

OPINION ENVIRONNEMENT

Un siècle de croissance propre pour le Canada

Faisons des 100 prochaines années de ce grand pays le siècle de la croissance verte

Notre Confédération fêtera ses 150 ans l’an prochain, une poussière comparativement à l’âge de la Terre, mais aussi une excellente occasion de passer nos réalisations en revue et de nous tourner vers l’avenir.

En tant que Canadiens, nous minimisons parfois nos bons coups et nous sous-estimons nos capacités. Délaissons cette humilité qui nous caractérise pour regarder où nous en sommes, ne serait-ce que pour un petit moment.

Comme population, nous nous classons 35es dans le monde, alors que notre économie nous fournit un niveau de vie qui compte parmi les meilleurs.

En raison de notre climat, il nous est plus difficile de cultiver la terre et de produire des biens. Mais nous sommes pourtant le plus grand exportateur de céréales, de produits forestiers et de multiples métaux et minéraux.

Nos axes de transport sont parmi les plus étendus au monde, mais nous sommes devenus des exportateurs parmi les plus prospères.

Nous savons que ce qui nous rend uniques repose sur la force des communautés autochtones, sur le mélange particulier des cultures anglophone et francophone de même que sur notre incroyable diversité. Il y a certes du travail à faire pour entretenir ces relations et pour rectifier les torts du passé, mais nous avons, plus que jamais, un véritable désir de partager ce lieu et ses abondantes possibilités de façon encore plus équitable.

Tout en bâtissant une économie forte, les Canadiens respectent et valorisent leurs grands espaces naturels. Nous considérons de notre devoir de laisser aux générations futures un endroit sain et beau où vivre.

La science nous montre à tous que, pour prendre cette responsabilité, nous devons réduire notre dépendance aux combustibles fossiles et trouver de meilleures façons de produire et de consommer l’énergie dont nous avons besoin. Nous réchauffons la planète et nous bouleversons l’équilibre qui a soutenu la vie. Heureusement, l’histoire de la civilisation humaine a prouvé que nous pouvons relever les plus grands défis et trouver de meilleures solutions.

En ce qui concerne les changements climatiques, nous savons que nous pouvons faire beaucoup mieux si nous en avons la volonté.

Au cours du prochain siècle, les économies les plus fortes du monde seront celles qui trouveront des moyens plus écologiques de produire, d’emmagasiner et d’utiliser l’énergie. Il se peut que ces économies aient à s’ajuster en cours de route, mais elles seront plus prospères à long terme.

Heureusement, cette économie sobre en carbone aura besoin de ressources naturelles produites de façon responsable, desquelles dépend la prospérité de plusieurs de nos collectivités. Par exemple, l’électrification, les batteries, les éoliennes et les panneaux solaires reposent sur une grande variété de minéraux et de métaux que nous produisons. De même, nos produits forestiers sont essentiels à la production de bâtiments à faible empreinte carbone.

Nous croyons que les premiers ministres du Canada peuvent nous mettre sur la voie de progrès significatifs en ce qui a trait aux changements climatiques et à une économie plus vigoureuse, en favorisant six domaines de politiques et d’innovations.

• Verdir notre approvisionnement en électricité – en éliminant progressivement les centrales électriques au charbon et en soutenant les technologies propres ;

• Créer des moyens de transport plus propres – en investissant dans les infrastructures de transport en commun, en améliorant le rendement des carburants et en faisant la transition vers des options à faible émission de carbone comme les véhicules électriques ;

• Améliorer le rendement énergétique de nos bâtiments – en fixant des objectifs de rénovation ambitieux et en investissant dans de nouveaux édifices à la fine pointe de la technologie ;

• Tarifer la pollution et récompenser le changement – grâce à la tarification du carbone et à des investissements intelligents dans les technologies qui réduisent les émissions ;

• Saisir les occasions de croissance économique propres pour le Canada – en réalisant nos objectifs climatiques et en rehaussant notre niveau d’ambition au fil du temps pour contribuer comme il se doit à l’effort mondial ;

• S’assurer d’une transition juste pour les travailleurs, leurs familles et leurs communautés lorsque leurs emplois et leurs moyens de subsistance sont en jeu – en développant une stratégie industrielle visant à soutenir et à requalifier les travailleurs touchés afin qu’ils puissent trouver des emplois de qualité dans les industries propres en croissance.

Certains soutiennent cette vision en raison des risques sérieux que le réchauffement climatique pose à la planète. D’autres se sentent extrêmement responsables envers les générations futures. Pour d’autres encore, il s’agit d’une grande occasion économique à saisir.

Nombreuses sont les bonnes raisons d’accélérer notre transition vers une économie plus propre.

Il n’est pas nécessaire que tous aient la même motivation. Nous ne serons pas tous d’accord sur la rapidité avec laquelle procéder. Mais si nous voulons mettre l’accent sur des choix intelligents et saisir les occasions, nous honorerons le pays dont nous sommes tous fiers.

Notre avenir commence ici, maintenant. Faisons des 100 prochaines années de ce grand pays le siècle de la croissance verte du Canada.

* Ces organisations œuvrent dans le monde des affaires et de l’environnement, du milieu syndical, de la philanthropie et de la justice sociale, à l’initiative du Réseau canadien des subventionneurs en environnement (RCSE)

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