PORTFOLIO NOUVEAU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Ce qu’il faut savoir sur la réforme

Séparation, petites créances, conflit entre copropriétaires… La réforme du Code de procédure civile touche non seulement tous les acteurs du système de justice, mais également les citoyens. Trois experts expliquent les tenants et les aboutissants de cet important changement.

LES AVOCATS DEVRONT RÉSOUDRE LES CONFLITS

La réforme est d’abord un changement de culture, selon Claudia P. Prémont, bâtonnière du Québec. « Avant de se présenter devant un juge, on devra démontrer qu’on a considéré les autres modes de résolution de conflits. Je crois que les citoyens veulent tout faire pour éviter de se retrouver au tribunal », explique-t-elle.

Me Prémont souligne que plusieurs avocats envisagent déjà les modes de règlement « alternatifs ». « Je faisais du droit de la famille dans ma pratique. À la première entrevue, on parle de droit collaboratif, de médiation, etc. Avec le nouveau Code de procédure civile (nouveau Code), on devra néanmoins ancrer cela de façon plus importante, parce que ce sera vérifié. »

La nouvelle règle de la proportionnalité est aussi cruciale. « Si on se retrouve avec un dossier dont la valeur est de 80 000 $, prendre trois experts qui en coûteront autant n’a pas de bon sens. La procédure doit être proportionnelle au montant en litige », illustre Me Prémont.

Le Code de procédure civile ne change pas les droits, mais plutôt la façon de faire pour arriver au procès. « C’est un peu le livre de recettes pour tous les domaines du droit civil. On se prépare à devenir maîtres en solutions depuis un bon moment. Ça ne veut pas dire que tout le monde est sur un pied d’égalité ; l’humain est souvent réfractaire au changement. Mais on pense vraiment que les nouvelles façons de faire sont bonnes pour la justice. »

Le Barreau a d’ailleurs tenu des formations avant l’entrée en vigueur du nouveau Code, et modifié son Code de déontologie en avril dernier. L’article 42 dit que tout au cours du mandat, l’avocat informe et conseille le client sur l’ensemble des moyens disponibles pour régler son différend.

UN PLUS GRAND RÔLE POUR LES NOTAIRES

La plus grande modification au Code ? L’esprit de collaboration et d’entente qui remplace celui d’affrontement, selon Gérard Guay, président de la Chambre des notaires du Québec. « Le nouveau Code veut amener une nouvelle culture, amener les gens à régler leurs dossiers par eux-mêmes sans l’intervention du tribunal. D’ailleurs, à l’article 1, on précise que le juge doit demander aux gens s’ils n’ont pas tenté de régler leur conflit différemment. C’est un changement de culture important. »

Il ajoute que le ministère de la Justice, tout comme la Chambre des notaires, veut faciliter l’accès à la justice. « Ça se concrétise, concernant les procès, en limitant les interrogatoires pour empêcher les avocats d’aller à la pêche. Le nombre d’experts sera aussi limité. Bref, divers moyens seront mis en œuvre pour simplifier les choses et s’assurer que le citoyen soit protégé et que ce soit moins coûteux pour lui, parce qu’on sait qu’une procédure judiciaire peut être très dispendieuse. »

Les notaires pourront ainsi remplir plus facilement leur rôle de conseiller juridique. « Le nouveau Code se base sur les règlements de différends à l’amiable, et c’est dans l’ADN des notaires. Notre rôle est de nous assurer que les parties en viennent à une entente, généralement par écrit. Pour nous, ce changement de vision aura un impact sur notre pratique. Il rehaussera notre travail. On aura sûrement un plus grand rôle à jouer, parce que nous sommes les juristes de l’entente et que le nouvel esprit est très compatible avec le nôtre. Le nouveau Code est un grand pas en avant. »

Tous les notaires du Québec ont dû suivre une formation obligatoire de six heures, afin de bien comprendre toutes les règles. Ils étaient donc prêts le 1er janvier.

LES MÉDIATEURS EN RENFORT

L’Institut de médiation et d’arbitrage du Québec (IMAQ) regroupe plus de 300 membres issus de 18 ordres professionnels. « Le caractère multidisciplinaire est fondamental dans cette réforme, puisque les différends existent dans tous les secteurs, de l’environnement aux assurances, jusqu’à la propriété intellectuelle. Le message essentiel envoyé par le législateur, c’est que le citoyen peut s’impliquer et s’intégrer dans le processus », estime Pierre Grenier, président de l’IMAQ.

Les médiateurs et les arbitres s’attendent à ce qu’on recoure à leurs services plus souvent. « Plusieurs secteurs utilisent les services d’un médiateur ou d’un arbitre en amont. Je crois qu’il y aura néanmoins une augmentation de leurs interventions, plus d’appels pour ces professionnels qui peuvent aider le citoyen à régler un différend. »

Pierre Grenier souligne que les membres de l’IMAQ seront de bons ambassadeurs de la nouvelle culture. « Ils obtiennent déjà de bons résultats avec leurs interventions, mais c’est par des exemples concrets que cette nouvelle culture va se généraliser. »

Certains secteurs sont d’ailleurs plus avancés que d’autres dans la compréhension des différents modes de règlements à l’amiable, selon Pierre Grenier. « La loi touche tout le monde, mais il y a du travail à faire pour expliquer les différentes façons de faire et leurs avantages. Une partie importante de la population ne sait pas ce qui est différent ou ce que ça donne de plus. Lorsqu’une personne a un problème, son réflexe est d’aller voir son comptable, son avocat ou son notaire, et on l’amène souvent dans un processus judiciarisé. Le nouveau système créera une autre voie, déjà bien connue dans le domaine familial où on règle bien des conflits par la médiation. »

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