Chronique : Parti québécois

Nationaliste ou nationaleux ?

Je dois dire que j’ai été un peu surpris de découvrir que Jean-François Lisée avait choisi de consacrer son discours, à la fin du Conseil national de son parti du week-end dernier, à la question économique. L’économie n’est pas sa tasse de thé, et ce n’est pas non plus le style de ces assemblées, plus portées sur les psychodrames et les débats existentiels.

Mais on comprend mieux quand on lit son discours-fleuve. Même si elle porte sur le nationalisme économique, son allocution n’est pas vraiment économique. Elle est politique et semble bien davantage chercher à résoudre des problèmes politiques que rencontre le chef du Parti québécois qu’à proposer une feuille de route pour l’économie québécoise.

Le premier de ces problèmes, c’est que le mécanisme de vases communicants qui assure un certain équilibre interne au PQ a été perturbé.

On voit bien depuis des années que lorsque l’objectif de l’indépendance s’éloigne, le discours linguistique du parti se radicalise, pour maintenir la combativité et canaliser les énergies militantes. Mais comme M. Lisée a remis à plus tard l’échéance référendaire tout en choisissant d’aborder la question linguistique de façon pragmatique, il y a maintenant un vide qu’il faut combler. À lire le ton et le contenu de son discours, il veut manifestement ouvrir un troisième front, sur le terrain de l’économie.

L’autre problème, c’est la difficulté de se rapprocher de Québec solidaire tout en attirant des électeurs de la Coalition avenir Québec. M. Lisée a peut-être trouvé un filon avec le thème du nationalisme économique, car s’il est défini de façon assez large, il peut à la fois plaire à la gauche et séduire un électorat aux réflexes plus traditionnels.

Cela explique le caractère plutôt étrange de ce discours. Mais dans les méandres de ce travail d’équilibriste, on peut dégager certains éléments qui risquent de caractériser les orientations économiques de l’opposition officielle et les politiques du PQ s’il accédait au pouvoir.

La première chose qui frappe, c’est le caractère très traditionnel de la démarche. Jean-François Lisée entame sa présentation avec une longue citation d’un discours de Jean Lesage, en 1962, qu’il décrit comme un « texte fondateur du nationalisme économique québécois ». Ça donne le ton. Le fait même de référer à une prise de position d’il y a 55 ans ne suggère pas la modernité et n’aidera pas le PQ à s’affranchir de son image de parti d’une génération vieillissante. D’autant plus que le chef péquiste veut redonner à la Caisse de dépôt « l’équilibre voulu par Lesage ».

Ce passéisme se double d’une conception passive et défensive du développement économique.

On le voit dans le titre de son discours : « Nationalisme économique – Le Parti québécois défendra notre économie et nos emplois avec vigueur ». Ou encore dans une envolée comme celle-ci : « Et ça presse. Parce qu’autour de nous, sur ce continent, il n’y a pas que des enfants de chœur. Et il va falloir montrer du muscle, défendre nos emplois, nos parts de marché, pied à pied au cours des années qui viennent. » Le thème de l’économie assiégée et encerclée, on l’a entendu au sud de la frontière. Faut-il rappeler que le Québec crée des emplois comme il ne l’a pas fait depuis longtemps ?

Pas étonnant donc que cela se prolonge d’une conception traditionaliste de l’économie, folklorique même, malgré les allusions à l’innovation, dont les deux symboles, à la lecture du discours, sont Rona et les fromages québécois. Le chef péquiste avertit d’ailleurs qu’il n’approuvera le traité de libre-échange avec l’Europe que « lorsqu’Ottawa s’engagera formellement à compenser de façon adéquate le tort qu’il nous cause. Sinon, c’est non ». On laisserait tomber le porc, les avions, le sirop d’érable, le papier, le bois, et tout le reste pour protéger moins de 2 % des débouchés de l’industrie laitière ?

À cela s’ajoute un certain misérabilisme, le retour aux thèses dont Bernard Landry était le grand porteur consistant à expliquer les problèmes du Québec par une succession de gestes hostiles faits au fil des décennies par le gouvernement fédéral. Cela amène M. Lisée, affirmant que le Québec n’a pas sa juste part des investissements fédéraux productifs, à dénoncer « un cercle vicieux d’appauvrissement et de dénigrement systémique ». C’est le même Jean-François Lisée qui, dans ses blogues, articles et essais, s’est efforcé de démontrer à quel point l’économie québécoise était performante et prospère.

Ce misérabilisme se prolonge de quelque chose de plus inquiétant pour la suite des choses, et c’est le niveau très élevé d’agressivité de M. Lisée à l’égard du gouvernement fédéral dans sa dénonciation de ses manquements réels ou supposés. Le chef péquiste ne veut pas être hargneux sur la langue. Il l’est déjà dans le débat économique avec Ottawa. Sur les pipelines, sur la décision, pour favoriser le bœuf de l’Ouest, « de sacrifier les entreprises laitières et fromagères du Québec », sur le contrat naval confié à Halifax et à Vancouver. « En 2018, notre gouvernement va faire de l’injustice du programme des navires de guerre une question centrale de la défense de nos droits face à Ottawa. » Attachez vos tuques.

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