Mode

Quel avenir pour la mode ?

Alors que la pandémie fragilise économiquement l’industrie de la mode partout sur la planète, La Presse a sondé sept personnalités québécoises qui se démarquent dans leur domaine, ici et ailleurs, pour esquisser quelques pistes de réflexion sur son avenir.

Marie-Ève Lecavalier

designer

Pour une fabrication locale repensée

La designer québécoise Marie-Ève Lecavalier a un parcours impressionnant : prix au prestigieux Festival d’Hyères, finaliste du concours LVMH, articles dans Vogue, entrée de sa marque Lecavalier chez Ssense, où elle apporte sa vision unique sur des pièces comme la chemise et les jeans, avec une démarche ancrée dans le fait main et le recyclage valorisant (upcycling) elle a développé sa propre technique de tricot en cuir à partir de retailles.

Elle visait une production entièrement fabriquée en Italie, mais la pandémie a bouleversé ses plans. Elle misera désormais sur une fabrication locale et un rythme moins effréné. Dans son nouvel atelier de Chabanel, elle produira des pièces exclusives et uniques, à se procurer sur un site transactionnel à venir. Pour la créatrice, le système manufacturier québécois manque « d’ouverture d’esprit » : « On a de grosses chaînes de production, mais à terme, tout sera robotisé. Et est-ce encore pertinent de produire d’énormes quantités ? Cela serait à l’avantage de ces compagnies de sortir de leur zone de confort, d’accepter de produire des plus petites quantités pour les créateurs. Si elles ne le font pas tout de suite, elles vont manquer le bateau. »

« Il faut réfléchir à ce qu’on développe et propose avec cette nouvelle réalité mondiale qui nous frappe. »

— Marie-Ève Lecavalier, designer, Lecavalier

Hans Koechling

directeur artistique et producteur

Définir son identité dans un monde numérique

Le Canadien Hans Koechling a d’abord été mannequin, assistant et styliste, avant de fonder il y a 25 ans son entreprise The Image Is…, où il organise et produit nombre d’évènements mode ici et à l’international. Il se spécialise dans les services « clés en main » et a travaillé avec plusieurs marques, dont Chanel et Marchesa.

Malgré la crise, il remarque que l’intérêt pour le luxe et la qualité reste et que celui pour la mode éclair (fast fashion) seffrite. Cela dit, les entreprises doivent faire un travail de réduction d’échelle (downsizing) : « Les maisons de luxe avaient déjà commencé et cela va se poursuive, avec moins de collections et moins de looks. » Avec la productrice Laura Colonna (Coy Studios), il a lancé The Community, une plateforme numérique s’adaptant aux besoins de ses clients (défilés en ligne, évènements virtuels, films promotionnels) qui doivent apprendre à affirmer leur identité et rejoindre autant les acheteurs que les consommateurs dans ce « nouveau monde » presque entièrement numérique. « Notre monde se transforme. Les marques doivent avoir une visibilité, une image de marque sur le web, où il y a énormément de compétition. »

« Les marques doivent trouver le pont entre elles et leurs consommateurs, car le middle man, l’acheteur, n’est plus là dans un environnement de commerce en ligne. »

— Hans Koechling, directeur artistique et producteur, The Image Is…

Marie-Michèle Larivée

consultante en tendances

Des mouvances de fond qui s’émancipent

Titulaire d’une maîtrise en Fashion Trend Forecasting, Marie-Michèle Larivée est une des rares consultantes en tendances au Canada et conseille plusieurs marques canadiennes. Elle a été citée dans nombre de publications, dont Teen Vogue, et est chargée de cours à l’École supérieure de mode (ESM) de l’UQAM. La pandémie modifie sans aucun doute notre rapport au vêtement : le confort devient plus important, les couleurs naturelles et calmantes sont au rendez-vous, de nouvelles pièces hybrides émergent, témoin d’une nouvelle réalité, le télétravail. Exemple rigolo : les « chemises-chandails » Work From Home Jammies, moitié travail, moitié relaxation, un projet lancé récemment sur Kickstarter.

Elle s’intéresse aux « macro-tendances » qui transforment le visage de la mode à long terme. « Une tendance, c’est d’abord un mouvement de société. Des changements déjà présents ont été accélérés, voire mis sur les stéroïdes par la pandémie, comme l’achat local, la mode durable, le seconde main, l’artisanat. » L’occasion pour l’industrie, à bout de souffle, de se remettre en question : Gucci a annoncé une réduction de ses collections annuelles, alors que plusieurs marques émergentes misent plutôt sur des collections capsules, non genrées, produites à leur rythme.

« Comme la maison, le vêtement est devenu un sanctuaire et réconforte. Avec les avancées technologiques, qui traitent les microbes et particules qui se trouvent dans l’air, il devient aussi protecteur. »

— Marie-Michèle Larivée, consultante en tendances

Ying Gao

enseignante et designer

La dématérialisation de la mode

Née en Chine et ayant passé son adolescence en Suisse, Ying Gao a découvert Montréal lors d’un voyage à 20 ans… et n’est jamais repartie. Elle enseigne à l’École supérieure de mode (ESM) depuis 18 ans, mais c’est aussi une designer conceptuelle dont les fascinantes créations interactives se sont retrouvées dans nombre d’expositions et de publications.

Paradoxalement, elle avoue n’avoir rien d’une « techno enthousiaste » ; selon elle, les avancées technologiques – par exemple le projet Jacquard de Google en collaboration avec Levi’s, une veste connectée dotée au poignet d’une bande de textile intelligent aux nombreuses fonctionnalités – rendent le vêtement encore plus « gadget ». « Avec la technologie et Instagram, la mode est aplatie, l’objet vestimentaire a perdu de sa tridimensionnalité. Est-ce que c’est cela, le futur de la mode ? Honnêtement, ça m’inquiète. » Lucide, elle doute que l’industrie sorte profondément transformée de la crise ; par contre, la cassure vécue pourrait ouvrir un nouvel espace de réflexion sur la mode, permettre d’esquisser d’autres possibles. « Personnellement, c’est ce que je veux continuer à faire. Proposer des pistes différentes, poser la question : “Et si ?” »

« J’ai l’impression que le futur de la mode va appartenir davantage au marketing qu’au design, avec l’évolution de notre technologie numérique qui nous amène vers une dématérialisation des choses. »

— Ying Gao, enseignante à l’ESM et designer

Marie-Geneviève Cyr

enseignante

Reconnecter la mode

Originaire de Carleton, Marie-Geneviève Cyr a développé jeune une passion pour la mode. Elle est titulaire d’une maîtrise en mode et design de l’Université de New York, a travaillé en cinéma et en mode (Zac Posen, Anna Sui…). Depuis 11 ans, elle enseigne à la renommée Parsons School of Design, à New York, se spécialise en recherche et processus créatifs expérimentaux. Cette rentrée est 100 % numérique, avec des étudiants dispersés partout sur la planète, Parsons accueillant une clientèle en majorité internationale, surtout chinoise.

Elle est d’ailleurs tombée sous le charme de la Chine et s’y rend normalement plusieurs fois par année. Elle a vu la Semaine de la mode de Shanghai fleurir, avec de jeunes designers formés à Parsons et ailleurs qui retournent à Shanghai et changent le visage de l’industrie. Le mot qui s’impose actuellement à elle est « connecter » : « L’industrie est déconnectée de ses matières premières et de sa raison d’être. Pourquoi être en mode, pourquoi a-t-on besoin de nouveaux produits, de matières nouvelles ? Comme je dis toujours à mes étudiants, le monde n’a pas besoin de nouveaux designers. Si vous voulez être en mode, vous avez besoin d’une méchante bonne raison ! »

« Contrairement aux grandes marques, prises dans le système traditionnel, la relève a été capable durant la pandémie d’essayer de nouveaux systèmes, de connecter autrement. Je pense que les jeunes vont vraiment arriver à changer le système. »

— Marie-Geneviève Cyr, enseignante, Parsons School of Design

Katia Dion

agente de designers

Une occasion à saisir

Fondée en 2003 par Katia Dion, Agence Ka représente des designers québécois, et aujourd’hui canadiens comme Ève Gravel, Marigold ou Dagg & Stacey, d’un océan à l’autre, dans une centaine de boutiques indépendantes. Celle qui a également ouvert en 2018 la boutique Gank dans Saint-Henri affirme que le contexte économique était plutôt moribond avant la pandémie. « Au Canada, on a stagné. C’était difficile d’atteindre des chiffres intéressants, car plusieurs boutiques ne renouvellent pas leur clientèle. Et c’est impossible d’entrer dans les chaînes avec les marges que les petites marques peuvent offrir. »

Elle voit dans cette crise sanitaire, et le mouvement de conscientisation créé à l’égard de l’achat local, une réelle occasion pour les marques canadiennes et les boutiques indépendantes de se démarquer ici et, pourquoi pas, à l’étranger : « Je crois qu’il faut solidifier notre niche, ne pas essayer de suivre le même modèle que les gros – les grosses quantités, les soldes, les saisons folles trop d’avance. Ce sont eux qui en arrachent actuellement. Les petites boutiques rouvrent et ça marche, leur clientèle est au rendez-vous. J’ai un espoir que c’est peut-être enfin à notre tour. »

« Les boutiques indépendantes devraient miser sur une offre nichée, un service hors pair que le client ne retrouvera jamais dans un centre d’achat. Il y a une occasion pour fleurir. »

— Katia Dion, agente de designers

École de Pensée

marque montréalaise

Repenser le vestiaire formel

Fondée en 2014 par trois amis d’enfance – Marc-André Garand, Julien Gauthier et William Lessard –, École de Pensée est une ligne pour hommes qui réussit à très bien tirer son épingle du jeu. Ce trio d’autodidactes a réussi à s’implanter à l’international, notamment au Japon, en faisant les choses à sa façon : des matières luxueuses recherchées, des coupes fonctionnelles, des pièces inspirées de la garde-robe traditionnelle masculine, revisitées de façon contemporaine, et un travail de fond pour développer des relations avec des acheteurs étrangers. Ils ont ouvert leur première boutique phare en 2018 sur Laurier Ouest.

Malgré la pandémie, leur petite entreprise se porte plutôt bien. « Actuellement, on travaille à relancer un nouveau site web, et à rejoindre des consommateurs, mais aussi des acheteurs de façon optimale », explique M. Lessard. Leur précédente collection revisitait l’uniforme, un angle intéressant dans un contexte où la relation au vestiaire pour le travail est bousculée. Exemple : un veston sans col fabriqué de matière confortable, un blouson plus décontracté taillé dans un tissu noble. « Le code vestimentaire s’assouplit. On aime proposer des pièces hybrides, modulables, facilement unisexes qui peuvent être portées de façon plus déconstruite », ajoute M. Garand.

« Nous ne sommes pas vraiment dans les tendances, mais plutôt dans un vestiaire qui va être cohérent de saison en saison. »

— Julien Gauthier, cofondateur, École de Pensée

Mode

Quel avenir pour la mode ?

Alors que la pandémie fragilise économiquement l’industrie de la mode partout sur la planète, La Presse a sondé sept personnalités québécoises qui se démarquent dans leur domaine, ici et ailleurs, pour esquisser quelques pistes de réflexion sur son avenir.

Marie-Ève Lecavalier

designer

Pour une fabrication locale repensée

La designer québécoise Marie-Ève Lecavalier a un parcours impressionnant : prix au prestigieux Festival d’Hyères, finaliste du concours LVMH, articles dans Vogue, entrée de sa marque Lecavalier chez Ssense, où elle apporte sa vision unique sur des pièces comme la chemise et les jeans, avec une démarche ancrée dans le fait main et le recyclage valorisant (upcycling) elle a développé sa propre technique de tricot en cuir à partir de retailles.

Elle visait une production entièrement fabriquée en Italie, mais la pandémie a bouleversé ses plans. Elle misera désormais sur une fabrication locale et un rythme moins effréné. Dans son nouvel atelier de Chabanel, elle produira des pièces exclusives et uniques, à se procurer sur un site transactionnel à venir. Pour la créatrice, le système manufacturier québécois manque « d’ouverture d’esprit » : « On a de grosses chaînes de production, mais à terme, tout sera robotisé. Et est-ce encore pertinent de produire d’énormes quantités ? Cela serait à l’avantage de ces compagnies de sortir de leur zone de confort, d’accepter de produire des plus petites quantités pour les créateurs. Si elles ne le font pas tout de suite, elles vont manquer le bateau. »

« Il faut réfléchir à ce qu’on développe et propose avec cette nouvelle réalité mondiale qui nous frappe. »

— Marie-Ève Lecavalier, designer, Lecavalier

Hans Koechling

directeur artistique et producteur

Définir son identité dans un monde numérique

Le Canadien Hans Koechling a d’abord été mannequin, assistant et styliste, avant de fonder il y a 25 ans son entreprise The Image Is…, où il organise et produit nombre d’évènements mode ici et à l’international. Il se spécialise dans les services « clés en main » et a travaillé avec plusieurs marques, dont Chanel et Marchesa.

Malgré la crise, il remarque que l’intérêt pour le luxe et la qualité reste et que celui pour la mode éclair (fast fashion) seffrite. Cela dit, les entreprises doivent faire un travail de réduction d’échelle (downsizing) : « Les maisons de luxe avaient déjà commencé et cela va se poursuive, avec moins de collections et moins de looks. » Avec la productrice Laura Colonna (Coy Studios), il a lancé The Community, une plateforme numérique s’adaptant aux besoins de ses clients (défilés en ligne, évènements virtuels, films promotionnels) qui doivent apprendre à affirmer leur identité et rejoindre autant les acheteurs que les consommateurs dans ce « nouveau monde » presque entièrement numérique. « Notre monde se transforme. Les marques doivent avoir une visibilité, une image de marque sur le web, où il y a énormément de compétition. »

« Les marques doivent trouver le pont entre elles et leurs consommateurs, car le middle man, l’acheteur, n’est plus là dans un environnement de commerce en ligne. »

— Hans Koechling, directeur artistique et producteur, The Image Is…

Marie-Michèle Larivée

consultante en tendances

Des mouvances de fond qui s’émancipent

Titulaire d’une maîtrise en Fashion Trend Forecasting, Marie-Michèle Larivée est une des rares consultantes en tendances au Canada et conseille plusieurs marques canadiennes. Elle a été citée dans nombre de publications, dont Teen Vogue, et est chargée de cours à l’École supérieure de mode (ESM) de l’UQAM. La pandémie modifie sans aucun doute notre rapport au vêtement : le confort devient plus important, les couleurs naturelles et calmantes sont au rendez-vous, de nouvelles pièces hybrides émergent, témoin d’une nouvelle réalité, le télétravail. Exemple rigolo : les « chemises-chandails » Work From Home Jammies, moitié travail, moitié relaxation, un projet lancé récemment sur Kickstarter.

Elle s’intéresse aux « macro-tendances » qui transforment le visage de la mode à long terme. « Une tendance, c’est d’abord un mouvement de société. Des changements déjà présents ont été accélérés, voire mis sur les stéroïdes par la pandémie, comme l’achat local, la mode durable, le seconde main, l’artisanat. » L’occasion pour l’industrie, à bout de souffle, de se remettre en question : Gucci a annoncé une réduction de ses collections annuelles, alors que plusieurs marques émergentes misent plutôt sur des collections capsules, non genrées, produites à leur rythme.

« Comme la maison, le vêtement est devenu un sanctuaire et réconforte. Avec les avancées technologiques, qui traitent les microbes et particules qui se trouvent dans l’air, il devient aussi protecteur. »

— Marie-Michèle Larivée, consultante en tendances

Ying Gao

enseignante et designer

La dématérialisation de la mode

Née en Chine et ayant passé son adolescence en Suisse, Ying Gao a découvert Montréal lors d’un voyage à 20 ans… et n’est jamais repartie. Elle enseigne à l’École supérieure de mode (ESM) depuis 18 ans, mais c’est aussi une designer conceptuelle dont les fascinantes créations interactives se sont retrouvées dans nombre d’expositions et de publications.

Paradoxalement, elle avoue n’avoir rien d’une « techno enthousiaste » ; selon elle, les avancées technologiques – par exemple le projet Jacquard de Google en collaboration avec Levi’s, une veste connectée dotée au poignet d’une bande de textile intelligent aux nombreuses fonctionnalités – rendent le vêtement encore plus « gadget ». « Avec la technologie et Instagram, la mode est aplatie, l’objet vestimentaire a perdu de sa tridimensionnalité. Est-ce que c’est cela, le futur de la mode ? Honnêtement, ça m’inquiète. » Lucide, elle doute que l’industrie sorte profondément transformée de la crise ; par contre, la cassure vécue pourrait ouvrir un nouvel espace de réflexion sur la mode, permettre d’esquisser d’autres possibles. « Personnellement, c’est ce que je veux continuer à faire. Proposer des pistes différentes, poser la question : “Et si ?” »

« J’ai l’impression que le futur de la mode va appartenir davantage au marketing qu’au design, avec l’évolution de notre technologie numérique qui nous amène vers une dématérialisation des choses. »

— Ying Gao, enseignante à l’ESM et designer

Marie-Geneviève Cyr

enseignante

Reconnecter la mode

Originaire de Carleton, Marie-Geneviève Cyr a développé jeune une passion pour la mode. Elle est titulaire d’une maîtrise en mode et design de l’Université de New York, a travaillé en cinéma et en mode (Zac Posen, Anna Sui…). Depuis 11 ans, elle enseigne à la renommée Parsons School of Design, à New York, se spécialise en recherche et processus créatifs expérimentaux. Cette rentrée est 100 % numérique, avec des étudiants dispersés partout sur la planète, Parsons accueillant une clientèle en majorité internationale, surtout chinoise.

Elle est d’ailleurs tombée sous le charme de la Chine et s’y rend normalement plusieurs fois par année. Elle a vu la Semaine de la mode de Shanghai fleurir, avec de jeunes designers formés à Parsons et ailleurs qui retournent à Shanghai et changent le visage de l’industrie. Le mot qui s’impose actuellement à elle est « connecter » : « L’industrie est déconnectée de ses matières premières et de sa raison d’être. Pourquoi être en mode, pourquoi a-t-on besoin de nouveaux produits, de matières nouvelles ? Comme je dis toujours à mes étudiants, le monde n’a pas besoin de nouveaux designers. Si vous voulez être en mode, vous avez besoin d’une méchante bonne raison ! »

« Contrairement aux grandes marques, prises dans le système traditionnel, la relève a été capable durant la pandémie d’essayer de nouveaux systèmes, de connecter autrement. Je pense que les jeunes vont vraiment arriver à changer le système. »

— Marie-Geneviève Cyr, enseignante, Parsons School of Design

Katia Dion

agente de designers

Une occasion à saisir

Fondée en 2003 par Katia Dion, Agence Ka représente des designers québécois, et aujourd’hui canadiens comme Ève Gravel, Marigold ou Dagg & Stacey, d’un océan à l’autre, dans une centaine de boutiques indépendantes. Celle qui a également ouvert en 2018 la boutique Gank dans Saint-Henri affirme que le contexte économique était plutôt moribond avant la pandémie. « Au Canada, on a stagné. C’était difficile d’atteindre des chiffres intéressants, car plusieurs boutiques ne renouvellent pas leur clientèle. Et c’est impossible d’entrer dans les chaînes avec les marges que les petites marques peuvent offrir. »

Elle voit dans cette crise sanitaire, et le mouvement de conscientisation créé à l’égard de l’achat local, une réelle occasion pour les marques canadiennes et les boutiques indépendantes de se démarquer ici et, pourquoi pas, à l’étranger : « Je crois qu’il faut solidifier notre niche, ne pas essayer de suivre le même modèle que les gros – les grosses quantités, les soldes, les saisons folles trop d’avance. Ce sont eux qui en arrachent actuellement. Les petites boutiques rouvrent et ça marche, leur clientèle est au rendez-vous. J’ai un espoir que c’est peut-être enfin à notre tour. »

« Les boutiques indépendantes devraient miser sur une offre nichée, un service hors pair que le client ne retrouvera jamais dans un centre d’achat. Il y a une occasion pour fleurir. »

— Katia Dion, agente de designers

École de Pensée

marque montréalaise

Repenser le vestiaire formel

Fondée en 2014 par trois amis d’enfance – Marc-André Garand, Julien Gauthier et William Lessard –, École de Pensée est une ligne pour hommes qui réussit à très bien tirer son épingle du jeu. Ce trio d’autodidactes a réussi à s’implanter à l’international, notamment au Japon, en faisant les choses à sa façon : des matières luxueuses recherchées, des coupes fonctionnelles, des pièces inspirées de la garde-robe traditionnelle masculine, revisitées de façon contemporaine, et un travail de fond pour développer des relations avec des acheteurs étrangers. Ils ont ouvert leur première boutique phare en 2018 sur Laurier Ouest.

Malgré la pandémie, leur petite entreprise se porte plutôt bien. « Actuellement, on travaille à relancer un nouveau site web, et à rejoindre des consommateurs, mais aussi des acheteurs de façon optimale », explique M. Lessard. Leur précédente collection revisitait l’uniforme, un angle intéressant dans un contexte où la relation au vestiaire pour le travail est bousculée. Exemple : un veston sans col fabriqué de matière confortable, un blouson plus décontracté taillé dans un tissu noble. « Le code vestimentaire s’assouplit. On aime proposer des pièces hybrides, modulables, facilement unisexes qui peuvent être portées de façon plus déconstruite », ajoute M. Garand.

« Nous ne sommes pas vraiment dans les tendances, mais plutôt dans un vestiaire qui va être cohérent de saison en saison. »

— Julien Gauthier, cofondateur, École de Pensée

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