Congrès de l’ACFAS

Les danseurs érotiques subissent autant de violence que les danseuses

Claques, vols, menaces, coups : contrairement à la croyance populaire, les danseurs érotiques qui dansent pour des femmes sont autant victimes de violence au travail que les danseuses érotiques. C’est ce que révèle l’une des très rares études à se pencher sur les hommes qui travaillent dans l’industrie du sexe et dont les résultats inédits seront dévoilés cette semaine pendant le congrès de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS). Explications.

LE MYTHE

Delphine Lagacé, doctorante à l’Université du Québec à Chicoutimi, et Karine Côté, professeure en psychologie à la même université, ont découvert que 70 % des danseurs érotiques ont déjà vécu de la violence au travail. Le chiffre est extrêmement élevé et atteint le niveau de violence rapporté par les danseuses érotiques. Les chercheuses se sont uniquement penchées sur les danseurs qui dansent dans des bars pour femmes ou qui participent à des soirées destinées aux femmes. Les danseurs érotiques qui dansent pour des hommes feront l’objet de travaux ultérieurs.

« Je pense que ça fait tomber un mythe, indique Mme Côté à La Presse. La croyance populaire est que les danseuses sont vulnérables et que c’est moins le cas pour les hommes. Nos travaux montrent que cette perception est fausse. »

« Les études qui s’intéressent aux hommes sont très rares dans ce domaine et ces résultats sont donc très novateurs », souligne quant à elle Delphine Lagacé.

CLAQUES, VOLS ET MENACES

En menant des entrevues auprès de 50 danseuses érotiques et de 21 danseurs érotiques dans plusieurs provinces canadiennes, les chercheuses ont documenté le type de violence vécu au travail par chacun des groupes.

Chez les danseurs érotiques

48 % ont déjà reçu une claque

29 % ont été victimes d’un vol

19 % se sont déjà fait menacer de blessures

10 % ont reçu des coups de poing

10 % ont reçu des coups de pied

Chez les danseuses érotiques

56 % ont été victimes d’un vol

34 % se sont fait menacer de blessures

28 % ont reçu une claque

24 % ont été victimes de tentative de vol

18 % ont subi une tentative de relation vaginale ou anale non désirée

MONSIEUR ET MADAME TOUT-LE-MONDE

Qui sont les danseurs et danseuses érotiques ? C’est la grande question à laquelle visait à répondre l’étude des scientifiques. De façon générale, ceux qui offrent ces services diffèrent peu des gens du même âge et de même scolarité qui occupent d’autres métiers (en moyenne, les danseurs et danseuses avaient 26 ans et avaient un diplôme de 5e secondaire).

« Les danseurs et danseuses ressemblent à monsieur et madame Tout-le-Monde sur la majorité des variables étudiées. »

— Delphine Lagacé, doctorante à l’Université du Québec à Chicoutimi

Rien ne permet de distinguer les danseurs et danseuses des autres pour ce qui est de l’âge de la puberté, des parents absents, de la probabilité d’avoir été adopté ou du profil psychologique général, par exemple.

« Quand il n’y a pas de différence, ça ne veut pas dire que tout va bien, précise toutefois Karine Côté. Par exemple, tant chez les danseurs et danseuses que dans les groupes contrôles, plus de la moitié des gens ont rapporté avoir eu un père absent », dit Mme Côté.

VIOLENCE

En fait, si quelque chose distingue les danseurs et danseuses des autres, c’est la violence, tant celle vécue au travail (70 % d’entre eux), pendant l’enfance (35 %) que dans le couple (70 % ont vécu de la violence conjugale verbale et 50 % de la violence conjugale physique).

L’étude montre aussi que les danseuses ont davantage de problèmes de consommation d’alcool et de drogue que les danseurs. Elles font aussi plus de tentatives de suicide et, sans surprise, ont davantage de troubles alimentaires.

COMPRENDRE POUR AIDER

Karine Côté souligne que la grande majorité des études sur les travailleurs et travailleuses du sexe a porté sur la prostitution de rue, mais que celle-ci ne représente que 20 % de tous les services sexuels offerts au Canada.

« Il y a un grand besoin, aujourd’hui, de savoir qui sont les gens qui offrent les autres types de services sexuels, dit-elle. L’idée est de mieux connaître les risques et les besoins pour mieux prévenir et intervenir. »

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