À VOTRE TOUR

L’art de passer à côté du vrai problème

Le nombre de fois où je suis passée à côté de ma mère, me bouchant le nez en scandant que ça sentait mauvais !

Le nombre de fois où j’ai pris en cachette des cigarettes à ma mère pour faire semblant de fumer, en jouant à l’adulte !

Le nombre de fois où j’ai roulé des cigarettes avec ma mère et mon frère, parce que c’était rigolo de le faire !

Le nombre de fois où j’ai piqué des cigarettes à ma mère, à son insu, pour essayer de fumer, derrière la maison, puis à l’école avec des amis !

Le nombre de fois où j’ai attendu, postée près d’un dépanneur avec des copains, en demandant aux clients adultes de nous acheter un paquet !

Ma mère a fumé pendant plus de 45 ans. Elle m’a toujours trouvée chanceuse de pouvoir fumer une fois de temps en temps, sans en avoir besoin comme si ma (sur)vie en dépendait.

Puis, un jour, je me suis trouvée malchanceuse. Malchanceuse d’avoir une mère qui fume, qui tousse, qui a le teint verdâtre, qui sent la fumée. J’ai réalisé qu’elle vieillissait, que sa santé dépérissait, que si elle n’arrêtait pas de fumer, elle en mourrait prématurément. Nous avons eu une bonne discussion à ce propos. Puis, quelques mois plus tard, elle arrêtait de fumer. Elle a commencé à s’entraîner, à boire moins de vin. Elle a quitté son conjoint, avec qui elle était malheureuse depuis des années pour commencer à vivre pleinement, pour elle.

Ma mère n’est pas une cruche. Elle a vu toutes les pubs antitabac. Elle a vu les images de poumons noircis, de bouches horribles, de cœur dont toutes les artères étaient bouchées. Elle a lu la panoplie d’ingrédients nocifs contenus dans une seule cigarette. Elle a vécu la mort de gens chers des suites d’un cancer de la gorge, puis du poumon. Elle connaît les ravages auxquels elle s’expose chaque fois qu’elle s’allume une cigarette.

Fumer répond à un besoin

Ce dont les fumeurs ont besoin, ce n’est pas qu’on leur dise à quel point ce petit cylindre de tabac est nocif. Ils le savent.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que le fait de fumer répond à un besoin.

Demandez à n’importe quel fumeur pourquoi il fume. Il vous répondra que c’est par habitude. Que c’est pour « jaser » avec leurs amis fumeurs, durant les pauses.

D’ailleurs, plus jeune, je travaillais au bureau de mon père durant l’été. Les fumeurs avaient droit à des pauses pour aller fumer pendant que les non-fumeurs, eux, continuaient de travailler. Je me rappelle avoir trouvé que c’était un non-sens : « pourquoi récompenser les fumeurs en leur permettant d’aller prendre l’air, d’aller à l’extérieur, de prendre une pause alors que les non-fumeurs, eux, n’ont pas le droit d’aller dehors ni de prendre de pauses ? »

Mais surtout, les fumeurs diront qu’ils fument lorsqu’ils se sentent stressés. N’est-ce pas là la réelle source du problème ? En ne voulant que faire cesser le symptôme, on ne guérira jamais le vrai souci.

Oui, le stress est inévitable. Il permet même la survie, dans certaines situations. Mais si une personne a pris l’habitude de fumer pour gérer ses émotions, c’est qu’elle ne possède pas d’autres outils pour le faire.

Plutôt que d’axer les efforts sur les effets nocifs du tabac, pourquoi ne pas les axer sur les effets nocifs du stress ? Pourquoi ne pas enseigner des manières saines de vivre, de gérer son stress ?

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