Opinion : Éducation

Le Lab-école : faible risque, potentiel élevé

Le budget provincial prévoit 1,5 million de dollars pour que Ricardo, Thibault et Lavoie conçoivent un projet de Lab-école. J’ai pris trois profondes respirations et autant de pas de recul, le temps que la vision se substitue à la vue ; le temps de conclure que le pari du ministre est à faible risque et à haut potentiel.

Faible risque économique. En effet, le projet de Lab-école représente environ 0,28 % des prévisions budgétaires de l’année 2018-2019 (1,5/531 millions investis). Donc, même reconduit quelques années et dans le cas d’un cuisant échec, l’expérience en vaudrait le coût et le coup. Certes, il faut également prévoir que des millions pourraient être injectés pour la réalisation des écoles-pilotes issues du projet. Nous n’y sommes pas encore.

Faible risque humain. Essentiellement, on propose de penser l’école comme un milieu de vie où règne le mieux-être et le bien-être des élèves à un âge tendre alors que leurs cerveaux sont de véritables éponges. Toute notre vie durant, nous faisons appel à ce que nous avons appris et ressenti dans l'enfance. Peut-on nuire à quelqu’un avec ce projet ?

Les syndicats s’inquiètent du fait que ces ressources ne sont pas mises à la disposition des élèves en difficulté.

On parle de moins de 1 % du budget qui va bénéficier à 100 % des élèves qui jouiront de ces écoles et, éventuellement, à la majorité des élèves québécois.

On peut espérer qu’à long terme on amorce un virage dans l’ensemble du système scolaire : des cafétérias où le menu est sain et conçu à partir des ressources locales, des écoles où l’activité physique imprègne le cursus, des écoles-milieux de vie pour les citoyens du quartier, des écoles accueillantes qui ne s’apparentent pas à des bunkers soviétiques une mauvaise année de plan quinquennal. Bref, des écoles auxquelles les élèves et la collectivité auront le goût de s’identifier.

Ces mêmes syndicats s’indignent du mépris du ministre Proulx pour l’expertise des enseignants. Le rôle de l’enseignant est de transmettre des connaissances, des savoir-être et d’accompagner l’élève dans son développement. En quoi le projet proposé par Ricardo, Pierre Thibault et Pierre Lavoie s’ingère-t-il dans la mission enseignante ? Est-ce que la formation initiale des enseignants les prépare à concevoir des milieux physiques et humains ? À faire des partenariats économiques ? La levée du drapeau était-elle pour les syndicats une manière de s’assurer que les enseignants auront une voix au chapitre « Lab-école » de l’histoire de l’éducation ? Cette susceptibilité toute légitime est moins opportune. Délaissons la vue à court terme pour la vision à long terme.

Ne tuons pas les messagers

Si la renommée de Larrivée, Thibault et Lavoie ouvre les oreilles des citoyens et des différents acteurs du milieu (au sens large) de l’éducation, ne tuons pas les messagers ! Si Ricardo – le chef et l’homme d’affaires – parvient à sensibiliser les propriétaires des concessions privées pour que les jeunes mangent des aliments locaux, toute la société en tirera profit : les agriculteurs, les élèves, les parents… on peut même extrapoler que la santé globale sera améliorée dans les années à venir.

Au-delà des faibles risques collectifs, le projet de Lab-école en est un à haut potentiel. Que ce projet de mieux-être soit porté par des personnalités publiques n’enlève rien à sa valeur intrinsèque. Ceux qui risquent le plus dans cette aventure, ce sont justement ces personnalités qui font le pari de s’engager dans le service public : beaucoup de travail et forte probabilité d’y perdre des plumes.

Osons d’abord, nous doserons ensuite. Au besoin.

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