Congrès de l’Association francophone pour le savoir

Les bactéries
au secours du béton

Plus de 5000 chercheurs d’une quarantaine
de pays participent cette semaine au 82e congrès
de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS)
à l’Université Concordia. Le thème de cette année :
La recherche : zones de convergence et de créativité.

Au fil des ans, des gels et des dégels, des fissures se propagent dans le béton. L’eau s’y infiltre et fait rouiller les armatures métalliques. C’est l’une des raisons du vieillissement prématuré du pont Champlain. Pour le moment, il est difficile de colmater ces fissures. Des chercheurs de l’Université de Sherbrooke pensent avoir trouvé le remède : une solution bactérienne qui se transforme en calcaire et bouche les fissures.

« Au départ, on cherchait à emprisonner des bactéries lors de la fabrication du béton pour qu’elles le réparent au fil de sa durée de vie », explique Jean Ducasse-Lapeyrusse, étudiant du cycle supérieur de l’Université de Sherbrooke, qui présentera ses résultats jeudi. « Mais elles ne survivaient pas plus de quelques mois. On pense qu’il vaut mieux injecter des solutions bactériennes. On travaille actuellement à diminuer les coûts. On pense qu’avec une production à grande échelle, on pourrait avoir un coût acceptable pour les infrastructures critiques comme les centrales nucléaires ou les ponts. »

Les bactéries transforment le dioxyde de carbone en calcaire, comme dans la nature. M. Ducasse-Lapeyrusse parvient à boucher des fissures de 0,3 mm. « Les fissures plus fines se bouchent elles-mêmes quand l’humidité de l’air réagit avec le dioxyde de carbone. [Actuellement], pour les grosses fissures, on utilise des résines, mais comme elles sont organiques alors que le béton est minéral, il y a des problèmes de compatibilité. Le point de congélation et l’expansion thermique ne sont pas les mêmes. Les bactéries forment du calcaire, qui est minéral comme le béton. »

RETOUCHES PRÉSIDENTIELLES

Les premiers tests avec des bactéries ont été faits dans les années 90 par une ingénieure de l’Université du Dakota-du-Sud sur les célèbres sculptures présidentielles taillées dans le mont Rushmore. Des chercheurs hollandais ont ensuite pris le relais et sont parmi
les plus productifs dans le domaine, selon
M. Ducasse-Lapeyrusse. Les infrastructures néerlandaises sont particulièrement touchées par l’effet corrosif de l’eau salée. 

Le programme de l’Université de Sherbrooke a été lancé il y a une demi-douzaine d’années avec l’École des mines de Douai, en France, qui se charge de la portion microbiologique des recherches. Certains chercheurs tentent de modifier génétiquement des bactéries pour améliorer le processus.

Selon M. Ducasse-Lapeyrusse, ses recherches pourraient aboutir à une utilisation commerciale d’ici cinq ans. Les coûts de préparation des solutions bactériennes, notamment les coûts de main-d’œuvre, doivent toutefois être réduits. En 2011, des chercheurs de l’Université de Delft, aux Pays-Bas, ont réussi à fabriquer du béton comportant des capsules de bactéries réparatrices, mais cela coûte deux fois plus cher que fabriquer du béton ordinaire. « Il faut maintenant calculer combien coûte la réparation des fissures avec des solutions bactériennes, par rapport aux résines et au remplacement des poutres de béton », dit M. Ducasse-Lapeyrusse.

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