Chronique

Une formidable occasion
à saisir

L’ambiance sera chaude, ce soir, à Boston. Les bruyants partisans des Bruins voudront déconcentrer le Canadien. Mais cela n’inquiète pas Daniel Brière. « Ce serait l’fun de les voir partir la tête basse après le match... », dit-il de sa voix douce.

De tous les joueurs du Canadien, Brière est sans doute celui qui réalise le mieux que les exploits sont possibles dans une septième rencontre. Même à l’étranger. Même au TD Garden.

En 2010, il portait les couleurs des Flyers de Philadelphie lorsque ceux-ci ont comblé un déficit de 3-0 après
14 minutes de jeu pour remporter l’ultime affrontement. Ce retour canon s’ajoutait à un autre, les Bruins s’étant
bâti une avance de trois matchs à zéro avant que le vent tourne.

Comme tout jeune Québécois passionné de hockey, Brière a suivi de nombreux affrontements entre le Canadien et les Bruins en grandissant. Voilà qu’il participe à son tour
à cette tradition. Son calme et son expérience serviront bien ses jeunes coéquipiers. Car Brière a appris l’importance de rester maître de soi, peu importe les soubresauts d’une rencontre.

« Il faut être prêt à toute éventualité et capitaliser sur nos chances, explique-t-il. Et même si ça semble simple, il faut éviter de jouer le match intérieurement en après-midi. »

À son arrivée dans la LNH, Brière a parfois commis cette erreur. Il pensait à l’affrontement toute la journée, arrivant à l’amphithéâtre l’énergie « dans le tapis », pour reprendre son expression. Mais cette intensité émotive trop hâtive laissait des traces. Au point où il était vidé lorsque la rondelle était enfin mise en jeu.

Brière sait aussi que la victoire du Canadien, lundi, ne signifie plus rien. Et que la dynamique peut vite changer. « À chaque match, on recommence à zéro », dit-il.

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Il suffit de discuter avec les joueurs du Canadien pour réaliser à quel point leur état d’esprit est solide. Michel Therrien rappelle souvent l’importance d’afficher la bonne « attitude » ces jours-ci. Ce message porte.

Ainsi, lundi soir, P.K. Subban a dit combien il avait hâte de rendre silencieuse la foule du TD Garden durant le septième match. Et de vider l’édifice de son énergie. Ses commentaires comportaient une bonne dose de bravade, mais surtout beaucoup de confiance.

Subban, comme plusieurs de ses coéquipiers, a aussi disputé un septième match à Boston en 2011. Mais les Bruins l’avaient emporté en prolongation. Il souhaite équilibrer les comptes.

Pour le Canadien, l’occasion est formidable. En 1993, l’équipe a remporté la Coupe Stanley. Depuis ce temps, elle n’a participé qu’une seule fois à la demi-finale de la LNH, surfant sur les extraordinaires arrêts de Jaroslav Halak en 2010. Oui, une seule demi-finale en 19 ans ! (Un lock-out a annulé le calendrier 2004-2005.)

C’est dire combien il est dur de se rendre aussi loin en séries. La concurrence est féroce dans la LNH et les espoirs d’équipes très solides sont souvent déçus.

Bien sûr, le Canadien aligne plusieurs excellents jeunes joueurs, présage d’un avenir intéressant. Mais comment être sûr que les morceaux tomberont en place de la bonne manière au cours des prochaines années ?

Avant le début des séries, Marc Bergevin a rappelé à quel point la ligne est fine entre la victoire et la défaite en séries éliminatoires.

« Beaucoup d’éléments entrent en ligne de compte : le travail d’équipe, le rendement du gardien, les blessés et un peu de chance. Le momentum peut changer avec un lancer qui frappe le poteau plutôt que d’entrer dans le but », disait-il.

Si on analyse les quatre points du DG, on constate à quel point les choses tombent en place pour le CH ce printemps. Le travail d’équipe est impressionnant, Carey Price est en pleine forme et aucune blessure sérieuse n’est survenue depuis le début des séries.

La chance ? Disons qu’elle favorise le CH, les Bruins ayant frappé le poteau à dix reprises lors des six premiers matchs. « C’est parfois une question de pouces... », disait Bergevin. En effet.

En 1993, Patrick Roy parlait à ses poteaux, qui l’ont souvent tiré d’embarras. Le Canadien a aussi remporté 10 matchs consécutifs en prolongation, une séquence abracadabrante. Oui, les astres s’étaient alignés en faveur des hommes en rouge.

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Pour le Canadien, l’ouverture qui se dessine se présente ironiquement deux ou trois ans plus tôt que prévu. Il est en effet plausible de croire que l’équipe s’améliorera au fil des prochaines années, les jeunes joueurs gagnant en expérience.

La situation est donc très différente de 2010. Cette année-là, le Canadien a atteint la demi-finale grâce à un gardien qui n’a jamais répété pareils exploits.

Et le cœur de l’équipe était composé de vétérans : Michael Cammalleri, Brian Gionta, Scott Gomez (oui, oui, il avait été excellent...). Cette formation ne possédait cependant pas les ressources pour continuer sur cette lancée au cours des saisons suivantes.

On peut donc soutenir que même si le Canadien perd ce soir, les prochaines saisons s’annoncent intéressantes. Mais pour paraphraser Cicéron, l’avenir affiche une fâcheuse tendance à se montrer incertain. Rien ne garantit même que le CH participera aux séries éliminatoires en 2015. Ou que l’ambiance sera aussi bonne dans le vestiaire.

Voilà pourquoi l’équipe doit saisir la formidable occasion s’offrant à elle ce soir. La lutte est si vive entre les 30 formations qu’on ne sait jamais à quel moment une chance pareille se présentera de nouveau.

Pour relever le défi dans cette ambiance hostile, le Canadien devra, comme le dit Daniel Brière, être prêt à toute éventualité.

DES MILLIONS EN JEU

Le match de ce soir entre les Bruins et le Canadien comporte de gros enjeux financiers.

D’abord, si le Canadien atteint la demi-finale de la Coupe Stanley, au moins deux autres rencontres des séries – et peut-être plus – seront présentées au Centre Bell. Pour l’organisation, il s’agirait d’une mine d’or.

Pour vous donner une idée, je rappelle qu’en 2010, lorsque le Canadien a disputé trois tours éliminatoires, l’ensemble de l’entreprise (Centre Bell, evenko et CH) a empoché des profits de 65 millions.

Ensuite, les futurs revenus de Thomas Vanek, qui profitera de l’autonomie le 1er juillet prochain, seront sans doute influencés par sa performance en séries. Son pouvoir de négociation sera meilleur s’il se distingue dans les moments-clés. Une équipe intéressée à ses services – notamment le Canadien – pourrait bonifier son offre, tant sur le plan de l’enveloppe monétaire que de la durée du contrat.

Enfin, on sait tous que les superbes séries éliminatoires de P.K. Subban le placent en excellente position en vue de son prochain contrat. Mais de manière plus discrète, Lars Eller a aussi amélioré son sort au cours des derniers mois.

Après une saison régulière où sa contribution offensive a été inférieure aux attentes, Eller se rachète. Il est en bonne posture pour obtenir une augmentation considérable, lui qui a touché en moyenne 1,3 million au cours des deux dernières saisons.

L’IMPACT MALCHANCEUX

L’Impact est responsable de son douloureux début de saison. L’inaction de la direction durant la saison morte, constatée par Matteo Ferrari dès janvier dernier, se paie aujourd’hui très cher.

Le directeur sportif Nick De Santis n’avait pas apprécié ces propos, mais le vétéran défenseur avait raison. L’Impact essaie aujourd’hui de colmater les brèches, mais le plan d’ensemble est plus nébuleux que jamais.

Cela dit, l’Impact ne joue pas de chance sur le plan du marketing. Le premier match à Montréal cette saison a été reporté au lendemain en raison d’une accumulation de neige sur le toit du Stade olympique. Cette histoire a généré beaucoup de commentaires durant la semaine précédente, au détriment de la rencontre. Difficile de créer un buzz dans ces circonstances.

Un mois plus tard, le premier rendez-vous au stade Saputo a été disputé par temps frais et sous la pluie. Pas vraiment une journée pour apprécier une rencontre à l’extérieur et attirer des clients de dernière minute. (La veille, le temps était radieux.)

Et ce soir, l’Impact recevra le FC Edmonton dans le match retour de la demi-finale du Championnat canadien. Au même moment, le Canadien affrontera les Bruins dans un duel décisif à Boston. Non, l’Impact n’est pas chanceux avec son calendrier.

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