OPINIONS

Le rêve d’une ville parfaite

Dans une entrevue récente à La Presse, Richard Bergeron a résumé son héritage politique de manière lapidaire :  « Rarement dans ma vie ai-je mieux mesuré le vide… Je l’ai côtoyé toute la campagne. Cette campagne a été l’apologie de l’ignorance, tous les médias sont tombés dans le panneau ».

Personnellement, je me réjouis que M. Bergeron ne soit pas le maire de Montréal, et je me désole que le Plateau soit, selon ses dires, de nouveau sous contrôle de Projet Montréal. Cette affirmation en dit long sur l’homme et son parti.

Autrefois étudiant en cinéma, j’étais moi-même détenteur de la Vérité. Celle qui nous faisait mépriser tous ceux qui ignoraient Godard, Fellini et Cassavetes. Nous regardions de haut, avec une arrogance à peine dissimulée, tous ces films mineurs, populistes et sans envergure. Nous étions les heureux élus qui allaient illuminer le monde de nos œuvres révolutionnaires. Or, mon premier et seul long métrage – ce chef-d’œuvre ignoré de tous – et des années à côtoyer la masse, cette chose immonde, m’ont apporté l’humilité qui me faisait cruellement défaut.

Et que dire des grandes ambitions de mes amis architectes, musiciens, designers et écrivains ? Leurs noms vous sont inconnus. Vous connaissez plutôt Céline Dion, le Centre Bell, American Apparel et Dan Brown.

À 47 ans, avec deux enfants, j’habite encore sur le Plateau. Mais il m’arrive maintenant de louer Iron Man et autres superproductions américaines, pour me changer les idées, sans revisiter toutes les souffrances de l’humanité, ni me faire dire comment vivre ma vie. J’appartiens aujourd’hui à cette masse anonyme que je méprisais jadis, mais je sors ma poubelle organique chaque semaine, je recycle tant que je peux, j’ai posé des pneus recyclés sur ma voiture, et je n’ai jamais mis les pieds dans un Costco ou un Wal-Mart. Quand j’achète des jouets pour mes enfants, j’encourage les deux commerces à côté de chez moi, sur l’avenue du Mont-Royal. Je fais la même chose avec les restaurants. J’encourage tout le monde à tour de rôle.

Approche dirigiste

Je sais que vous êtes un incompris, M. Bergeron. Vous vouliez que nous sachions qu’au-delà de votre visage sévère, de votre conviction de détenir la Vérité et de votre intention de contrôler – voire sauver — Montréal, se cachait le rêve d’une ville parfaite. Brasilia, en somme. Chef-d’œuvre d’architecture moderne, déclarée Patrimoine mondial de l’humanité en 1987… et l’une des villes les plus ennuyantes sur Terre. Pendant ce temps, Rio de Janeiro – polluée, chaotique et surpeuplée, mais combien vivante – est dans le top 10.

Ce n’est pas le physique de Denis Coderre qui vous a volé la victoire. Ni son programme. Mais sa cassette « ordinaire » a peut-être rassuré le bon peuple. Parions même que ce vrai politicien nous réserve des surprises. Un petit tramway dans trois ans, qui sait ? Des mesures d’apaisement de la circulation progressives et respectueuses, pourquoi pas ? On n’est pas contre, monsieur le maire. On se méfie juste un peu des sauveurs autoproclamés et des approches trop dirigistes. Donc, bonne chance, mon Denis. Mais fais attention, Mélanie s’en vient !

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.