Le Canadien

« J’ai toujours été un fan de Carey Price »

Après avoir passé 10 saisons dans le camp des Blackhawks de Chicago, Stéphane Waite a eu besoin d’environ cinq minutes pour passer dans celui du Canadien, l’été dernier. C’est à peine exagéré. « Mon contrat finissait le 30 juin, et une fois le contrat expiré, j’ai reçu l’appel environ cinq minutes plus tard », raconte-t-il en souriant.

Dans le petit resto de l’hôtel où nous sommes, les gens passent sans trop s’attarder à cet homme de 48 ans, qui pourrait rester là des heures à jaser de sa grande passion : les gardiens de but. C’est d’ailleurs un peu parce qu’il trouvait que le Canadien en avait un bon qu’il a décidé de dire oui à ce nouveau départ. Même s’il venait à peine de remporter la Coupe Stanley pour la deuxième fois chez les Blackhawks, cette fois en compagnie d’un autre élève, Corey Crawford.

« Ça n’a pas été une décision si facile, tient-il à préciser. Quand tu es là pendant 10 ans avec une équipe, il y a des liens, surtout quand tu gagnes… mais la grosse raison, c’est une affaire de famille ; on voulait revenir au Québec, et le timing était bon. Et puis, c’est sûr que pour un Québécois, le Canadien, c’est spécial. Si je n’avais pas connu ça, il m’aurait manqué quelque chose. »

Quand il parle du Canadien, Stéphane Waite parle de « Bergie », il parle de « Mike », des références amicales au directeur général Marc Bergevin et à l’entraîneur Michel Therrien. On comprend que tout ce beau monde se connaît bien. « Rick Dudley et Martin Lapointe aussi, on a travaillé ensemble à Chicago… À Montréal, j’arrivais dans un endroit avec du monde que je connaissais. »

Il y avait donc un peu tout ça. Puis il y avait un certain Carey Price, un type avec lequel Stéphane Waite avait le goût de travailler.

« J’ai toujours été un fan de Carey Price », admet-il sans la moindre parcelle d’hésitation.

PAS ASSEZ BON POUR ÊTRE GARDIEN

Avant de débarquer chez le Canadien, avant de décrocher son premier boulot dans la Ligue nationale à Chicago en 2003-2004, Stéphane Waite était avant tout un fou des gardiens. Un passionné. Le genre de gars qui regardait des matchs seulement pour voir ceux qui sont devant le filet, seulement pour étudier les styles, les techniques, les déplacements.

Ce qui est drôle, parce que de son propre aveu, Stéphane Waite n’était pas un gardien de talent (« pas assez bon », résume-t-il en trois mots). Sa passion l’a plutôt mené à enseigner les rudiments du métier… à partir de l’âge de 15 ans.

« Je savais que je n’allais jamais devenir un gardien, alors j’ai commencé à coacher de bonne heure. Ça s’est mis à être plus sérieux quand j’ai eu 17 ans, quand j’étais l’entraîneur des gardiens à Magog, dans le Midget AAA. J’enseignais à des kids qui avaient un an de moins que moi. C’est là que ça a parti. Quand j’ai commencé dans le junior à Shawinigan, j’avais 20 ans, et un de mes gardiens de but avait 20 ans lui aussi. C’était spécial… »

Waite a fait plusieurs arrêts sur le circuit du hockey junior québécois, et c’est finalement le gardien Jocelyn Thibault, jadis un de ses élèves chez les Faucons de Sherbrooke, qui a parlé de lui à la direction de Blackhawks. « Jocelyn avait dit aux Hawks que ça prenait un coach des gardiens plus présent. À ce moment-là, ils avaient Vladislav Tretiak, qui n’était là que pendant une semaine chaque mois. Mon nom commençait à circuler dans la LNH… »

Avant de dire oui au Canadien, Stéphane Waite connaissait déjà Carey Price. Peut-être pas comme on peut connaître un ami, mais il le connaissait, suivait sa progression depuis les rangs juniors. Même à Chicago, il le regardait de loin, suivait les matchs du Canadien à la télé.

« Je le regardais comme j’observe aussi plusieurs gardiens, pour voir ce qu’ils font de bien, ce qu’ils font de moins bien… Carey, c’est un gars tellement naturel dans le filet. Il a ça dans le sang. Je me souviens, quand j’étais à Chicago, on me posait à moi aussi la grosse question il y a quelques années : Halak ou Price ? Pour moi, la réponse ne faisait aucun doute, c’était Price. Le Canadien a gardé le bon… »

LES PETITS DÉTAILS

Ce n’est peut-être pas un hasard si l’arrivée de Waite au poste d’entraîneur des gardiens du Canadien cette saison coïncide avec le meilleur départ de Price au chapitre des statistiques, avec une moyenne de 2,33 et un taux d’arrêts de ,925 à la pause olympique.

Quand on lui en parle, Waite repousse un peu le compliment du bout des doigts. Il tient à dire qu’il n’a travaillé que sur des « petites choses » avec le gardien-vedette du Canadien.

« On a parlé beaucoup de la façon de penser, de se préparer pour un match. La façon de se concentrer sur les bonnes choses. Pour moi, les statistiques, la moyenne de buts accordés, tout ça, ça ne veut rien dire. Rien. Un gardien qui se concentre sur ses chiffres ne se concentre pas sur les bonnes choses. Alors on a travaillé beaucoup sur la préparation.

« Aussi, on a modifié sa façon de jouer. Je voulais le voir batailler plus que ça devant son filet. On a travaillé son langage corporel sur la glace. On a travaillé la façon dont il se déplace devant le filet ; je veux qu’il reste plus longtemps sur ses patins au lieu de se laisser glisser automatiquement. Il allait par terre trop vite, mais c’est quelque chose qui a été facile à corriger, ça n’a pas été trop long. Surtout des petits détails comme ça. »

Ceux qui suivent le Canadien en coulisses ont aussi remarqué que le « nouveau » Carey Price semble moins tendu, moins propice à se laisser aller au découragement. « On a travaillé là-dessus. Savoir passer à autre chose, se concentrer sur le prochain lancer. Il faut que ça paraisse dans le langage corporel. Ne jamais trop s’emporter après une victoire ou trop se décourager après une défaite. Rester d’humeur égale… »

Ce que l’on comprend en discutant un peu avec Stéphane Waite, c’est que l’aspect psychologique prend beaucoup de place dans son boulot. À ce chapitre, il rappelle ce qu’il a eu à faire avec Corey Crawford lors de la grande finale, en juin.

Dans le match numéro quatre, le gardien des Hawks avait accordé quelques buts côté mitaine aux tireurs des Bruins de Boston, qui croyaient avoir trouvé une faiblesse.

« On a réglé ça assez vite. Le lendemain matin, j’ai montré à Corey des vidéos de ses bons arrêts de la mitaine. Je lui ai demandé : "Penses-tu que tu as un problème avec ta mitaine ?" On n’en a plus parlé après ça… »

« CAREY EST DÉJÀ PARMI LES MEILLEURS »

Les yeux de Stéphane Waite s’illuminent un peu quand on lui demande de prédire l’avenir de Carey Price. Pour lui, Price, à 26 ans, fait déjà partie des premiers de classe de la LNH devant le filet.

L’ascension est loin d’être terminée, selon l’entraîneur des gardiens.

« Il est jeune, et il n’a pas encore atteint son plein potentiel. Un gardien de but, pour moi, ça se passe entre 26 et 30 ans. C’est là que ça se joue. Je disais la même chose à Chicago quand la direction de l’équipe avait un doute sur Corey. Je leur disais d’être patients, et Corey a eu sa plus grosse saison l’an passé à 28 ans.

« Le meilleur est à venir pour Carey. Je ne peux pas le garantir, mais je pense que oui. Il est déjà parmi l’élite, et il peut devenir encore meilleur. Il est en train de se construire une confiance et ça, on ne sait pas jusqu’où ça peut mener. Un mauvais but ou un mauvais match, ça ne l’ébranle plus comme ça l’a déjà ébranlé. »

En Stéphane Waite, Price peut compter sur un professeur, un confident et un allié. Mais il peut aussi compter sur un gars qui comprend la réalité montréalaise, qui sait ce que le titre de gardien partant chez le Canadien de Montréal signifie.

C’est peut-être pour ça que Waite grimace un peu quand on lui rappelle les critiques émises envers son nouvel élève, incluant sa fiche de 9 victoires contre 17 défaites en séries, fiche qu’on aime parfois souligner à grands coups de crayon rouge.

« Y’a pas beaucoup de gardiens qui gagnent des coupes Stanley tout seuls… ça ne m’inquiète pas parce que Carey a déjà gagné ailleurs. Il a gagné dans les rangs juniors, dans la Ligue américaine, il a gagné là où son club devait gagner. La journée que notre équipe va avoir atteint son degré de maturité… »

Stéphane Waite cherche une façon de conclure sa phrase. Il choisit de conclure avec ce qui ressemble à une prédiction, avec l’assurance de celui qui en a déjà vu bien d’autres. « Carey a prouvé qu’il peut gagner. Il va le prouver encore… »

Un métier qui a bien changé

« Des fois, je parle de l’évolution du métier avec mon frère Jimmy, qui est maintenant entraîneur des gardiens au hockey junior, à Chicoutimi. On parle de ce qu’on faisait avant, et on se met à rire. On pense aux exercices qu’on faisait il y a 30 ans… Ça n’avait aucun bon sens. Il n’y a plus rien de ce qu’on faisait il y a 30 ans qui est encore bon dans le hockey d’aujourd’hui. Y’a pas un seul exercice que je faisais il y a 30 ans que je pourrais refaire de nos jours. Si j’arrivais avec les mêmes choses qu’il y a 30 ans, je ferais rire de moi. »

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