Budget trump

Des impacts sur la science canadienne

La science est une des principales victimes des compressions massives du projet de budget du président Trump, qui propose des coupes de 54 milliards US pour augmenter d’autant les dépenses militaires des États-Unis.

Et cela aura des répercussions sur toute la planète, avertit Frédéric Bouchard, président de l’Association francophone pour le savoir.

« Tous les secteurs de recherche et de la science sont touchés, dit M. Bouchard. Que ce soit le climat, la santé, les sciences humaines, y compris les domaines où la recherche scientifique est extrêmement bénéfique pour la population. C’est un geste insensé. »

Les coupes annoncées par Donald Trump doivent être approuvées par le Congrès américain, mais si elles devaient se réaliser, elles pourraient se répercuter au Canada, affirme Marie-Josée Hébert, vice-rectrice à la recherche à l’Université de Montréal.

En effet, des chercheurs canadiens, notamment en santé, reçoivent directement des fonds des National Institutes of Health (NIH), dont le budget serait amputé de 5,8 milliards US, selon la volonté du président Trump.

« Il y a plusieurs de nos bons chercheurs qui sont financés par les NIH, dit Mme Hébert. Et la science s’oriente de plus en plus vers le travail d’équipe. »

M. Bouchard est du même avis : bien des chercheurs au Québec et au Canada participent à des programmes internationaux qui sont ancrés dans les institutions fédérales américaines.

« C’est de la recherche qui se fait souvent en collaboration, dit-il. Ça affecte plusieurs chercheurs au Québec, au Canada et en Europe. »

« Ça va déstabiliser la recherche partout dans le monde. C’est un geste brutal qui va faire reculer les États-Unis. »

— Frédéric Bouchard, président de l’Association francophone pour le savoir

Impacts mondiaux

Parmi les autres institutions visées par le projet de budget Trump, notons le département de l’Énergie, où 900 millions US sont retranchés. Ce département gère des laboratoires réputés, ce qui en fait l’un des plus grands employeurs d’ingénieurs et de scientifiques aux États-Unis.

Le président Trump annonce spécifiquement la fermeture d’ARPA-E, programme voué à la recherche dans les énergies vertes et l’efficacité énergétique.

Évidemment, au sein de l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis (EPA), touchée par une réduction de 31 % de son budget, c’est le programme scientifique qui écope, avec une coupe de près de 50 %.

Les institutions scientifiques américaines ont immédiatement critiqué le plan budgétaire Trump.

« Ceci n’est pas un budget conçu pour donner le premier rang aux États-Unis [make America first] », a affirmé au Washington Post Rush Holt, président de l’Association américaine pour l’avancement des sciences, qui compte 10 millions de membres.

Au-delà du financement, c’est le fonctionnement même de la science mondiale qui pourrait écoper, selon Mme Hébert.

« On fragilise des communautés de chercheurs, des équipes peuvent être détruites, qui mettent 15, 20 ou 30 ans à se former, dit-elle. On ne peut pas juste repartir avec de l’argent. Et il y a des plateformes communes qui permettent aux chercheurs de travailler ensemble. Ça a des impacts bien au-delà des limites des États-Unis. »

Une manne pour l’industrie militaire canadienne ?

L’industrie militaire jubile de l’augmentation prévue de 54 milliards US du budget militaire américain. Le secteur canadien, fortement intégré aux États-Unis, pourra en profiter. « Le Canada fournit beaucoup de composantes et de sous-systèmes, des logiciels et des éléments d’ingénierie, affirme Yan Cimon, professeur à l’Université Laval. On est très bien intégrés dans la chaîne d’approvisionnement. » Il y a 63 000 emplois dans le secteur, dont le quart au Québec. La hausse du budget accentuera la pression sur le Canada, qui est critiqué pour la faiblesse de ses dépenses militaires. « Cette pression est là depuis longtemps, mais le Canada a toujours été capable de faire valoir qu’il faisait des efforts autrement, dit M. Cimon. Avec cette administration, ce discours ne passe plus. » Selon l’Association des industries canadiennes de défense et de sécurité, les exportations canadiennes dans ce secteur vers les États-Unis dépassent les 4 milliards par année.

— Charles Côté, La Presse

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