Arts visuels De la porcelaine à l’œuvre

Le récit actuel de la céramique

La céramique est à l’honneur chez Art Mûr avec une exposition d’œuvres créées par des artistes tels que Laurent Craste, Marie Côté, Olivier Girouard, Pierre Durette, Nicholas Galanin, Sarah Garzoni, Martin Klimas, François Morelli, Clint Neufeld, Greg Payce, Amélie Proulx, Stephen Schofield, Brendan Lee Satish Tang, Anne Ramsden ou encore Colleen Wolstenholme. Un événement décoiffant sur des as de l’argile contemporaine.

Au Québec, l’apprentissage de la céramique en arts visuels a perdu des plumes. Concordia est la seule université du Québec à offrir un véritable programme de céramique, tout comme Emily Carr Arts + Design, à Vancouver, et l’Université du Manitoba. Pourtant, la céramique, une des plus anciennes formes d’art de la planète, est réellement en vogue.

Au Canada, Shary Boyle, Leopold Foulem et Jean-Pierre Larocque ont choisi la céramique comme forme d’expression artistique. Il y en a bien d’autres, ici et ailleurs. Du coup, les directeurs d’Art Mûr, Rhéal Olivier Lanthier et François St-Jacques, ont organisé avec la commissaire Anaïs Castro De la porcelaine à l’œuvre, une expo qui montre que des créateurs propulsent la céramique au niveau des beaux-arts.

La vitrine de la galerie donne le ton : une porcelaine s’est pendue ! Il s’agit de La fin d’une potiche II, du Montréalais Laurent Craste. La fragilité du matériau est aussi évoquée à côté par une photo de l’Allemand Martin Klimas, Untitled (Blue Man), et sa porcelaine chinoise qui se brise sur le sol. Puis, on retrouve Laurent Craste avec deux vases Romanof : Nicolas et Alexandra, en train de succomber… assassinés par six balles chacun ! Toujours le morbide qui côtoie l’humour chez Craste.

Plus opaque est le travail de l’Albertain Greg Payce, lauréat du prix du Gouverneur général 2013, avec ses photos de poteries en image lenticulaire et ses vidéos s’inspirant du cinéma, du design et de la photographie. Clint Neufeld, quant à lui, sorte de faussaire des Prairies, nous fait prendre ses sculptures d’argile cuite pour des machines industrielles, comme son Lathe, faux tour à bois laqué bleu-vert assez impressionnant avec ses pas de vis, ses boutons dorés et autres pièces de perçage.

Diplômée en céramique et lauréate du prix RBC Emerging Artist People’s Choice Award 2013, la Québécoise Amélie Proulx étonne avec ses installations sonores, Jardinet mécanique et surtout Jardin baroque, une œuvre à travers laquelle on peut se promener.

Artiste d’expérience et professeur à Concordia, François Morelli expose ensemble deux œuvres qui découlent de sa résidence en France en 2004. La volée de l’envolée et Constellation sont liées à ses expériences de céramiste à Limoges. Des assiettes aux motifs qui se prolongent de l’une à l’autre. Une œuvre de partage dans laquelle la domesticité et le rituel racontent un récit multimillénaire plus que jamais actuel.

Avec Nicholas Galanin (présent au MAC pour Beat Nation), on retrouve l’autochtone de 34 ans dans une autre illustration des liens entre art autochtone et art contemporain avec ses masques dissimulés sur une tapisserie dont ils partagent le même ornement. Stephen Schofield présente, quant à lui, des sculptures magnifiques, notamment celle d’un jeune assis sur une chaise : mains délicates, bouche entrouverte, jambes pliées et torse tourné vers l’arrière, une posture complexe et bien rendue.

Intéressant travail de Pierre Durette avec ses Contingent, des pyramides de petites figurines. Les petits santons de Colleen Wolstenholme sont aussi très à-propos : de petites femmes voilées en couleur traduisant le malaise des laïcs par rapport à la place de la religion dans la sphère publique.

Enfin, si des œuvres illustrent l’ancrage de la porcelaine en art contemporain, ce sont bien celles de Brendan Lee Satish Tang, qui lui aussi a remporté le prix RBC Emerging Artist People’s Choice Award, mais en 2012. Ce Canadien d’origine irlando-trinidadienne conjugue la céramique aux nouvelles technologies, aux traditions chinoises et à l’art techno pop pour créer des objets fantastiques inspirés notamment des mangas japonais. Des créations si savamment emberlificotées qu’on aurait bien du mal à leur trouver un usage domestique !

De la porcelaine à l’œuvre, jusqu’au 21 décembre à la galerie Art Mûr.

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