Techno

Des impacts sur la santé

Vous lisez probablement cet article sur votre iPad. Peut-être dans votre lit, avant de vous coucher, la tête inclinée, dans l’obscurité. Vraiment pas de quoi mériter des morceaux de robot aux yeux de plusieurs spécialistes de la santé. Les tablettes électroniques – et téléphones intelligents – ne sont sur le marché que depuis quelques années et, déjà, des voix s’élèvent pour mettre en garde contre les effets sur la santé de leur mauvaise utilisation. État de la situation.

Le sommeil

« Éteignez vos téléphones cellulaires. Éteignez vos ordinateurs. Éteignez toutes ces choses susceptibles d’exciter votre cerveau. » Dans une conférence TED mise en ligne en août dernier, Russell Foster, neuroscientifique spécialiste du rythme circadien, est catégorique. Pour profiter d’une bonne nuit de sommeil, mieux vaut laisser ces gadgets électroniques de côté avant d’aller au lit.

« Je joue à des jeux sur iPad depuis le début de l’été et j’ai senti tout l’été un impact sur mon sommeil, clairement, constate la blogueuse Catherine Voyer-Léger. Le réflexe est de vouloir se vider l’esprit, mais c’est une façon trop pleine de se vider l’esprit. »

La télévision, l’ordinateur et la tablette électronique ont tous un impact sur le sommeil, note Régine Denesle, directrice de la Clinique d’insomnie au Centre d’études avancées en médecine du sommeil (CEAMS) de l’hôpital du Sacré-Cœur. Alors que l’ordinateur est montré du doigt pour sa luminosité, c’est plutôt le contenu stimulant qui serait en cause dans le cas de la télévision. Du côté des tablettes, des études préliminaires évoquent l’impact négatif de la lumière bleue, émise par les diodes électroluminescentes (LED) utilisées pour le rétroéclairage. La lumière bleue aurait un impact sur la sécrétion de mélatonine, hormone essentielle au sommeil. Notons que les liseuses de livres électroniques ne sont pas en cause.

« Je pense qu’il faut encore d’autres études qui iront dans ce sens-là pour corroborer tout ça, affirme Régine Denesle. Dans les études [qui ont été réalisées], ce sont toujours des conditions tellement contrôlées que ça ne représente pas toujours la réalité de notre quotidien. »

Elle ajoute que si l’impact est certain, c’est plutôt sa nature qui reste à préciser. Aussi, les études réalisées jusqu’à présent n’ont pas pris séparément l’exposition à la lumière et la nature de la tâche réalisée. Jouer à un jeu sur sa tablette n’aura pas le même impact que lire un article. La gravité de l’impact peut aussi varier d’une personne à l’autre selon le taux de sécrétion de mélatonine de chacun.

Pour améliorer son sommeil, Régine Denesle conseille de laisser ses écrans de côté au moins une heure avant d’aller se coucher. Autre solution : des lunettes orange qui filtrent la lumière bleue. Mais attention, ces lunettes diminuent également les contrastes, ce qui risque de faire forcer les yeux davantage, avertit Jean-Marie Hanssens, optométriste et directeur de la Clinique universitaire de la vision de l’Université de Montréal. Des fabricants offrent également depuis plus d’un an un traitement antireflet pour les verres qui contre l’effet de la lumière bleue, chose qui, selon M. Hanssens, pourrait bientôt devenir la norme.

La posture

On en est encore à apprivoiser la posture à avoir devant un ordinateur. Et voilà que d’autres appareils menacent notre santé musculo-squelettique. En 2011, une chiropraticienne britannique a mis le public en garde contre un problème grandissant causé par la montée en flèche de l’utilisation des téléphones portables : le text neck. Garder le cou et la tête penchés vers l’avant pendant de longues périodes pourrait éventuellement inverser la courbure naturelle du cou et entraîner des maux de tête et des douleurs au cou et au bras, a alors expliqué Rachael Lancaster.

Les tablettes tactiles malmènent également notre posture, selon une étude publiée l’an dernier par des chercheurs de l’Université Harvard. Déplorant l’absence de lignes directrices sur la posture à adopter pour une utilisation ergonomique de ces appareils, les chercheurs ont évalué la variation de la position de la tête et du cou pendant la manipulation de deux tablettes de marques différentes. Conclusion : quelle que soit la position, la flexion de la tête et du cou est plus accentuée dans le cadre de l’utilisation d’une tablette que d’un ordinateur. Pour éviter les torticolis et les douleurs musculaires, mieux vaut poser sa tablette sur une table plutôt que sur ses genoux et se doter d’un étui permettant de donner un angle prononcé à la tablette, l’important étant d’incliner la tête le moins possible.

Les yeux

Passer plusieurs heures par jour devant l’écran rend-il myope ? Aucune étude n’a, à ce jour, fait état de conséquences durables des tablettes ou téléphones sur la vue. Or, il a été prouvé que les activités de près sont un facteur de risque de la myopie, note Jean-Marie Hanssens.

« Sur le plan clinique, les optométristes voient qu’il y a des conséquences sur le confort des utilisateurs, observe-t-il. Ce sont des conséquences qui sont en général temporaires. Le simple arrêt d’utilisation ou le repos de quelques minutes va avoir un effet significatif sur ces symptômes-là. » Parmi ceux-ci, on note la fatigue, l’embrouillement, le picotement, la sécheresse oculaire et les maux de tête, des symptômes qui s’apparentent à ceux de l'utilisation de l’ordinateur. Rien de nouveau, donc, mais depuis l’arrivée des tablettes, le temps passé devant l’écran augmente et le nombre de personnes se plaignant d’inconfort aussi, rapporte Jean-Marie Hanssens.

Pour augmenter le confort visuel, il est recommandé de tenir votre tablette à environ 40 à 45 cm des yeux, d’être dans un endroit éclairé, de cligner des yeux régulièrement et de mettre en pratique la règle 20-20-20 (regarder à 20 m pendant 20 secondes, toutes les 20 minutes).

Et les ondes ?

Certains montrent également du doigt les effets des ondes électromagnétiques émises par les téléphones et l’internet sans fil. En 2011, l’Agence internationale de recherches sur le cancer (IARC) liée à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a qualifié ces ondes de « peut-être cancérigènes » pour l’être humain. L’IARC a caractérisé de limitées les preuves scientifiques liant le cellulaire à une augmentation du gliome (tumeur cérébrale) ou du neurinome acoustique (tumeur de l’oreille interne). Quant à l’exposition aux ondes dans l’environnement, rien ne permet de conclure à un impact sur le cancer.

De plus, certaines personnes disent souffrir d’hypersensibilité électromagnétique, ce qui se traduirait notamment par des étourdissements, des nausées et de la fatigue. Bien que l'OMS reconnaisse ces symptômes comme réels, elle n’établit toutefois pas de lien de causalité avec l’exposition à de telles ondes.

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