RÉPLIQUE TARIFS DES GARDERIES

Des faits à préciser

L’éditorialiste en chef de La Presse nous invite à tenir un débat sur les faits dans le dossier de la tarification des services de garde. André Pratte expose ainsi en éditorial (22 novembre) cinq arguments pour soutenir la décision gouvernementale de moduler les tarifs. Deux d’entre eux ne s’avèrent pas justes.

Premièrement, la hausse serait justifiée par la pertinence de ramener à 20 % la part assumée par les parents dans le financement du système, niveau qui aurait existé à l’origine du réseau en 1997. Le problème, c’est qu’il est impossible de déterminer qu’elle était la part assumée par les parents à cette époque. La référence historique au 20 % (avec l’approximation et la confusion qui l’entourent) vient du fait que les parents payaient autour de 25 $ avant la mise en place du régime des « places à 5 $ ». 5 $ versus 25 $, c’est bien 20 %… mais 20 % du coût antérieur pour les parents. Et non 20 % des budgets du réseau !

De 1997 à 2001, les places à contribution réduite ont été progressivement implantées (un groupe d’âge à la fois), ce qui fait que les CPE de l’époque recevaient une diversité d’autres subventions de l’État qui contribuaient à leur financement global. En plus, une majorité de parents dont les enfants étaient en CPE bénéficiaient toujours des crédits d’impôt québécois. Toute comparaison à cet égard avec cette première époque est donc hasardeuse.

Il est néanmoins possible et utile d’établir des comparaisons historiques. Il faut alors considérer le moment (2002) où le réseau devient essentiellement constitué de places à contribution réduite. Le rapport de la Commission de révision permanente des programmes nous donne la réponse : en 2003-2004, les parents utilisateurs des places à 5 $ par jour assumaient 13,6 % du financement global du réseau. En 2014-2015, au tarif quotidien de 7,30 $ depuis le 1er octobre dernier, les parents contribuent toujours à hauteur de 13,6 % des coûts du réseau ! Il est par ailleurs étonnant de constater que les auteurs de ce rapport reprennent eux aussi la légende du « 20 % en 1997 » sans être capables d’en justifier l’existence ni d’en citer la source, alors que les données précédentes proviennent des ministères de la Famille et des Finances.

PARTICIPATION ÉCONOMIQUE DES FEMMES

Dans un deuxième argument, M. Pratte rétorque à ceux qui prétendent que le réseau québécois de services de garde a eu des effets bénéfiques sur la participation économique des femmes « que dans les provinces où les tarifs sont bien plus élevés qu’au Québec, la proportion de femmes sur le marché du travail a augmenté autant qu’ici ».

L’erreur ici réside dans le fait de considérer le portrait de l’ensemble des femmes, avec ou sans enfants, âgées de 15 ans et plus. En voulant apprécier l’impact économique du développement du réseau québécois de services de garde, ce qui nous intéresse, ce sont les femmes ayant de jeunes enfants. Statistique Canada nous indique que le taux d’activité économique des femmes québécoises ayant des enfants de moins de 6 ans a bondi de 11,2 points de 1996 à 2008 (passant de 63,1 à 74,3 %), alors qu’il augmentait plus modestement de 5,6 points dans l’ensemble du Canada (de 65,3 à 70,9 %) au cours de la même période.

À la traîne par rapport à leurs consœurs du reste du Canada au milieu des années 90, la présence sur le marché du travail des femmes québécoises ayant de jeunes enfants fait aujourd’hui figure de référence. Et la politique familiale québécoise y est pour quelque chose…

Je crois comme M. Pratte que ce débat doit d’abord porter sur les faits et qu’il importe de les présenter avec toute la rigueur nécessaire.

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