Finances personnelles

Ce que l’union libre enchaîne…

Solidaires aujourd’hui, mais insoucieux du lendemain : une recherche démontre les contradictions financières des conjoints en union libre.

Les conjoints en union libre méconnaissent souvent les conséquences de leurs habitudes de gestion et agissent de façon incohérente. À leur détriment.

« Les conjoints sont solidaires au présent, dans leur mode de gestion, mais très peu à long terme », observe Hélène Belleau, professeure à INRS Urbanisation Culture Société.

C’est un des constats du rapport de recherche qu’elle signe avec Carmen Lavallée, professeure titulaire à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke et Annabelle Seery, doctorante en sociologie à l’Université de Montréal.

L’enquête, réalisée auprès de 3250 répondants âgés de 25 à 50 ans et vivant en couple, « visait à cerner, pour la première fois au Québec, les arrangements financiers et juridiques des conjoints mariés ou en union libre », indique le document.

Publiée en juin, la première partie de la recherche relève que près de la moitié des conjoints en union libre ne connaissent pas les règles de droit qui les touchent.

Solidaires pour le présent

Lorsqu’on combine les conjoints qui mettent leurs revenus en commun et ceux qui paient les dépenses au prorata de leurs revenus respectifs, 68 % des couples en union de fait et 84 % des couples mariés compensent d’une manière ou d’une autre les inégalités de revenus pour les dépenses du ménage.

La retraite en solo

« Il y a une solidarité au présent, mais à plus long terme, seulement le quart des gens planifient la retraite en commun », commente Hélène Belleau. Alors que près de 70 % des couples en union libre partagent équitablement les dépenses, l’épargne pour la retraite est largement individuelle. « Le problème avec la gestion de l’épargne séparée, on le voit quand les gens arrivent à la retraite. C’est alors que les gens réalisent que la maternité, particulièrement, a coûté très cher aux femmes : le fait de ralentir, de travailler à temps partiel, pèse lourdement en fin de compte. » Or, les conjoints en union libre ne sont pas contraints au partage du patrimoine familial, qui inclut l’épargne de retraite.

Heureusement propriétaires

Un peu plus de conjoints mariés (77 %) que de conjoints en union libre (69 %) sont propriétaires de leur logement. « Parmi les couples en union libre qui ont une maison, 70 % sont copropriétaires, constate Hélène Belleau. C’est plutôt une bonne nouvelle. La maison est pour beaucoup de gens un des éléments les plus importants de leur patrimoine. Ils ne gèrent pas la retraite ensemble, chacun met des sous de côté, mais par contre, il y a la maison qui est à deux. » La proportion de copropriétaires chez les conjoints de fait est cependant moins élevée que chez les conjoints mariés.

Les deux ont-ils contribué à la mise de fonds ?

Chez les conjoints en union libre qui sont copropriétaires, les deux conjoints ont contribué à la mise de fonds dans 51 % des cas. Cette proportion s’établit à 63 % chez les conjoints mariés. Or, à peine 25 % de ces couples ont signé un document qui précisait l’apport de chacun. La résidence principale fait partie du patrimoine familial, mais les conjoints de fait n’y sont pas assujettis.

Ils ont souvent un testament

Nettement plus de conjoints mariés que de conjoints de fait ont rédigé un testament – 46 % contre 35 %. « Mais quand les couples en union libre ont 10 ans de vie commune, autant de couples mariés que de couples en union libre ont fait leur testament, souligne Hélène Belleau. Après 16 ans de vie commune, il y a même plus de couples en union libre qui ont pensé faire leur testament que de couples mariés. La durée fait une différence. » C’est la démonstration que « les gens sont capables de se projeter à long terme pour un testament, mais pas nécessairement au niveau des placements pour la retraite », ajoute-t-elle.

Droits et devoirs mal définis

Chez les conjoints de fait, une proportion minime – moins de 8 % – a rédigé un contrat de vie commune, qui leur permettrait d’établir leurs droits et responsabilités respectifs en cas de rupture. Ici aussi, la durée de la vie commune exerce une influence à la hausse. « En regard des stratégies individuelles d’épargne de la majorité des conjoints de fait, on peut penser que les conséquences d’une éventuelle rupture seront à long terme nettement plus dommageables pour les conjoints de fait que pour les conjoints mariés », conclut le rapport. Ce sera particulièrement le cas pour les mères qui consacrent davantage de temps à la famille que leur conjoint. « Le fait d’épargner à long terme de manière indépendante pénalise alors les mères », explique Hélène Belleau.

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