Gabriel Tremblay

Le directeur général du Groupe TAQ s’est donné pour mission de faire reconnaître les personnes handicapées comme des travailleurs à part entière dans le respect de leurs différences. L’homme d’affaires est notre personnalité de la semaine.

Quand Gabriel Tremblay a appris que Walmart mettait fin à son programme d’intégration des personnes handicapées, il n’a pas mis beaucoup de temps à réagir.

« Congédié chez Walmart ? Bienvenue chez TAQ », a-t-il lancé à tous les employés remerciés par voie de communiqué.

« Les personnes handicapées ne sont pas des citoyens de deuxième ordre. Malgré leurs limitations, elles ont chacune leurs capacités et disposent des mêmes droits. Plutôt que de leur offrir cette dignité à laquelle elles ont droit, Walmart leur offre le chômage au moment où le Québec cherche la pleine intégration de ses ressources sur le marché de l’emploi. Quelle hérésie ! J’ouvre les bras à tous ces travailleurs : devenez nos équipiers et venez contribuer au développement socioéconomique dans le respect de votre différence », pouvait-on lire dans l’annonce diffusée à travers la province.

Walmart, on l’a appris ensuite, est revenue sur sa décision et a invité tous ceux qui avaient été renvoyés à reprendre leur poste.

Mais M. Tremblay ne veut pas qu’on cesse de parler des difficultés des personnes handicapées à se faire reconnaître comme des travailleurs à part entière. Des personnes qui ont beaucoup à offrir. Et dont on ne peut plus se passer.

D’autant que dans plusieurs marchés, le Québec est en situation de plein emploi et cherche de la main-d’œuvre. Les entreprises ont besoin de travailleurs pour maintenir leur production. Dans tous les secteurs, y compris des domaines non spécialisés, là où des personnes aux capacités différentes peuvent être fort utiles.

« Nous, c’est notre mission », explique M. Tremblay, qui dirige le Groupe TAQ depuis cinq ans.

Que fait cette entreprise ? « Disons que si vous avez commandé quelque chose chez Simons récemment, c’est probablement nous qui l’avons emballé », explique M. Tremblay. Même chose chez Chocolats Favoris, le petit papier de soie, la boîte. Parfois, le Groupe TAQ laisse une note pour indiquer que le service a été rendu par cette entreprise de 180 personnes fondée il y a 39 ans. Une entreprise qui pourrait grossir encore. Avis aux intéressés. Il y a encore de la place pour la croissance, de 25 à 50 emplois.

M. Tremblay, originaire de Jonquière, a étudié l’administration et les finances à l’Université du Québec à Rimouski avant d’être embauché par un organisme fédéral à Mont-Joli. Constatant qu’être fonctionnaire n’était pas son karma, il bifurque vers Centrap, société de Mont-Joli aussi qui fait travailler des personnes handicapées. « Je réalise que j’ai hérité le côté implication sociale de ma mère », dit-il. Une femme de peu de moyens, sans emploi rémunéré, mariée à un concierge, qui fera pendant des années du bénévolat chez les jésuites pour pouvoir y faire éduquer son fils.

Chez Centrap, son intérêt, sa passion pour l’intégration des travailleurs différents prend son envol. Après Centrap, il sera pendant 21 ans le président de l’Association des entreprises adaptées. Sous sa gouverne, elles créeront ensemble quelque 2000 emplois. Pendant tout ce temps, il fera des voyages de découverte pour voir comment on fait ailleurs. Il glane de bonnes idées, de l’inspiration, explique-t-il. En France, il verra comment les politiques qui forcent les sociétés à travailler avec des handicapés, et donc avec des sous-traitants adaptés, assurent un développement de la main-d’œuvre. En Belgique, il verra les avantages des politiques qui remettent l’individu au premier plan.

Il rapportera ces idées ici pour les mettre en application. Chez TAQ, le chiffre d’affaires est passé de 2,7 millions à 8,4 millions en cinq ans. « Je crois qu’on peut dire qu’on a le vent dans les voiles. »

L’entreprise travaille dans le secteur du vêtement, de l’alimentation, dans l’industrie pharmaceutique aussi. Ça roule.

« Ces travailleurs sont dévoués », dit-il. Loyaux. Il n’est pas rare de voir des employés arriver longtemps à l’avance. Parce que leur vie est plus sympathique au boulot que là où ils habitent. « C’est un milieu de travail et un milieu de vie. »

Des 120 000 personnes inscrites à l’aide sociale, qui gagnent une dizaine de milliers de dollars par année, environ 10 % pourraient travailler ainsi, croit M. Tremblay. Là, elles gagneraient de 22 500 à 25 000 $ par année.

Chez Walmart, on avait embauché des gens en les payant 5 $ par jour afin qu’ils puissent garder leurs paiements d’assistance sociale. Pour certains, c’est moins compliqué, car ils n’ont pas à s’inquiéter de payer pour leurs médicaments. Souvent, ces gens veulent juste se sentir inclus, et c’est ce que permettent ces postes, explique M. Tremblay. Et pour certains, il leur faut nécessairement être employés à temps partiel, ce qui peut entraîner un problème dans le cas de boulots réguliers. « Là, ça prendrait plus de solutions », dit M. Tremblay qui attend impatiemment la politique du gouvernement provincial à cet égard. En mai ? En juin ?

Il a hâte de voir si Québec choisira d’aller plus loin pour mieux intégrer ces gens que le travail rend heureux, dont on doit mieux s’occuper.

Gabriel Tremblay en quelques choix

Un livre préféré

Life from the Top of the Mind, de Bill Crawford

« Un livre scientifique qui parle du lien entre le cerveau et les émotions. L’auteur nous donne surtout une recette pour garder son calme en tout temps, et ça fonctionne ! »

Un film préféré

Inception, de Christopher Nolan

« J’aime les films qui nous obligent à réfléchir et à garder toute notre attention. »

Un personnage historique

Martin Luther King

« Un être imparfait, mais qui a fait de sa vie la défense des droits des Noirs aux États-Unis. »

Un personnage contemporain

Elon Musk

« Pour sa capacité à penser autrement, à repousser les frontières. »

Et, plus près de nous, Dominique Brown, propriétaire de Chocolats Favoris.

« Il a écrit un plan. Il croit en son projet et s’entoure des meilleurs. C’est un visionnaire inspirant et sans aucun doute, il va réaliser son plan. »

Une citation, une phrase ou un dicton

« Le succès est une décision. »

— Le psychologue américain John Atkinson

Une cause pour laquelle vous iriez manifester ? 

« L’intégration des personnes handicapées (et je l’ai déjà fait !) Et sur ma pancarte, j’écrirais : “La dignité humaine ne doit pas être régie par des quotas.” »

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