Entrevue / Dita Von Teese

Le burlesque au temps du féminisme

Égérie du néo-burlesque, femme d’affaires, icône de mode, Dita Von Teese a dépoussiéré le burlesque pour en faire un divertissement chic et de bon goût. À quelques jours de son spectacle à l’Olympia de Montréal, La Presse s’est entretenue avec celle qui défend un glamour d’une autre époque.

Qu’est-ce que ça signifie, faire du burlesque, en 2016 ? Est-ce subversif ou nostalgique ?

Le burlesque a changé avec les années. Aujourd’hui, les spectacles sont plus léchés, plus élaborés, grâce entre autres à l’évolution de la technologie qui nous permet de prendre des classiques et de les pousser plus loin.

Mais je dirais surtout que c’est l’auditoire qui a changé. Dans les années 30-40, le burlesque était un divertissement pour hommes qui allaient aux spectacles pour voir des femmes nues. Au cours des 15 dernières années, l’auditoire est devenu majoritairement féminin. Je dirais que 80 % de mon public est composé de femmes.

Pourquoi viennent-elles vous voir ?

Alors que les hommes recherchaient d’abord une excitation sexuelle, les femmes viennent chercher une façon de reprendre le pouvoir sur leur propre sexualité. Elles viennent chercher de la créativité, de la fantaisie ainsi que le côté glamour. L’esprit du burlesque est bien différent du striptease traditionnel. Il ne s’agit pas d’une femme offerte en pâture aux hommes, mais bien d’une femme en pleine possession de ses moyens, en contrôle de sa sexualité. C’est ce que les femmes apprécient.

On dit que le néo-burlesque (New Burlesque) est plus politique, qu’il est ouvertement féministe. Diriez-vous que ce que vous faites est féministe ?

Je ne dis pas que je suis porte-parole féministe, mais il y a quelque chose de féministe dans ce que je fais, oui. Si ce n’est que de faire la promotion de la diversité corporelle. Car dans l’univers du burlesque, on retrouve des corps de différentes tailles, des femmes d’origines ethniques et d’âges différents. On est loin des critères de beauté imposés par les médias ou des modèles uniques présentés dans les défilés de lingerie Victoria’s Secret.

On parle beaucoup de Beyoncé dans les médias ces jours-ci. Comme elle, vous faites la promotion d’un modèle féminin fort, en contrôle, indépendant. Diriez-vous que vous partagez quelques points communs avec elle ?

Beyoncé est probablement la seule artiste populaire que j’admire. Cette femme est non seulement une grande artiste hyper talentueuse, mais elle est également d’une incroyable générosité avec les autres, comme j’ai pu le constater les fois où je l’ai côtoyée. Je dirais toutefois que son message est politiquement chargé alors que le mien ne l’est pas. Par contre, nous souhaitons toutes les deux que les femmes prennent en main leur destinée. Honnêtement, il n’y a pas d’autre artiste à qui j’aimerais être comparée.

Vous présentez vos spectacles un peu partout sur la planète. Y a-t-il des différences dans l’accueil qu’on vous réserve en Chine, aux États-Unis ou en France ?

Paris m’a vraiment adoptée. Je sens qu’on m’y comprend mieux, surtout grâce au Crazy Horse, qui est un lieu-culte là-bas. Aux États-Unis, c’est plus difficile. C’est étrange, car le burlesque y était très populaire dans les années 40 et 50. Mais la société américaine est devenue puritaine avec le temps.

Vous vous apprêtez à donner un spectacle à Montréal, ville sur laquelle l’effeuilleuse Lili St-Cyr a régné à la fin des années 40. Que représente-t-elle pour vous ?

Son approche, qui passait par le ballet, m’a beaucoup inspirée. Nous avons quelques points en commun : elle avait une collection de lingerie, et j’ai aussi lancé ma collection de lingerie. Enfin, son histoire est très intéressante : en entrevue, elle n’avait pas peur d’exprimer des idées radicales pour l’époque, comme de dire qu’elle ne voulait pas de famille et qu’elle n’aimait pas les enfants (rires). C’était une vraie artiste, une « performeuse ». Ce n’est pas le genre de vie que j’aimerais pour moi, mais je l’admire beaucoup.

Est-ce difficile d’incarner le glamour à l’heure de l’austérité et de la mode hipster ?

Je trouve cette mode ridicule. Je ne comprends pas les gens qui sortent de chez eux mal habillés ou vêtus de leurs vêtements de gym. Ça peut paraître étrange de vouloir défendre le glamour, mais il y a un pouvoir associé à la façon dont ce style et ce mode de vie vous font sentir. Alors oui, on peut dire que je suis une évangéliste du glamour !

À l’Olympia de Montréal le 21 février, 20 h

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