Opinion / Mode de scrutin

MODE DE SCRUTIN Il est temps de faire preuve d’audace

Ce n’est pas d’hier qu’au Québec le changement de mode de scrutin fait l’objet de discussions. Déjà au début du siècle dernier, il en était question. Il faut rappeler qu’à trois reprises, en 1944, en 1966 et en 1998, ce n’est pas le parti qui a obtenu le plus de votes qui a pris le pouvoir. À partir des années 70, le sujet est devenu une préoccupation de l’Assemblée nationale. 

Différentes commissions et comités ont été chargés d’étudier la question et de soumettre des recommandations. En 1983, la Commission de la représentation électorale a même recommandé un système de représentation proportionnelle régionale qui n’a pas eu de suite, faute de consensus. 

Dans les années 2000, il y a eu un important regain d’intérêt pour la question. En 2001, on assiste à la création du Mouvement pour une démocratie nouvelle qui veut susciter un débat public sur le mode de scrutin. La même année, la Commission des institutions de l’Assemblée nationale se donne un mandat d’initiative sur la réforme du mode de scrutin. En 2002, un comité directeur est chargé de tenir des États généraux prévoyant notamment une vaste consultation publique sur le sujet et recommande en 2003 un mode de scrutin de représentation proportionnelle régionale. En 2004, un avant-projet de loi prévoyant un tel système fait l’objet d’une vaste consultation sous l’égide d’une commission spéciale de l’Assemblée nationale qui recommande d’introduire des éléments de proportionnelle dans le système électoral. En 2006, le gouvernement demande au Directeur général des élections (DGEQ) d’examiner différents scénarios de mode de scrutins proportionnels mixtes. Celui-ci exécute le mandat en produisant un rapport substantiel en 2007.

Ce n’est qu’en 2017 que le sujet refait surface sur la place publique et suscite un intérêt marqué grâce à l’initiative du Mouvement pour une démocratie nouvelle. Une démarche transpartisane est menée par cette organisation pour dégager les principes d’un mode de scrutin qui ferait consensus.

En 2018, les chefs des principaux partis d’opposition (PQ, CAQ, QS, PVQ) s’engagent à déposer un projet de loi réformant le mode de scrutin au plus tard le 1er octobre 2019, s’ils font élire la majorité des députés lors de l’élection du 1er octobre 2018.

Le modèle qui fait consensus s’inspire largement de l’une des hypothèses contenues dans le rapport de 2007 du DGEQ. Il consiste à prévoir 77 circonscriptions dont le député serait élu selon le système uninominal à un tour comme c’est le cas actuellement et de 50 députés répartis dans huit régions regroupant un certain nombre de circonscriptions. Les députés régionaux seraient attribués dans les différentes régions en fonction des résultats obtenus par chaque parti au niveau national. Chaque parti devrait donc établir une liste de candidatures dans chacune des régions.

Le système actuel n’est pas stable. L’histoire nous a démontré qu’une faible variation dans le taux d’appui de différents partis peut faire basculer dramatiquement la distribution des sièges. Un modèle avec composantes proportionnelles permet d’assurer une représentation qui respecte davantage le choix des électeurs et électrices. Les régions seraient alors mieux représentées, considérant que les députés régionaux pourraient être rattachés à des partis différents, ce qui favoriserait la concertation régionale pour promouvoir des projets qui ne seraient pas seulement ceux du parti au pouvoir. Les citoyens et les citoyennes de chaque région auraient donc accès à ces députés régionaux en plus des députés de circonscription pour faire valoir leurs préoccupations.

Il faut rappeler que 85 % des pays industrialisés ont un mode de scrutin proportionnel. Citons notamment la Nouvelle-Zélande, l’Écosse, le pays de Galles et le Mexique qui sont des États qui possèdent un système mixte compensatoire semblable à celui proposé. Et pourtant, ils ne sont pas plus souvent en élections que les États qui ont un système uninominal à un tour. Bien sûr, il faut parfois former des gouvernements de coalition, ce qui oblige aux compromis, mais ce n’est pas au détriment des citoyens et citoyennes qui, bien au contraire, peuvent voir des points de vue qui les préoccupent être davantage défendus.

Le Québec a su dans le passé être avant-gardiste en matière d’institutions démocratiques. La population est largement favorable à un changement de mode de scrutin qui permettrait que la grande majorité des votes soit reflétée dans la composition de l’Assemblée nationale. Considérant les nombreuses discussions et consultations sur le sujet, nous croyons que le temps est venu de faire preuve d’audace en nous dotant d’un système électoral qui va permettre aux électeurs et électrices de croire enfin que leur vote compte et que ça vaut donc la peine d’aller voter.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.