Opinion Dan Hanganu

Vingt-cinq ans sur le lieu de fondation de Montréal

Le lancement de la monographie Dan Hanganu :  Works 1981-2015 s’est tenu tout récemment en présence de l’équipe EVOQ Architecture à laquelle se sont joints les collègues de l’architecte montréalais mort précipitamment l’automne dernier. Cet ouvrage offre un aperçu de ses plus importantes réalisations à Montréal et je saisis à mon tour cette occasion pour apporter une réflexion sur le travail réalisé par Dan Hanganu sur le lieu de fondation de Montréal.

Pour avoir travaillé à la mise en valeur de sites archéologiques authentiques sur une période s’échelonnant sur 25 ans, à Pointe-à-Callière, je sais combien Dan Hanganu a su faire preuve de vision dans la conception du pavillon principal. Inauguré en 1992, ce pavillon, conçu en consortium avec la firme Provencher_Roy, a valu à Dan Hanganu la médaille d’excellence du gouverneur général pour l’architecture, le Grand Prix de l’Ordre des architectes du Québec, et le Prix Orange, décerné par l’organisme Sauvons Montréal, pour l’insertion réussie d’un bâtiment en milieu urbain.

Le défi était de taille : les architectes devaient concevoir un pavillon qui allait se déposer harmonieusement et solidement au-dessus de vestiges authentiques de Montréal, de son premier cimetière, de ses murs de fortifications, de la première place Royale et du Royal Insurance Building. Dans le but de préserver ces vestiges, d’abord et avant tout. Mais ensuite, de créer une enveloppe qui puisse les mettre en valeur et les rendre accessibles aux Montréalais. En fonction de normes muséales internationales, dans un quartier historique où les exigences à respecter sont importantes, sur la toute petite pointe à Callière.

Dan Hanganu a conçu l’Éperon – le pavillon d’accueil du Musée, devenu depuis un édifice emblématique dans le paysage architectural montréalais – comme un vaisseau amiral en écho au fleuve Saint-Laurent tout à côté. Il a posé un geste architectural qui a su conjuguer le passé maritime de la ville au lieu présent. Il a mis sa créativité au service de la muséologie et de l’histoire. Dix millions de visiteurs plus tard, l’immeuble n’a pas vieilli. Il est tout aussi moderne qu’il y a 25 ans. Au fil des ans et au gré du développement du Musée, l’Éperon a dû faire face à la croissance soutenue du Musée. En 2017, Pointe-à-Callière a même établi un record de fréquentation avec près de 462 000 personnes, une hausse de 26 % par rapport à l’année 2016.

Au cours des 25 dernières années, Dan a participé à diverses phases de développement de Pointe-à-Callière, toujours en consortium avec la firme Provencher_Roy : en 2013, il a réussi à transformer la Maison-des-Marins, un bâtiment des années 50, sans grande personnalité, en un pavillon contemporain et urbain, ouvert sur la ville, sur le fleuve et sur le Vieux-Montréal. Et plus récemment, le consortium Hanganu/Provencher_Roy nous a accompagnés dans la mise en valeur du premier égout collecteur de Montréal et du lieu de fondation de Montréal, les vestiges du fort de Ville-Marie. Un nouveau pavillon a été inauguré le 17 mai 2017 à l’occasion du 375anniversaire de Montréal et du 25anniversaire de Pointe-à-Callière. 

Solutions novatrices

Mais il faut savoir que la mise en valeur de ce lieu de mémoire unique a exigé beaucoup de la part des architectes et des équipes multidisciplinaires : ils ont dû trouver des solutions novatrices compte tenu de la complexité des enjeux de conservation d’un site archéologique fragile datant du XVIIe siècle, de l’aménagement d’une crypte en souterrain et de la construction d’un pavillon entre des bâtiments existants. Les équipes ont aussi dû miser sur la recherche et le développement pour concevoir, réaliser, fabriquer, et installer un plancher de verre pour permettre à un nombre élevé de visiteurs de « marcher sur les vestiges du lieu de fondation de Montréal ». Les sites historiques ont aussi dû être consolidés et protégés des menaces d’assèchement, d’effritement, d’accumulation de moisissures ou des impacts de la nappe phréatique, dont l’action varie au fil des saisons. Aujourd’hui, nous pouvons dire : pari réussi ! 

Montréal est l’une des rares villes du monde qui peut se targuer de connaître son lieu de naissance et de l’avoir rendu accessible à ses concitoyens. Et les architectes, dont Dan Hanganu, y ont joué un rôle de premier plan.

Pour toutes ces raisons, je souhaite rendre hommage à l’homme et à l’architecte à qui je témoignais un grand respect. Dan et moi avions développé au fil des ans une grande complicité. J’aimais son humanisme et j’admirais sa volonté de vouloir aller toujours plus loin. Il rêvait de faire de la place D’Youville une sorte de Rambla espagnole. J’espère que son rêve se réalisera.

Mais d’ici là, Dan Hanganu et ses équipes ont laissé une empreinte indélébile sur Montréal. Pointe-à-Callière est un legs patrimonial de la Ville de Montréal ; mais on peut aussi dire de Pointe-à-Callière qu’il est le legs de Dan Hanganu à sa ville d’adoption.

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