CHRONIQUE

Le troublant retard du Québec

Il y a des choses qui sont difficiles à comprendre. Comme le rapport des Québécois à l’éducation, plus particulièrement l’éducation supérieure. En principe, on trouve ça important, on en parle, on a consacré un sommet sur la question, on a lancé des chantiers et tout le tralala.

Mais dans les faits, sur le terrain, nous sommes loin d’être un modèle. Le Québec est nettement en dessous de la moyenne canadienne pour la proportion de diplômés universitaires.

Et pourtant, coup sur coup, deux importantes enquêtes viennent nous montrer à quel point l’éducation est une priorité incontournable pour l’économie, pour la société dans son ensemble, et surtout, pour ceux et celles qui poursuivent leurs études.

Mardi, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publiait une brique de 440 pages, Regards sur l’éducation, insistant sur le fait que dans cette période de crise, l’éducation pouvait être une planche de salut contre le fléau du chômage.

Au Canada, selon l’OCDE, chez les jeunes de 25 à 34 ans, le taux de chômage de ceux qui avaient fait des études supérieures n’était que de 5,4 %, contre 8,1 % pour les diplômés du secondaire et 15,5 % pour ceux qui n’ont pas de diplôme. Cela se double aussi d’un écart salarial important. Ceux qui ont fait des études supérieures gagnent 40 % de plus que ceux qui ont un diplôme d’études secondaires. Le slogan québécois des années soixante, « Qui s’instruit s’enrichit », est toujours vrai !

Le lendemain, mercredi, Statistique Canada publiait le volet de son Enquête nationale auprès des ménages de 2011 – la version tronquée du recensement dont a accouché le gouvernement Harper – portant sur le travail et l’éducation. Le message est le même que celui de l’OCDE. Plus on est éduqué, mieux on est traité sur le marché du travail. Au Canada, en 2011, le taux d’emploi de ceux qui sont allés à l’université est de 81,6 %, contre 55,8 % pour ceux qui n’ont aucun diplôme. L’écart est même un peu plus grand au Québec : 81,8 % contre 53,9 %.

Avec des chiffres pareils, on aurait pu s’attendre à ce que les Québécois, de surcroît encouragés par des droits de scolarité plus bas qu’ailleurs au Canada et des programmes de prêts et bourses plus généreux, se bousculent littéralement aux portes de nos institutions d’enseignement supérieur. Eh bien non !

L’enquête montre que pour la population des 25-64 ans, le pourcentage des détenteurs d’un diplôme universitaire est de 23,3 % au Québec. C’est derrière la moyenne canadienne de 25,8 % et sérieusement derrière le taux de diplomation universitaire ontarien, qui atteint 28,8 %. Le Québec est au cinquième rang, derrière (outre l’Ontario) la Colombie-Britannique, l’Alberta et la Nouvelle-Écosse. Ça n’a rien de glorieux pour une société qui mise sur l’économie du savoir.

Bien sûr, cet écart reflète en partie les retards dont souffrait le Québec il y a une génération ou deux. On le voit quand on regarde ce qui arrive avec les plus jeunes, les 25-34 ans, dont la fréquentation universitaire est plus élevée que chez leurs aînés. Le pourcentage de ceux qui ont un diplôme d’études supérieures atteint 29,87 %.

Mais on assiste au même phénomène dans l’ensemble du Canada, où la diplomation est aussi en hausse chez les plus jeunes, pour atteindre 29,87 % et même 35,4 % en Ontario. L’écart du Québec avec le Canada et l’Ontario se rétrécit un peu, mais pas beaucoup. Le Québec reste aussi derrière la Colombie-Britannique, 32,7 %, mais dépasse légèrement l’Alberta, à 29,3 %.

En somme, le Québec, qui compte moins de diplômés universitaires que les autres provinces urbanisées, ne fait pas le rattrapage accéléré qu’il devrait faire. Après avoir mis les bouchées doubles au moment de la Révolution tranquille, le Québec a choisi de faire une pause, qui dure depuis trop longtemps.

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