New Deal

La brasserie qui a visé dans le mille

Ils tripaient bière, mais ont fait leurs devoirs avant de plonger : les membres de l’équipe de la brasserie New Deal se sont bien entourés, ont fait leurs calculs et, surtout, ont visé un marché précis avec leur bière Boldwin. Résultat : six mois après son lancement, la microbrasserie double sa production. Explications, en cinq mots

Cible 

Dans ses communications, New Deal présente ses bières comme des bières de microbrasserie « accessibles ». 

Qu’est ce qu’on doit y comprendre ? 

« On ne fait pas de la bière de dégustation », explique Daleyne Guay, l’un des propriétaires, dans les bureaux de la jeune entreprise, à Boucherville. 

Il ne faut donc pas chercher dans les trois bières Boldwin des notes rares de ceci ou cela, essentielles aux connaisseurs. 

« Au Québec, les bières de microbrasseries occupent 8,9 % de parts de marché, depuis cinq ans, dit Daleyne Guay. Pourtant, il y a de plus en plus de microbrasseries. Donc, elles se mangent des parts de marchés entre elles. Les grands brasseurs, eux, perdent en moyenne 1 % de part de marché par année. Qui prend la place entre les deux ? Les bières importées ! » 

Dès la conception du projet, le groupe derrière New Deal a décidé de viser le marché des bières importées, Stella Artois ou Kilkenny, des bières de soif qui plaisent à un public précis, mais plus large. En s’attaquant à ce créneau en croissance, New Deal voulait séduire les buveurs québécois avec un produit local et bio, à un prix comparable à celui des bières venues de loin, et moins cher que celui des microbrasseries de spécialité.

Croissance 

Il semble que l’idée fonctionne bien : moins de six mois après la sortie de la première bière, New Deal double sa capacité de production. La microbrasserie va passer à 15 000 hectolitres par année. Une quarantaine de bars et restaurants offrent la bière en fût et certains détaillants peinent à mettre la main sur les canettes de Boldwin.

« En six mois, on est rendus dans 800 points de vente. »

— Daleyne Guay 

« Pour l’instant, on ne fait plus de développement d’affaires, on répond au téléphone ! », explique M. Guay, qui confie avoir déjà reçu deux offres d’achat, dont l’une avant même le lancement officiel de la brasserie en octobre 2016. Les installations actuelles vont permettre de quadrupler la production originale. 

La brasserie New Deal, dans son grand local de 18 000 pi2 d’un quartier mi-commercial mi-industriel, peut-elle se qualifier de microbrasserie ? 

« On est une micro ! répond sans hésiter Daleyne Guay. Pour être considérée comme une microbrasserie, il faut avoir 300 000 hectolitres et moins, par année. RJ et Boréale au Québec sont de grosses micros, avec une production annuelle d’autour de 100 000 hectolitres. »

Modèle 

New Deal compte 26 actionnaires. Il a fallu un investissement de 3,5 millions pour lancer l’entreprise, avec l’aide de la Banque de développement du Canada et d’Investissement Québec. Les dirigeants ont promis à tout ce beau monde la rentabilité dans les trois premières années. Michel Nadeau, ancien de la Caisse de dépôt et directeur de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publique est président du conseil de la microbrasserie. 

La bière est surtout vendue en canettes, le graphisme est signé Sid Lee. Il y a trois bières Boldwin pour l’instant : une blonde Pale Ale américaine, une rousse et une IPA américaine. Toutes trois sont non filtrées. Le groupe ajoutera certainement des bières de saison, à l’occasion. L’entreprise attire aussi une clientèle locale qui se rend directement à la brasserie, sur les heures de bureau, acheter sa bière en bouteilles d’un litre ou en growlers.

Bio 

New Deal se targue d’être la seule brasserie québécoise 100 % bio, les autres ne consacrant qu’une partie de leur production au bio. L’entreprise utilise une tonne d’orge québécois par jour, ce qui compte pour 90 % des ingrédients de leur bière. Pour le houblon, c’est plus compliqué. La culture de cette plante aromatique s’est multipliée au Québec : il y a désormais une quarantaine de houblonnières dans la province, pour le plus grand bonheur des brasseurs. Toutefois, les agriculteurs font peu de bio. « Tout notre houblon vient d’un seul producteur, de Franklin », précise Daleyne Guay, qui voudrait un jour acheter uniquement du houblon québécois. En attendant, New Deal achète la majorité de son houblon biologique, plus de 90 % de ses besoins, des États-Unis et de l’Ontario.

Durable 

Pour faire le mobilier des petits bureaux de la brasserie, les dirigeants ont récupéré une partie d’un poulailler et ont eux-mêmes fabriqué des meubles créatifs avec des portes et autres planches. Les chandails aux couleurs de la brasserie ont été faits dans le petit village Lac-Drolet, dans les Cantons-de-l’Est chez Attraction dont la ligne Ethica est faite de coton bio. « Chaque fois qu’on prend une décision, on se demande si c’est en accord avec les valeurs de l’entreprise, précise Daleyne Guay. Nos fûts pour les restaurants et les bars sont importés de Belgique, poursuit-il, et sont 100 % recyclés. »

Que devient la drêche ? 

La bière, si l’on veut, est une infusion de céréales. Ce que l’on boit, c’est l’eau devenue par la magie du brasseur alcool. Les brasseurs doivent se débarrasser de ce qui reste, la drêche – les matières premières imbibées d’eau. Plusieurs les donnent à des agriculteurs qui nourrissent leurs animaux avec ces résidus riches en nutriments et… sans alcool ! New Deal donne ses résidus à trois petites entreprises qui les transforment en…

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