Opinion : Gouvernement Trudeau

Comment se portent les six tâches du premier ministre ?

Au cours de la campagne électorale de 2015, L’Idée fédérale a publié un bulletin portant sur les tâches qui attendaient le prochain premier ministre sur le front du fédéralisme.

À l’époque, nous en avions appelé à un nouvel essor des relations intergouvernementales. Le nouveau premier ministre n’a pas perdu de temps et s’est très rapidement mis au travail. Après plus de six ans, la première rencontre en personne des premiers ministres canadiens a eu lieu le 23 novembre 2015, à peine deux semaines après la prestation de serment de la nouvelle administration. Les rencontres se sont multipliées depuis.

Nous avons également soutenu que le nouveau premier ministre devrait respecter les champs de compétence des provinces. L’ex-premier ministre Harper n’était pas un chaud partisan des relations fédérales-provinciales, en partie parce qu’il estimait que les provinces devraient avoir la liberté d’agir dans leurs champs de compétence sans qu’interfère le gouvernement fédéral.

L’approche intergouvernementale du gouvernement actuel a-t-elle favorisé l’élaboration de politiques sans raviver les tensions avec les provinces ? Oui et non. D’un côté, les interactions récentes sur les changements climatiques prouvent bien que le gouvernement fédéral peut agir de façon proactive sur des questions qui empiètent sur les prérogatives provinciales tout en maintenant les tensions à un niveau raisonnable.

De l’autre, les relations intergouvernementales sur la santé ne sont pas sans rappeler les années 90.

Le fait de lier les dépenses du fédéral en santé au type de soins peut à juste titre être interprété par les provinces comme une attitude paternaliste de la part du gouvernement fédéral. La stratégie fédérale de poursuivre des ententes bilatérales en santé a le mérite d’offrir une certaine souplesse face à la situation précise de chaque province, même si la stratégie visait à diviser les gouvernements provinciaux.

Questions énergétiques

Dans notre bulletin de 2015, nous avions également proposé que le nouveau premier ministre cherche à atténuer les tensions interprovinciales sur les questions énergétiques en agissant comme modérateur impartial. Ces tensions existent toujours, mais force est d’admettre, en toute équité pour le gouvernement actuel, que les récentes décisions concernant les oléoducs ne pouvaient pas faire l’unanimité parmi les provinces. Que nous soyons d’accord ou non avec la décision, le gouvernement fédéral fait au moins preuve de leadership dans ce dossier épineux.

Les attentes envers le gouvernement Trudeau étaient également extrêmement élevées en ce qui concerne les peuples autochtones.

Les libéraux avaient en effet promis de rétablir les relations de nation à nation, d’instaurer une enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, de réinvestir en éducation, et de mettre en application à la fois la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et la totalité des 94 appels à l’action soulignés par la Commission de vérité et réconciliation. 

Devant un programme aussi ambitieux, le gouvernement ne pouvait que décevoir les électeurs. Un an plus tard, les critiques dénoncent sans surprise le manque de changements concrets. Dans certains cas, ces critiques sont justifiées.

En dernier lieu, toujours dans notre bulletin sur les six tâches du premier ministre sur le front du fédéralisme, nous avions soutenu que le gouvernement fédéral devait collaborer étroitement avec les provinces et les territoires à la mise en œuvre de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne (UE). Cette recommandation a toujours sa raison d’être. 

Étant donné que l’Accord économique et commercial global contient de nombreuses dispositions visant à réduire les barrières au commerce et à l’investissement qui résultent de l’application de règles, de normes et de procédures différentes des deux côtés de l’Atlantique (les barrières «  non tarifaires  »), il reste beaucoup de travail à accomplir avant que l’accord soit entièrement mis en application.

Le gouvernement fédéral doit par conséquent travailler en très étroite collaboration avec les provinces, les territoires et nos homologues européens à appliquer les dispositions de l’AECG à des éléments tels que la coopération réglementaire et la mobilité de la main-d’œuvre afin de réduire ces barrières économiques particulières qui sont devenues plus importantes que les tarifs et les quotas (les barrières «  tarifaires  »). Sinon, une bonne partie de l’accord restera lettre morte, et nous n’en tirerons pas les avantages escomptés.

* Les auteurs travaillent respectivement à l’Université d’Ottawa, à l’Université d’Ottawa, à l’Université de Toronto, à l’Université de Montréal, à l’Université de Montréal et à l’Université d’Ottawa.

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