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Triste fin pour un succès minier québécois

C’était une belle histoire à succès, si rare au Québec. Une petite entreprise d’exploration minière de l’Abitibi qui tombe sur le bon filon et qui réussit à en faire une mine en s’associant à Glencore Xstrata. Et elle vient de tout perdre au moment où elle aurait pu commencer à rentabiliser son investissement.

Donner Metals a abandonné la partie au début du mois et rendu sa part de 35 % dans la mine de zinc Bracemac-McLeod, à Matagami, qu’elle avait découverte en 2006.

« C’est triste. Ç’a été une décision extrêmement pénible pour la société », a commenté son président et directeur financier, Normand Champigny, lors d’un entretien avec La Presse Affaires.

Donner n’avait plus les fonds nécessaires pour payer sa part des dépenses de la mine, a-t-il expliqué. En juillet, l’entreprise a raté le premier des versements mensuels qu’elle s’était engagée à faire, soit 4,3 millions. Quelques semaines plus tard, elle a fini par se résoudre à abandonner sa participation dans la mine, après y avoir investi 60 millions, pour se conformer aux ententes qui la liaient à ses partenaires.

Normand Champigny affirme avoir frappé à toutes les portes pour obtenir le financement qui lui manquait. « On a fait un énorme effort », assure-t-il.

Personne n’a répondu à cet ultime appel de Donner. Ni le Fonds de solidarité, ni la Caisse de dépôt et placement, ni Investissement Québec, qui ont tour à tour été sollicités, n’ont voulu remettre la main dans leur poche, au risque de perdre leur mise.

Les pertes sont lourdes. Pour les actionnaires surtout, qui ont financé les travaux d’exploration et soutenu Donner jusqu’à l’ouverture de la mine, en mai dernier : 60 millions y ont passé.

L’action de Donner ne vaut plus qu’un demi-cent, depuis qu’elle a perdu sa raison d’être. La Caisse de dépôt avait 10 millions d’actions au 31 décembre dernier, qu’elle évaluait à 1,7 million. Investissement Québec avait consenti un prêt de 5 millions en mars dernier.

Excès d’optimisme ?

Donner Metals a tout perdu, mais la mine, construite selon le budget et l’échéancier prévus, poursuit ses activités sous la houlette du géant Glencore. Comment expliquer qu’un projet minier aussi réussi ait pu se terminer aussi abruptement pour Donner ?

Son président ne blâme ni Glencore, ni aucun de ses partenaires. « C’est un concours de circonstances », explique-t-il.

La production de la mine au début de ses activités a été inférieure aux attentes, selon lui. La teneur en zinc était aussi plus basse que prévu. Et le prix du métal a baissé, passant de près de 1,00 $ la livre au début de l’année à 86 cents. Ç’a été fatal pour Donner, qui n’avait ni la taille, ni la capacité d’emprunt de Glencore pour attendre des jours meilleurs.

Normand Champigny ne blâme personne, mais il reconnaît que son entreprise a peut-être péché par excès d’optimisme. « On aurait pu être plus conservateur sur le prix des métaux et sur la performance de la mine », précise-t-il.

Le directeur général de Sidex, Michel Champagne, croit pour sa part que Donner avait un peu trop « étiré la structure de son capital ». Elle avait amputé ses revenus futurs, explique le dirigeant de la coentreprise du gouvernement du Québec et du Fonds de solidarité formée pour encourager l’exploration minière au Québec.

De fait, à la fin de son dernier exercice financier, en février 2013, Donner Metals affichait une perte de 5,2 millions et un déficit accumulé de 37,7 millions.

Sidex connaît bien Donner, pour l’avoir soutenue financièrement avant même la découverte qui allait mener à la mine Bracemac-McLeod. Son mandat ne lui permet pas d’investir dans des projets une fois qu’ils sont rendus au stade commercial. Elle passe alors le flambeau à d’autres, comme le Fonds de solidarité ou la Caisse de dépôt.

Sidex perdra un peu d’argent dans la déconfiture de Donner, mais pas beaucoup, a indiqué Michel Champagne. « C’est dommage pour les actionnaires, mais la mine reste, et le Québec continue de profiter de ses activités », souligne-t-il.

Donner Metals existe toujours et voudrait repartir à zéro avec les propriétés minières qu’il lui reste. « On verra ce qu’ils nous proposent », indique le directeur général de Sidex, qui s’attend à ce que la direction de l’entreprise refrappe à sa porte sous peu.

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