Énergie
Votre téléphone consomme comme deux frigos
La Presse
On les recharge chaque nuit sans trop réfléchir : la consommation électrique d’une tablette électronique ou d’un téléphone intelligent est négligeable.
Mais ce n’est que la pointe de l’iceberg. En fait, si on tient compte de toute l’infrastructure de télécommunication qui est nécessaire pour rendre disponibles et diffuser des contenus 24 heures sur 24, un appareil mobile consomme autant d’électricité que deux frigos, selon le spécialiste américain Mark P. Mills.
Cet ensemble sans cesse croissant de réseaux, de centres de données et d’émetteurs consomme beaucoup d’énergie.
D’autant que les entreprises et les réseaux adoptent en masse l’infonuagique pour livrer les données et les images à leurs clients et utilisateurs, de plus en plus friands de contenus lourds, comme la vidéo en continu.
Le problème n’est pas nouveau, mais la situation évolue si rapidement qu’il est difficile d’avoir des données à jour. Mentionnons simplement qu’aux États-Unis, le volume de données sur les réseaux mobiles a augmenté de 400 % depuis 2010, note Mark P. Mills.
Selon M. Mills, le secteur des télécoms consomme aujourd’hui 10 % de l’électricité mondiale.
Dès 2007, calculait Greenpeace dans un rapport de 2012, si le fameux « nuage » informatique était un pays, il serait arrivé au 4
rang mondial, après le Japon, pour la consommation d’électricité.Encore faut-il savoir de quel type d’électricité on parle. Le rapport de M. Mills s’intitule
(Le nuage vient du charbon) et a été financé par l’industrie du charbon.C’est une sorte de réplique à Greenpeace, qui fait campagne depuis quatre ans pour forcer les géants du web à « nettoyer » leurs centres de données.
En 2010, l’organisme écologiste a sommé Facebook de rompre ses liens d’« amitié » avec le charbon. Avec un certain succès : le géant des réseaux sociaux a inauguré cet été un centre de données dans le nord de la Suède entièrement alimenté à l’hydroélectricité.
Selon Gary Cook, de Greenpeace, les Facebook, Apple et Google de ce monde ont tous adopté une politique d’approvisionnement vert pour leurs centres de données.
Une tendance dont le Québec pourrait mieux profiter, affirme-t-il.
« Je suis surpris qu’on ne voie jamais le Québec plus souvent dans les foires de technologies de l’information, dit-il. On voit la Finlande, la Suède, l’Islande. Le Québec devrait certainement y être. »
Ce manque de visibilité n’a pas empêché le Québec d’attirer Ericsson à Vaudreuil, qui y met sur pied un centre de données et un centre de recherche.
« La grande disponibilité de l’hydroélectricité, une énergie renouvelable, constitue hors de tout doute un des atouts majeurs du Québec et en fait un lieu privilégié pour l’implantation de ce projet », avait déclaré le ministre Nicolas Marceau, lors de l’annonce de cet investissement de 1 milliard.
« C’est exactement le type de projet qu’on souhaitait attirer, dit Chantal Corbeil, porte-parole médias d’Investissements Québec. Il y a 60 nouveaux postes d’ingénieurs et cela consolide 200 emplois. »
Abstraction faite de très gros projets comme celui d’Ericsson, le Québec semble tiède devant ce marché. En effet, une fois construits, certains centres de données fonctionnent avec une poignée de techniciens.
Michel Chartier, président de la firme Kelvin-Emtech, tente d’attirer d’autres centres de données au Québec. Il affirme que ceux-ci permettent la création d’une quarantaine d’emplois par mégawatt. « C’est un marché qui se compare aux alumineries », avance-t-il.
Les investisseurs n’ont pas nécessairement besoin d’incitatifs particuliers pour choisir le Québec. OVH, une grande entreprise française, a inauguré cette année à Beauharnois ce qui pourrait devenir le plus grand centre de données en colocation du monde. Un centre de colocation est un regroupement de serveurs appartenant à divers clients.
L’abondance d’énergie propre, produite par la centrale électrique toute proche, a été déterminante, dit Germain Masse, chef des opérations d’OVH.
« On est venus installer notre base nord-américaine ici, dit-il. On a des fonctions de service à la clientèle, d’ingénieurs. On fabrique aussi une bonne partie de notre matériel. On a déjà créé au Québec près de 50 emplois et on est à seulement 10 % de notre projet. »
L’entreprise s’est d’ailleurs installée dans l’ancienne aluminerie de Beauharnois, qui a fermé ses portes en 2010. OVH a hérité d’une bâtisse industrielle immense et d’une entrée électrique de 100 MW.
« La croissance des technologies est si rapide que les clients ne regardent pas nécessairement les facteurs comme la source d’énergie, dit-il. Mais ça va s’équilibrer en faveur des énergies comme celle du Québec. »