XENOS

Le dernier combat d’Akram Khan

Depuis près de 10 ans, Akram Khan ne manque pas une occasion de présenter ses créations à Montréal. Le chorégraphe est de retour ce soir sur la scène du Théâtre Maisonneuve à l’invitation de Danse Danse pour livrer une ultime performance en tant qu’interprète. Avec XENOS, il prête cette fois son corps aux milliers de soldats indiens envoyés comme chair à canon dans les tranchées de la Première Guerre mondiale.

Ultime défi d’Akram Khan, XENOS (étranger en grec) ne sera pas le moindre. À 43 ans, le danseur a laissé libre cours à l’imagination de Mirella Weingarten pour lui bâtir un décor en pente qui le plonge au cœur de l’enfer des tranchées de la Grande Guerre. « Tu dois lutter contre les éléments », a lancé la scénographe à l’artiste qui lui a répondu : « Je lutte déjà contre le plus grand des éléments : mon âge ! Je combats le temps. »

Avant les balbutiements de XENOS, Akram Khan savait déjà que ce solo serait son chant du cygne en tant qu’interprète. « Je ne veux plus ressentir la douleur. Plus jeune, tu récupères vite, tu peux mieux gérer tout ceci. Mais plus vieux, c’est plus difficile. Je suis fatigué d’avoir toujours mal », explique-t-il à La Presse.

« La pente du décor dans XENOS est très dure sur le corps. J’aurais dû faire ça bien plus tôt ! »

— Akram Khan, chorégraphe et danseur

Accompagné de cinq musiciens sur scène, Akram Khan recrée ainsi à travers XENOS la souffrance et le sacrifice de milliers de soldats indiens disparus sur le front, dont l’histoire a jusqu’à tout récemment encore occulté l’existence. « Quatre millions de militaires issus des colonies ont été réquisitionnés par les armées européennes et américaines durant la Première Guerre mondiale. Un million et demi d’entre eux étaient indiens. En apprenant récemment cela, je me suis vraiment demandé qui avait écrit l’histoire ! », s’insurge l’artiste né à Londres de parents immigrés en 1971 du Bangladesh.

Portés par l’envie de redonner une voix à ces combattants oubliés, Akram Khan et son équipe décident de plonger au cœur des archives de la Première Guerre pour créer XENOS. Ils y dénicheront notamment l’histoire d’un soldat indien arraché à sa carrière de danseur pour aller se battre sur le front.

Le mythe de Prométhée

« Au départ, je voulais créer quelque chose à partir du mythe de Prométhée, personnage de la mythologie grecque [créateur des hommes à partir d’argile qui a volé le feu à Zeus pour le leur donner et les sortir de leur primitivité] dont l’histoire a finalement été absorbée dans l’histoire de ce soldat. Le passé, le futur et le présent ne font qu’un, sont connectés. XENOS est une œuvre d’art avec beaucoup de mouvements », résume Akram Khan, qui a pu compter sur le soutien de la dramaturge Ruth Little et de l’auteur Jordan Tannahill pour créer cette pièce.

Le chorégraphe a d’ailleurs choisi d’utiliser près d’un kilomètre de cordes sur scène, tant en référence à la guerre qu’au mythe de Prométhée.

« Nous étions fascinés par les câbles auxquels étaient connectés les soldats dans les tranchées. »

— Akram Khan

« Les cordes sont aussi devenues une métaphore, celle de Prométhée enchaîné par Zeus à une montagne du Caucase », précise le chorégraphe.

Figure de proue du kathak (danse du nord de l’Inde) passée maître dans l’art de marier les genres, Akram Khan a choisi de travailler à nouveau avec le compositeur Vincenzo Lamagna afin de diriger les cinq musiciens juchés sur la montagne, surplombant l’interprète sur scène. « Nous avons choisi d’utiliser de la musique indienne classique, mais aussi le Requiem de Mozart. On est au cœur de la guerre, mais la musique parle aussi d’espoir », précise Akram Khan. « Je suis heureux de terminer ma carrière de danseur avec cette pièce », conclut l’artiste qui travaille déjà sur sa prochaine création, Outwitting the Devil, une pièce de groupe inspirée de l’épuisement des ressources. Il devrait également faire parler de lui prochainement alors qu’il collaborera avec un groupe de musique très connu en 2020. À suivre !

XENOS, à l’invitation de Danse Danse, du 13 au 16 février au Théâtre Maisonneuve

6000 kg

Poids du décor

8 ou 9

heures

Temps pour assembler le décor

1 km

Longueur des cordes utilisées sur scène

80

Nombre d’éclairages différents

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