Habitat

Premier cohabitat au Québec

Québec

 — À l’origine, il y a un homme et son rêve. En 2003, Michel Desgagnés fait, avec sa compagne, une tournée des projets de cohousing, au Canada et aux États-Unis. Revenu à Québec, il est plus que jamais motivé par sa propre vision : inventer une communauté intergénérationnelle, écologique, propice au partage et à l’entraide.

Dans les années qui suivent, beaucoup de candidats se montrent intéressés, font trois petits tours et puis s’en vont. À la fin de 2009, toutefois, l’aventure prend un tournant décisif : 13 ménages sont prêts à investir, désireux de vivre en ville et de pratiquer les valeurs du modèle coopératif.

Le terrain est acheté à l’été 2010, dans le quartier Saint-Sacrement, dans l'arrondissement de La Cité-Limoilou. « Nous avons eu une chance inouïe, relate Guillaume Pinson, qui s'est joint au groupe en 2009. C’était un des derniers espaces encore à construire dans la Haute-Ville ; 10 854 m2 de tranquillité, avec vue dégagée sur les Laurentides, à 10 minutes de marche du chemin Sainte-Foy, à proximité du cégep Garneau. »

Une trentaine de ménages signent une promesse d’achat, versant 20 % de la valeur de leur unité à la Coopérative de solidarité Cohabitat Québec, constituée pour mener à bien le projet. Deux institutions financières, Desjardins, caisse d’économie solidaire, et Filaction, fonds de développement, acceptent de financer la somme qui reste.

Début de conception

Les architectes Pierre Thibault et May Kraus effectuent un travail de conception initial. Mme Kraus, référence en cohousing aux États-Unis, maîtrise l’art d’établir la distribution du travail et d’élaborer des règles de vie commune.

Les deux professionnels déterminent l’orientation des cinq bâtiments, leur densité et leur interaction, avec, toujours en tête, l’intention de favoriser les liens humains. Des exemples concrets ? De la cuisine commune, on voit arriver les convives par une passerelle ; tous les résidants ont vue sur la grande cour intérieure ; les boîtes aux lettres sont groupées dans le vestiaire de la maison commune, etc.

Avec en main ces plans d’architecte, le conseil d’arrondissement établit un nouveau zonage, adapté au projet.

Cohabitat Québec charge le bureau d’architecte Tergos de dessiner les plans détaillés et de surveiller le chantier.

Décisions rapides

« La philosophie des copropriétaires, très semblable à la nôtre, a rendu la communication très facile, rapporte l’architecte Geneviève Mainguy, cochargée du projet. Organisés en petits comités, ils savaient prendre des décisions étonnamment rapides. Mieux encore : ils ne changeaient pas d’idée, contrairement à tant de promoteurs privés ! On sentait une grande mobilisation de tous les partenaires, chacun ayant à cœur de livrer un travail de qualité. »

Parmi les acteurs importants : Lys Construction, entrepreneur général, et Les constructions Pierre Blouin, principal sous-traitant.

Cinq bâtiments occupent maintenant 25 % de la superficie du terrain, comprenant 42 logements plus 1 maison commune, et 22 places de stationnement.

« Nous avons joué le rôle du promoteur, fait observer le copropriétaire Guillaume Pinson. Sauf que le profit qu’un promoteur aurait fait [1 million de dollars], nous l’avons investi dans une maison commune. »

Des frais atténués

Évalué à 11 millions, le projet livré en juin 2013 compte 32 appartements et 10 maisons de ville.

Les logements ont coûté entre 230 000 $ et 420 000 $, et leurs occupants doivent payer des charges de copropriété d’entre 100 $ et 200 $ par mois, incluant, le cas échéant, 50 $ pour le stationnement. Ces frais comprennent toutes les dépenses : assurance des biens communs, contribution à un fonds de prévoyance, amélioration du terrain, achats futurs, connexion internet, etc. La somme relativement faible s’explique par l’importante participation bénévole des membres dans l’entretien et la gestion des immeubles.

Chauffage : petite facture

Les maisons, orientées franc sud, sont performantes sur le plan énergétique et chauffées avec des plinthes électriques.

La facture d’électricité s’élevait à 70 $ pour deux mois, cet hiver, pour les Pinson, famille de quatre logée dans une maison de ville sur deux niveaux.

Dotés de planchers de béton, les logements sont bien insonorisés et finis de matériaux locaux et sains. Des courants d’air s’établissent facilement en été, ce qui élimine le besoin d'un climatiseur. L’eau ruisselant des toitures est acheminée dans un bassin enfoui, avant de rejoindre le collecteur municipal, ce qui ménage les infrastructures de la Ville.

Les logements sont un peu plus petits que la norme, mais tous peuvent profiter de la maison commune, avec ses deux chambres d’amis dotées d'une salle de bains, son atelier somptueusement outillé, sa grande cuisine, son centre de la petite enfance, sa buanderie, son immense salle multifonctionnelle (appareil d’exercice, coin cinéma maison, hockey sur table, ping-pong), son rangement à vélos, etc.

Le fondateur de Cohabitat Québec, Michel Desgagné, est mort prématurément d’une méningite, en janvier 2013, six mois avant l’aboutissement de son rêve. Mais son héritage semble faire des petits. Plusieurs projets de la même eau mijotent au Québec, notamment Cohabitat Montréal et Projet d’accession à la propriété de type cohabitat, dans le quartier Saint-Michel (514-419-6503).

Consultez le site de Cohabitat Québec

www.cohabitat.ca

Consultez le site de Cohabitat Montréal

cohabitatmontreal.com

Consultez le site de The Cohousing Company

www.cohousingco.com

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