Oyana d’Éric Plamondon

La débâcle

Pour la première fois, Éric Plamondon s’aventure au-delà des terres américaines avec son cinquième roman, Oyana. Ce faisant, il trace l’aller-retour d’un exil physique et identitaire, dans une écriture épistolaire fragmentée dictée par l’urgence.

Le 3 mai 2018, l’ETA annonce sa dissolution. La fin de l’organisation armée basque indépendantiste amorce pour le personnage d’Oyana, qui vit à Montréal depuis 23 ans, un basculement vertigineux où elle se retrouve confrontée à la (fausse) identité qu’elle s’est forgée dans sa terre d’adoption et à l’urgence impérative du retour.

Dans ce cinquième roman, Éric Plamondon prend à nouveau comme porte d’entrée l’histoire avec un grand H pour mieux plonger au cœur d’un récit intimiste, ici celui d’Oyana qui, forcée de fuir son Pays basque natal, se réinvente une vie à Montréal avec son mari, Xavier.

« Ce qui m’intéressait, c’est le basculement. Ce que c’est de vivre avec le secret, le non-dit, et ce que cela provoque de commencer à le dire du jour au lendemain. »

— Éric Plamondon

« Pour moi, Oyana, c’est un barrage avec une petite fissure où perlent des gouttes d’eau où tout à coup tout éclate, et c’est la débâcle », résume l’auteur, joint au téléphone à Bordeaux, sa ville d’adoption depuis 23 ans.

Écrire l’urgence

Le projet de ce roman, explique l’auteur, est né lors de ses premières vacances dans les Pays basques. « À l’époque, j’étais en rédaction de maîtrise et je travaillais sur Moby Dick. J’arrive au Pays basque, et il y avait des baleines partout. C’était en 1996, un an après le référendum, il y avait là l’ETA, qui parlait d’indépendance… Bref, il y avait plein de liens et de fils qui se tissaient. »

Au gré des étés qu’il passe dans la région, il fomente le projet d’écrire un roman qui s’y déroulerait. « Je savais que je voulais faire des liens avec le Québec, mais sans savoir quelle forme ça prendrait. Et comme tous les projets qui mûrissent trop longtemps, à un moment donné, je ne savais plus comment j’allais m’en sortir avec cette histoire-là ! », relate-t-il.

La planche de salut est venue de Quidam éditeur, qui l’a convaincu de pondre un nouveau texte rapidement après la publication en 2018 de Taqawan. Et un peu à l’image de son premier roman Hongrie-Hollywood Express, qu’il a réussi à écrire en se fixant comme date butoir son 40e anniversaire, c’est grâce à cette urgence imposée qu’Oyana a finalement pris vie.

De cette urgence est née la forme épistolaire, alors que le roman se déploie par l’entremise d’une longue lettre fragmentée qu’Oyana écrit à son mari pour tenter de s’expliquer et, par le fait même, de mieux se comprendre.

« Une lettre, ça s’écrit vite, et je me suis retrouvé moi-même dans cette urgence qui correspondait vraiment à celle d’Oyana. »

— Éric Plamondon

Si ce dernier a désiré écrire un roman épistolaire, la forme fragmentée à laquelle le lecteur a été habitué dans ses précédents ouvrages a fini par ressurgir, presque malgré lui. Aux missives d’Oyana se mêlent donc récits à la troisième personne et extraits de documents historiques comme des « explosions de morceaux de réel », une façon d’offrir d’autres points de vue, autant sur le personnage que sur l’histoire.

Baleine, totem révélateur

La baleine qui orne la page couverture s’inscrit en filigrane dans le récit, totem porteur de ce rêve échoué de la jeune Oyana de suivre la route des baleines, et symbole de son retour initiatique vers sa terre natale. « C’est la force de cette image, de ce totem dont le nom en anglais – whale – évoque le wall, ce mur qu’il faut dépasser pour aller au-delà des apparences et voir ce qui se cache derrière. »

Difficile de ne pas voir un parallèle entre l’exil forcé d’Oyana de Bordeaux à Montréal et celui, tout à fait volontaire certes, de Plamondon, en chemin inverse. « Entièrement, acquiesce-t-il. C’est moi, mes questions, et cela nourrit totalement mon personnage. »

S’il a parcouru l’Amérique du loin de son Europe d’adoption dans ses précédents romans, il foule fictivement pour la première fois le sol européen avec Oyana… Non sans d’abord camper le récit dans le territoire québécois.

« Je voulais faire un roman qui se passait en France, mais dans mes premiers jets d’écriture, à la 25e page, Oyana prenait l’avion et atterrissait à Montréal ! C’était juste plus fort que moi ! J’ai donc tout viré de bord, en débutant l’histoire au Québec, puisque, de toute façon, j’y reviens tout le temps », conclut-il en riant.

Oyana

Éric Plamondon

Quidam éditeur

152 pages

En librairie

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