Le mythe de l’enfant unique

« Si un enfant n’a pas de frère ou de sœur, on présume qu’il y a de sombres raisons à cela : soit ses parents n’aiment pas être parents (car ils sont égoïstes), soit ils accordent plus d’importance à leur statut (travail, argent, bien matériel) qu’à leur enfant (car ils sont égoïstes), soit ils ont attendu trop longtemps (car ils sont égoïstes) », écrit ironiquement Lauren Sandler, 38 ans, dans son livre One and Only : The Freedom of Having an Only Child, and the Joy of Being One, un essai sur lequel elle a travaillé pendant trois ans.

Dès sa sortie aux États-Unis, le 11 juin dernier, le livre a provoqué une polémique tout en connaissant un succès instantané.

À noter que, selon les experts, un enfant est considéré comme enfant unique s’il a habité seul avec ses parents durant au moins les sept premières années de sa vie.

« On n’entend jamais à quel point c’est merveilleux d’être un enfant unique », lance Lauren Sandler, en entrevue téléphonique avec La Presse, depuis New York. Elle-même fille unique, car sa mère en avait fait le choix, elle est la maman d’une fillette de 5 ans. Pour l’instant, elle ne compte pas avoir un autre enfant, car, dit-elle, ça ne cadrerait pas avec son mode de vie qui la comble.

Les avantages de l’enfant unique

Lauren Sandler souligne qu’à travers 500 études réalisées au cours des dernières décennies, les chercheurs n’ont noté aucune différence entre les enfants uniques et ceux qui avaient des frères et sœurs, sauf sur deux points : les enfants uniques ont plus de motivation à réussir (à l’école et au travail) et ont plus confiance en eux que les enfants avec des frères et sœurs. D’autres études ont aussi démontré qu’ils seraient plus intelligents.

Explication des chercheurs : en ayant un seul enfant, les parents peuvent lui consacrer plus de temps, d’énergie et de ressources financières. L’enfant bénéficie aussi de plus de stimulation.

À travers les 500 études, sur les 16 autres traits de personnalité analysés, dont le leadership, la maturité, la sociabilité, la flexibilité, la timidité, la stabilité émotive et la générosité, les enfants uniques et ceux avec des frères et sœurs avaient des résultats similaires.

« Sans oublier que les enfants uniques accordent, en général, une très grande importance à l’amitié et entretiennent de belles relations avec leur famille », constate Lauren Sandler.

Selon une étude réalisée en 2004, des professeurs de maternelle ont relaté que les enfants uniques présentaient davantage de problèmes de comportements, de difficultés à se contrôler et à interagir avec les autres que ceux avec des frères et sœurs. Mais les chercheurs ont ensuite découvert que ces différences avaient disparu à l’école secondaire. L’hypothèse des scientifiques : l’enfant unique s’est adapté en côtoyant régulièrement d’autres enfants à l’école.

Quant au couple, il semble mieux s’en sortir avec un seul enfant. De récentes études démontrent en effet que les parents d’enfant unique sont plus heureux que ceux qui en ont deux ou plus, indique l’auteure.

Les avantages des frères et sœurs

Bien sûr, il a des avantages à grandir avec des frères et sœurs. « Souvent, ils jouent ensemble, ce qui donne un répit aux parents », observe le psychologue et médiateur familial, François St Père.

« À la deuxième naissance, la relation de l’aîné(e) avec le père se renforce, ajoute Jean-François Bureau, professeur agrégé à l’École de psychologie de l’Université d’Ottawa. Le premier enfant apprend aussi à être plus responsable. Avoir un grand frère ou une grande sœur qui nous protège, c’est sûr que c’est une bonne chose. Tout comme ça nous oblige à prendre position. »

« On sait que, selon les études, un enfant sera meilleur à l’école quand il prend le temps de jouer avec son petit frère ou sa petite sœur et de lui expliquer des choses », souligne M. Bureau.

L’enfant unique deviendra-t-il un enfant-roi égocentrique ? Peut-être. « Ça dépend des parents. Si les parents sont en admiration devant leur enfant et le traite comme s’il était quelqu’un d’extraordinaire qui sait tout ce qui est bon pour lui, il y a un danger pour qu’il devienne un enfant-roi », prévient Jean-François Bureau.

Lauren Sandler souligne aussi que tout est vécu plus intensément dans les petites familles. Les bonnes comme les mauvaises expériences. Les conflits dans un mariage peuvent donc être très éprouvants pour un enfant unique.

Un libre choix

Avec son livre, l’objectif de Lauren Sandler n’est pas d’inciter les couples à n’avoir qu’un seul enfant. Mais plutôt de les aider à ne pas culpabiliser s’ils font ce choix. « Qu’un couple choisisse de ne pas avoir d’enfant, d’en avoir un, deux ou trois, qu’est-ce que ça peut bien faire ? L’important, c’est d’être libre de faire le choix qui nous convient le mieux, de respecter nos désirs, peu importe les normes de la société », clame-t-elle.

Tout en notant qu’entre la théorie et la pratique, il y a une différence. « On peut avoir lu toutes les études du monde, mais ne toujours pas savoir quelle serait la famille "parfaite" pour soi. Car avant tout, avoir un enfant c’est un désir, pas un calcul », conclut-elle.

One and Only : The Freedom of Having an Only Child, and the Joy of Being One, Simon & Schuster, 28,99 $.

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