Idées d’ailleurs

Interdire les achats immobiliers aux étrangers

Les étrangers au pouvoir d’achat supérieur peuvent faire pression sur les prix de l’immobilier et, par conséquent, exclure les locaux de la propriété. À la mi-août, la Nouvelle-Zélande a choisi d’interdire à presque tous les étrangers l’achat de résidences pour contrer ce problème.

Le problème

Des citoyens peinent à acheter une propriété en raison de la spéculation dans les quartiers convoités.

Une solution

En Nouvelle-Zélande, le Parlement a voté l’interdiction d’achats immobiliers à presque tous les étrangers.

La Nouvelle-Zélande a voté à la mi-août une loi pour interdire l’achat de résidences à presque tous les étrangers qui n’ont pas le statut de résident. Une nouvelle législation adoptée par le Parlement néo-zélandais à 63 votes pour, 57 contre. Il s’agissait d’une promesse électorale faite par la première ministre travailliste Jacinda Ardern. L’objectif ? Limiter la spéculation, endiguer la hausse des prix et rendre le logement plus accessible pour la population locale.

« Au cours du dernier trimestre, 20 % des maisons vendues dans le centre d’Auckland ont été achetées par des étrangers et 10 % des logements dans l’ensemble du Conseil du district de Queenstown Lakes ont été vendues à des acheteurs étrangers – deux de nos marchés immobiliers le plus chers de Nouvelle-Zélande. Et ce n’est pas une coïncidence, ces questions sont liées. Il peut y avoir un débat sur l’importance de l’effet sur les prix ; il ne fait aucun doute qu’il y a un effet », plaidait devant le Parlement David Parker, ministre du Commerce et de la Croissance des exportations.

Pour lui, cette flambée des prix contribue à la baisse du taux de propriété des Néo-Zélandais et irait de pair avec une hausse des inégalités. En 2013, l’accession à la propriété était tombée à 64,8 % des ménages, au plus bas depuis les années 50. En comparaison, le pic d’accès à la propriété a été atteint en 1991, alors que 73,8 % des ménages possédaient leur logement. Ainsi, David Parker disait vouloir retourner à « un marché façonné par les acheteurs néo-zélandais, et non par les pressions internationales sur les prix ».

La mesure comporte cependant quelques exceptions. Les étrangers qui ont le statut de résident pourront continuer d’acheter. Idem pour les Australiens et les Singapouriens, en vertu d’accords de libre-échange. Enfin, si les non-résidents étrangers ne pourront plus acheter de résidences existantes, ils pourront cependant investir dans de grands projets immobiliers qui vont sortir de terre.

Et ailleurs ?

Michael Müller, le maire de Berlin, a expliqué fin août au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung qu’il envisageait de faire la même chose dans la capitale allemande. La Nouvelle-Zélande n’est pas le seul territoire où l’accès à la propriété des étrangers est restreint. Certains pays veulent enrayer l’inflation du secteur immobilier, mais aussi lutter contre l’urbanisation et l’augmentation du nombre de logements vacants. En Suisse, par exemple, les conditions d’achat d’une résidence secondaire par les étrangers non résidents sont contraignantes : lorsqu’ils se portent acquéreurs, certains doivent obtenir une autorisation. En outre, les communes ayant dépassé le quota de 20 % de résidences secondaires ne peuvent en autoriser de nouvelles. Enfin, seules 1500 résidences secondaires peuvent être attribuées chaque année à des non-résidents dans le pays.

À Singapour et Hong Kong, les ressortissants étrangers doivent payer des taxes supplémentaires. De même à Vancouver et Toronto, où des taxes de 15 % ont été mises en place pour les ressortissants étrangers non résidents du Canada.

L’avis de l’expert

Joanie Fontaine, économiste à JLR Solutions Foncières

Au Québec, cette idée devrait être… rejetée

Le ministère des Finances a fait appel à cette entreprise québécoise spécialisée dans la compilation de données immobilières. Le but : avoir des informations sur les achats immobiliers réalisés par les étrangers non résidents.

« Au Québec, le taux d’achats réalisés par des étrangers est très faible. Sur les sept premiers mois de 2018, seuls 1 % des achats immobiliers ont été réalisés par des acheteurs domiciliés à l’étranger. L’idée d’interdire les achats faits par des étrangers comme en Nouvelle-Zélande est donc, je pense, à rejeter.

« En revanche, on remarque une concentration de ces achats. Dans la Région métropolitaine de Montréal, ce taux monte à 1,4 %. Sur l’île de Montréal, à 3,5 %. Et dans l’arrondissement de Ville-Marie, à 11,7 %. Ce dernier chiffre est assez important et il est en croissance. En comparaison, pour les mêmes sept premiers mois de 2016, 6,4 % des achats réalisés dans cet arrondissement étaient faits par des étrangers.

« Pour le moment, les hausses de prix de l’immobilier à Montréal sont assez modérées et il ne semble pas y avoir une montée des achats spéculatifs comme il y a pu y en avoir à Toronto ou Vancouver. Cependant, à Montréal, on remarque une progression marquée du nombre d’acheteurs chinois, ces dernières années. Il faut voir dans quelle mesure ces achats ont des impacts positifs et négatifs. Est-ce que cela stimule la construction ? Est-ce que cela exclut des gens du marché ? Il ne faut pas oublier que les Québécois aussi peuvent faire des achats spéculatifs et que les achats faits par des étrangers n’ont pas que des conséquences négatives. Ils paient des taxes, dépensent quand ils sont sur place. C’est à surveiller. J’étudierai l’idée de mettre en place une taxe dans le Grand Montréal comme à Toronto et Vancouver. »

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