Mères monoparentales

Un modèle qui dérange

Une femme seule, avec des enfants, qui se débrouille très bien et qui célèbre fièrement son célibat, ça dérange. Plus qu’on pense. « Pourquoi tu ne rentres pas dans le rang ? Comment ça se fait que tu es bien ? Comment c’est possible ? »

Laurence Lagouarde est agente de liaison à la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec, célibataire et fière de l’être depuis 15 ans. Elle a été en garde partagée quelques années, puis en garde exclusive, depuis huit ans. « Mais même en garde partagée, on est quand même des mères monoparentales la semaine où on a nos enfants », signale-t-elle.

Vrai, poursuit-elle, la grande majorité des mères seules continue de connaître un appauvrissement important. « Mais tout dépend d’où l’on part », nuance-t-elle. Elle déplore d'ailleurs ce « misérabilisme, la discrimination et les préjugés » qui entourent encore le phénomène de la monoparentalité, qui a pourtant complètement changé depuis quelques années.

LE REGARD DES AUTRES

Personnellement, la mère de deux adolescents n’a jamais voulu se remettre en couple. Elle a choisi, volontairement, de rester seule. Un choix qui n’est pas offert à tout le monde (car beaucoup de femmes, rappelle-t-elle, sont encore dépendantes financièrement), et qui, visiblement, ne fait pas non plus l’unanimité. « Je ne voulais pas imposer ça à mes enfants, dit-elle. Ça ne m’a jamais posé problème, mais dans le regard des autres, ça oui, ç'a posé problème… »

Combien de fois lui a-t-on demandé quand elle allait rencontrer quelqu’un, refaire sa vie, se conformer, quoi ? « Parce que le couple, c’est encore le modèle, dit-elle. Alors oui, on fait peur, parce que nous, on incarne un nouveau modèle. »

Si, quand elle s’occupe de ses enfants, elle se consacre à eux entièrement, n’allez pas croire qu’elle ait abandonné sa vie de femme. « Il faut aussi alimenter la femme en nous. Parce que non, on n’est pas que des mères ! »

Est-ce donc impossible d’être mère et femme à la fois ? « En tout cas, c’est difficile, et moi, je n’y suis pas arrivée », dit-elle en riant.

Si elle sait qu’elle dérange, Laurence Lagouarde croit aussi qu’elle force bien des couples à se questionner. Parce qu’elle mène sa barque à sa manière, et qu’elle s’en sort, heureuse par-dessus le marché. « On remet beaucoup de choses en question. L’essence même du couple, la façon de constituer une famille. La société qui évolue. Je crois qu’on s’en va vers des modèles extrêmement éclatés », conclut-elle.

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