Société

Qu’en pensent les enfants ?

« Jouer, c’est s’amuser et avoir du plaisir, affirme Henri, 9 ans. C’est quelque chose de plaisant. Ce n’est pas nécessairement drôle, mais c’est quelque chose qui m’intéresse, comme les casse-tête. J’aime ça parce que ça travaille mon esprit et je trouve ça surtout l’fun quand l’image est bizarre. »

Cette confidence est tirée de la thèse, encore non publiée, de Stephanie Alexander, étudiante au doctorat au département de médecine sociale et préventive de l’Université de Montréal, qui a étudié le jeu à hauteur d’enfant. Elle a interviewé 25 jeunes âgés de 7 à 11 ans en leur demandant a priori de photographier leurs jeux préférés. 

L’étudiante cherchait à savoir si la promotion du « jeu actif » par les autorités en santé publique pouvait influencer la façon de jouer des enfants et leur conception du jeu.

Depuis un peu plus de cinq ans, des organismes comme ParticipACTION et Jeunes en forme Canada invitent les enfants à jouer dans le but de faire 60 minutes d’activité physique par jour. « Ces initiatives sont le fruit d’un effort louable pour combattre l’épidémie d’obésité chez les enfants, mais elles pourraient avoir des effets inattendus, voire négatifs », indique Stephanie Alexander. 

« Si on prône seulement le côté actif du jeu pour ses bienfaits physiques, on risque de modifier la perception des parents et des enfants sur ce qu’est le "bon" jeu, ajoute la professeure Katherine Frohlich qui dirige la thèse de Stephanie Alexander. Du coup, on dévalorise aussi les composantes sociales, affectives et psychologiques du jeu qui, pourtant, sont aussi essentielles au bien-être des enfants. »

Le jeu, un exutoire

Comme l’a découvert la doctorante, les enfants ne sont pas insensibles au discours de la santé publique. À sa grande surprise, Arman, garçon de 9 ans, lui a répété mot pour mot la campagne télévisuelle qu’a menée ParticipACTION en 2011. Cependant, là semble s’arrêter l’impact de la promotion du jeu actif. Arman, comme la majorité des enfants, s'adonne à des jeux aussi bien sédentaires qu’actifs. « Leur définition du jeu ne correspond pas à celle des adultes. Ils accordent beaucoup d’importance à l’émotion qu’ils en retirent », observe Stephanie Alexander. 

« Quand je suis triste, je lis davantage et ça me relaxe. Je tricote aussi », lui a dit Florence, 8 ans. Sébastien, 11 ans, se balance pour décompresser. « Ça me permet de laisser toutes mes idées partir, de faire le vide dans ma tête et de relaxer. Je vais au parc de l’école et je prends toujours la même pose, face à un gros arbre, où je peux voir beaucoup de ciel. J’aime beaucoup me balancer. J’y suis déjà resté pendant une heure. »

Le risque est une composante importante et agréable du jeu, ont révélé quelques enfants. Sarah, 11 ans, affectionne particulièrement une sculpture d’art moderne installée dans un parc à proximité de chez elle – que sa mère juge trop dangereuse. Elle y joue beaucoup avec sa cousine. « Je me demande comment je ferais le prochain pas et où je grimperais par la suite », dit-elle pour décrire son jeu. Quand on lui demande pourquoi elle trouve cet endroit amusant, elle répond candidement : « Ben, parce que ce n’est pas vraiment fait pour jouer ! »

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