élection au sénat en alabama

Sexe, Bible et élection

New York — « Quelles montagnes russes électorales ! »

Richard Fording s’exclame ainsi à propos de l’élection spéciale du 12 décembre en Alabama pour un siège au Sénat des États-Unis. L’émoi du politologue de l’Université de l’Alabama est compréhensible. Pour la première fois depuis 1992, son État, situé au cœur de la « Bible Belt », pourrait élire un démocrate à la Chambre haute du Congrès américain.

« Je pense que ces allégations contre Roy Moore donnent à Doug Jones une vraie chance de créer la surprise », soutient Richard Fording.

De quelles allégations parle-t-il ? Quatre femmes ont raconté au Washington Post avoir fréquenté le candidat républicain alors qu’elles étaient âgées de 14 à 18 ans et qu’il était dans la trentaine. La plus jeune, Leigh Corfman, aujourd’hui âgée de 53 ans, a accusé d’attouchements sexuels celui qui était alors procureur local.

La plus âgée a affirmé que Moore lui avait notamment procuré de l’alcool alors qu’elle n’avait pas l’âge légal pour en consommer.

Avant d’aller plus loin, un mot sur le parcours de Roy Moore. Âgé de 70 ans, cet ancien juge en chef de la Cour suprême de l’Alabama a d’abord remporté en septembre une primaire républicaine contre le sénateur d’Alabama par intérim Luther Strange, qui jouissait de l’appui non seulement de l’establishment du Parti républicain, mais également de Donald Trump.

Taxé d’extrémisme par de nombreux républicains à l’extérieur de son État, Roy Moore a déjà qualifié l’homosexualité de « crime contre la nature » et de « mal inhérent », l’islam, de « fausse religion » et Barack Obama, d’imposteur né sous d’autres cieux que les États-Unis.

« Prenez Joseph et Marie... »

Si ses positions gênaient l’élite républicaine, elles n’indisposaient pas outre mesure l’aile populiste et nationaliste du parti, incarnée par l’ancien stratège de Donald Trump, Steve Bannon, qui voit en lui un des révolutionnaires qui transformeront le Sénat à son image.

Et les allégations des quatre femmes contre Roy Moore ne font que creuser davantage les divisions républicaines. Certains partisans de Roy Moore ont clairement dit qu’ils préfèrent élire un candidat républicain soupçonné de pédophilie qu’un démocrate modéré ayant gagné ses galons comme procureur fédéral pour le district nord de l’Alabama, en l’occurrence Doug Jones.

D’autres ont invoqué la Bible pour défendre la liaison de l’ancien juge avec une fille de 14 ans.

« Prenez Joseph et Marie, a déclaré Jim Zeigler, vérificateur des comptes de l’État d’Alabama. Marie était une adolescente et Joseph était un charpentier adulte. Ils sont devenus les parents de Jésus. »

Cet argument confondant mariage à l’époque biblique et agression sexuelle d’enfants n’a pas convaincu grand monde à l’extérieur de l’Alabama. À Washington, au moins trois sénateurs républicains ont réclamé le retrait de Roy Moore. Quant à leur chef de file, Mitch McConnell, il serait prêt à perdre un siège plutôt que d’accueillir dans ses rangs un sénateur accusé de pédophilie.

Chose certaine, Roy Moore n’a impressionné personne avec ses démentis. 

« Je ne me souviens pas d’avoir fréquenté aucune fille sans la permission de sa mère. »

— Roy Moore, vendredi sur Fox News 

Samedi, devant ses partisans, il s’est attaqué à la crédibilité de Leigh Corfman en se demandant pourquoi une « femme adulte a attendu 40 ans » avant de porter des accusations.

« Ces allégations surviennent seulement quatre semaines et demie avant l’élection. Ce n’est pas une coïncidence », a-t-il dit.

Comme les autres femmes qui ont accepté de parler de leurs rapports avec Roy Moore, Leigh Corfman a été approchée par le Washington Post, qui avait entendu des rumeurs au sujet du candidat. Inscrite en tant que républicaine, cette mère de famille a voté pour Donald Trump, Mitt Romney et John McCain lors des trois dernières élections présidentielles. Selon son témoignage au Post, Moore l’a attirée chez lui, où il s’est dévêtu en ne gardant que son slip. Il lui a ensuite retiré sa chemise et son pantalon avant de toucher son soutien-gorge et sa petite culotte. Puis, il l’a forcée à mettre sa main sur son sexe gonflé par-dessus son slip. Il n’est pas allé plus loin après que l’adolescente traumatisée a demandé d’être ramenée chez elle.

« Son élection nuirait à la réputation du parti »

Dans son article publié jeudi dernier, le Post cite plusieurs proches de Corfman qui se souviennent d’avoir reçu ses confidences sur cette possible agression sexuelle.

Carol Cassel, politologue à l’Université de l’Alabama, voit mal comment le Parti républicain peut tolérer la candidature de Moore.

« Je pense que les dirigeants républicains tenteront de le forcer à se retirer, étant donné que son élection nuirait à la réputation du parti, dit-elle. Si Moore refuse, ils pourraient appuyer un candidat non inscrit [write-in candidate]. »

Or, paradoxalement, Roy Moore a un atout dans son jeu : le Washington Post.

« Plusieurs électeurs croient que le Washington Post est un quotidien libéral et partial, dit Carol Cassel. Cela aide donc Moore. »

Oui, mais jusqu’où ?

Un siège précieux

L’élection spéciale en Alabama n’a pas qu’un seul enjeu. Au-delà de l’image du Parti républicain, c’est son programme qui pourrait être compromis par le résultat du scrutin du 12 décembre.

Les républicains jouissent d’une mince majorité de deux sièges au Sénat (52-48). Majorité qui n’a pas suffi à assurer l’adoption du projet de loi pour abroger et remplacer la loi sur la santé de Barack Obama après la défection de trois sénateurs républicains.

Or, cette majorité serait réduite à sa plus simple expression advenant une défaite de Roy Moore, ce qui ne laisserait aux républicains qu’une très faible marge de manœuvre pour réussir à adopter l’ambitieuse réforme fiscale à l’examen au Congrès, par exemple.

États-Unis

Rencontre Trump-Duterte au menu

Donald Trump rencontre aujourd’hui son homologue philippin Rodrigo Duterte, critiqué pour sa sanglante et controversée « guerre contre la drogue », pour l’ultime rendez-vous sensible de son marathon asiatique. Arrivé hier en fin d’après-midi à Manille, le président américain a d’abord rencontré ce matin les premiers ministres du Japon et de l’Australie, Shinzo Abe et Malcolm Turnbull. Lors de la rencontre, M. Trump a promis une « déclaration majeure » mercredi à son retour à Washington pour faire le point sur ses accomplissements en Asie. Il a confié que « ce serait une déclaration très complète touchant le commerce, la Corée du Nord et plusieurs autres choses ». Mais l’attention se focalisera surtout sur la réunion bilatérale en fin de matinée entre MM. Duterte et Trump alors que la relation entre Manille et Washington, deux alliés tenus par un accord de défense, a connu de fortes turbulences depuis l’arrivée au pouvoir en 2016 du populiste avocat philippin. — AP et AFP

affaire russe

Trump « devrait avoir honte », affirme l’ancien directeur de la CIA

Donald Trump « devrait avoir honte » d’avoir traité de « vendus » les anciens chefs des services de renseignements qui ont conclu en janvier que la Russie avait bien interféré dans les élections américaines, a estimé hier l’ancien directeur de la CIA John Brennan. « Il nous a traités de vendus parce qu’il essaie de délégitimer les conclusions » du renseignement, a déclaré M. Brennan, interrogé sur CNN aux côtés de l’ancien patron des services de renseignement américains James Clapper. « Vu la source des critiques, je considère ces critiques comme un honneur », a ajouté l’ancien chef de la CIA, qui avait été nommé par Barack Obama. 

— Agence France-Presse

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