Le Canadien

La longue ascension de Michael McCarron

London, Ontario

 — Un à un, les jeunes joueurs des Knights de London suivent le même rituel en se présentant devant la porte du vestiaire de cette glorieuse équipe junior.

Ils se dirigent vers l’étagère blanche près de l’entrée, se penchent pour délasser leurs chaussures puis les déposent délicatement dans un compartiment prévu à cet effet, avant de pénétrer dans la pièce en chaussettes.

On comprend les patrons de l’équipe, les frères Dale et Mark Hunter, de vouloir un vestiaire propre et sec, d’autant plus que ce matin, London est entièrement recouvert de sa première neige de l’automne.

Cette étagère blanche a accueilli au fil des ans les espadrilles des Rick Nash, Corey Perry, John Tavares, Patrick Kane, Nazem Kadri, Brandon Prust, Sam Gagner et plusieurs autres…

Tiens, voilà qu’arrive au bout du corridor le premier choix du Canadien au plus récent repêchage, Michael McCarron !

Le géant de 6 pi et 6 po se pointe avec un coéquipier, les deux s’approchent du vestiaire et… ignorent le panneau qui interdit les chaussures à l’intérieur.

« J’ai oublié de les enlever, mais heureusement, il n’y a pas d’amende prévue pour ça », lance en rigolant l’espoir du Canadien.

Une vitesse à apprivoiser

McCarron est affable, enjoué et chaleureux malgré son début de carrière pénible dans le hockey junior canadien.

Le jeune homme de 18 ans avait seulement 6 points, dont un maigre but, après 19 matchs, avant d’exploser avec 2 buts samedi dernier.

« C’est tellement rapide ici, confiait McCarron en toute candeur la semaine dernière, avant sa soirée de deux buts. C’est très différent de l’USHL, où je jouais l’an dernier. Ajoutez à cela le nombre de matchs par semaine, mes jambes n’arrivaient pas à suivre en début de saison quand on disputait deux matchs en autant de soirs… »

L’Américain disait lors de l’entrevue trouver graduellement ses repères.

« Je me sens de mieux en mieux. Je retrouve mes jambes et je sens depuis une semaine que j’appartiens à l’équipe. J’apprends encore à mieux me positionner pour compter des buts. Dans l’OHL, la majorité des buts sont marqués lors de contre-attaques à pleine vitesse alors que le jeu est plus statique dans l’USHL, on passe beaucoup de temps à récupérer des rondelles dans les coins de patinoire. »

« On travaille très fort pour que Michael améliore sa vitesse en zone neutre, mentionne son entraîneur Dale Hunter, qui a retrouvé les Knights après une courte expérience avec les Capitals de Washington. Le jeu de transition est devenu primordial au hockey et en début de saison, l’adversaire en repli défensif arrivait à le rattraper et à lui arracher la rondelle. »

Des entraînements rigoureux

Les entraînements des Knights sont axés essentiellement sur le jeu de transition. Ce jour-là, 80 % des exercices privilégiaient la construction des attaques et des contre-attaques, le rythme était endiablé et peu de joueurs pouvaient profiter d’une pause le long des bandes. On comprend l’essoufflement de McCarron en début de saison !

« On lui a aussi fait faire du temps supplémentaire, ajoute Hunter. On l’a fait patiner plus que les autres et il a passé beaucoup de temps en gymnase. On a fait la même chose avec Tinner [Jarred Tinordi] à ses débuts ici. Lui aussi était un peu dépassé par la vitesse du jeu. Il se faisait contourner parfois facilement. À la fin, il était probablement devenu notre meilleur défenseur.

« Michael McCarron a du talent, croyez-moi, poursuit Hunter. On doit simplement améliorer la vitesse à laquelle il fait ses jeux. Mais les joueurs costauds se développement plus lentement. Ils doivent “apprivoiser” leur gros gabarit. Il réussira à percer, car son éthique de travail est irréprochable. Il fait tout ce qu’on lui demande. Il deviendra un attaquant de puissance dans la LNH, un peu à la façon de David Clarkson ou Wayne Simmonds. »

Dale Hunter affirme que la volonté peut mener loin.

« Prusty [Brandon Prust] jouait dans un club junior B à 18 ans, j’étais allé le voir jouer et il semblait pas mal, mais il avait une telle confiance en ses moyens, il m’a regardé dans le blanc des yeux et m’a affirmé que si je lui donnais une seule chance de disputer un match, je ne pourrais plus jamais le retirer de ma formation, raconte Hunter. Il s’est battu, il a compté, puis il a été repêché dans la LNH cette année-là ! J’aime quand un jeune me dit ça ! »

Michael McCarron estime que ses statistiques actuelles ne reflètent pas son jeu.

« Les points ne sont pas importants pour moi. J’amène de l’énergie, je me positionne devant le but pour cacher la vue du gardien et je me bats pour défendre mes coéquipiers. »

Parlant de bagarres, McCarron avait fait réagir lors du repêchage en juin 2013 en affirmant qu’il se comparait à Milan Lucic et qu’il lui ferait sentir sa présence lors des matchs contre les Bruins.

« Je n’ai probablement pas dit les bonnes choses, avoue-t-il. Je n’aurais pas dû dire ça. Milan Lucic est dans cette ligue depuis longtemps, c’est un grand joueur et un athlète dont j’ai toujours voulu suivre la trace. Je me suis laissé prendre par toute la fébrilité du repêchage. »

Les matchs contre Boston viendront plus vite qu’on pense…

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