OPINION

Bâti pour 100 ans !

À la suite du dépôt du rapport de la Commission sur les enjeux énergétiques (CEEQ) et de la déclaration récente de la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, l’Association de l’industrie électrique du Québec (AIEQ) est étonnée que l’on remette en question le parachèvement du complexe hydroélectrique de La Romaine.

Il est vrai que le contexte énergétique a bien changé depuis quelques années. Or, malgré le contexte actuel plutôt défavorable, l’AIEQ appuie toujours la réalisation de ce projet hydroélectrique, car c’est une erreur d’affirmer que ces conditions de marché resteront les mêmes pour encore bien des années. Le complexe de La Romaine a une durée de vie utile de 100 ans et sa rentabilité doit être vue dans une perspective à long terme.

De plus, la réalisation de ce vaste projet vient solidifier encore davantage le parc de production d’électricité québécois, ce qui lui permet de faire face à une gamme étendue de situations, sans jamais perdre la chance de manquer d’énergie. La fermeture de Gentilly 2 n’aurait jamais été possible sans cette marge de manœuvre.

L’électricité québécoise occupe une place toujours importante dans le marché du Nord-Est américain et demeurera dans les années à venir une source d’énergie hautement stratégique.

Il est rare qu’une source de production d’énergie profite de conditions économiques, sociales et environnementales aussi favorables que celles du gaz de schiste et qui permettent son développement à très grande vitesse. Pour la majorité des Américains, dans le secteur de la production d’électricité, cette source est perçue comme ayant peu d’impact sur l’environnement, notamment parce qu’elle émet moins de GES que le charbon, elle est fiable et elle est capable d’approvisionner les clients au moment voulu.

Les centrales sont construites près des centres de consommation. L’abondance des réserves de gaz naturel (et de pétrole de schiste) permet de diminuer les importations d’énergie thermique des États-Unis, à un point tel que plusieurs Américains rêvent déjà à l’indépendance énergétique. Or, plusieurs de ces éléments sont conjoncturels, de sorte que le développement du gaz de schiste à une telle vitesse ne pourra pas durer encore longtemps.

Déjà, les Américains s’interrogent sur les émissions de méthane rattachées à son extraction, lesquelles seraient nettement plus élevées qu’on le prétend. Quant au prix actuel du gaz naturel, selon l’Energy Information Administration, l’agence gouvernementale américaine de prévisions énergétiques, le prix du gaz naturel augmentera de manière importante à partir de 2015, et ce, jusqu’en 2040, en raison de la hausse de la demande et des coûts de production. Or, l’augmentation du prix du gaz aura inévitablement un effet positif sur les exportations d’électricité québécoise.

L’AIEQ est également surprise que les commissaires de la CEEQ remettent en question la stratégie d’attraction d’investisseurs étrangers en sol québécois, laquelle est principalement axée sur l’abondance de l’énergie, et ce, à faible coût. Selon eux, cette stratégie serait devenue désuète puisque l’électricité se vend maintenant à faible coût partout en Amérique du Nord, et souvent moins cher qu’au Québec.

Or, contrairement à ce qu’affirment les commissaires, le nouveau contexte énergétique ne vient pas mettre pas K.-O. cette stratégie. C’est qu’en plus de cette énergie abondante et à faible coût, le parc de production d’électricité québécois assure une stabilité à long terme des prix et une assurance opérationnelle. Ce que les autres régions de l’Amérique du Nord ne peuvent garantir avec autant de certitude aux investisseurs.

Le Québec doit donc se positionner dans cette bataille énergétique à l’échelle nord-américaine. Et ce n’est surtout pas en arrêtant les projets d’énergie renouvelable que l’on y parviendra ! Le Québec doit avoir le même enthousiasme pour le développement de ses énergies renouvelables que le reste de l’Amérique du Nord pour les énergies thermiques.

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