Design

La vie après la mode

Luc Laroche aurait-il autant de vies qu’un chat ? Après avoir lancé sa propre société de vêtements, puis travaillé successivement pour Le Château, la marque Mango et le géant américain Tommy Hilfiger, le voici de retour à Montréal, où il relève un tout autre défi : la création d'un nouveau restaurant, de toute pièce.

Les rénovations : on sait quand ça commence, mais jamais quand ça finit. Encore plus vrai lorsqu’il s’agit de restaurer un bâtiment historique en plein cœur de Griffintown. La rencontre avec l’ancien designer Luc Laroche devait se dérouler dans le tout nouveau restaurant Richmond, qui ouvrira ses portes à la fin du mois d'octobre. Petit pépin : ce jour-là, plusieurs travailleurs s’affairaient toujours à nettoyer les murs de briques au jet de sable, pour leur redonner leur teinte d’origine.

Nous quittons donc le local bruyant et poussiéreux pour arpenter la rue Notre-Dame, à la recherche d’un café où s’arrêter. Une discussion à bâtons rompus s’amorce avec celui qui s’est d’abord fait connaître au Québec en tant que designer de mode. D’un coin de rue à l’autre, Luc Laroche nous présente le quartier où il a décidé de se poser pour vivre sa nouvelle vie de restaurateur : Griffintown.

« C’est excitant, l’impression de participer à l’évolution d’un quartier », lance l’homme d’affaires en montrant du doigt les terrains vagues qui accueilleront bientôt de nouveaux condos et apporteront, croit-il, du dynamisme au secteur. D’ailleurs, à un jet de pierre du Richmond, situé à la pointe de Griffintown, se dresse Le William, dont les premiers condos ont été livrés l’été dernier. Sans compter L’Arsenal, qui accueille la Semaine de Mode de Montréal. Des clients potentiels? Si le Richmond réussit son pari, oui.

Retour au pays natal

Luc Laroche n’a pas chômé au cours des dernières années. Après avoir mené avec succès pendant 14 ans sa marque Lük by Luc La Roche, spécialisée dans la confection et le design de sous-vêtements pour hommes, il quitte l’entreprise et travaille successivement pour trois grandes marques.

D’abord, au Canada, où il sera directeur créatif pour Château Lingerie, puis pour Mango, où il occupera successivement les postes de directeur des communications pour l’Amérique du Nord et de directeur des opérations pour le Canada, ce qui l’amènera à voyager fréquemment entre l’Espagne et l’Amérique. Il s’envolera ensuite pour New York, où il sera pendant deux ans vice-président des opérations au détail pour l’Amérique du Nord pour la chaîne Tommy Hilfiger.

Un parcours impressionnant qui a amené l’homme non seulement à sortir de l’univers de création pour devenir extrêmement ferré en finances, en développement des affaires et en commerce de détail, mais aussi à voyager énormément… et à essayer une panoplie d’hôtels et de restaurants.

De retour à Montréal, la suite se trouvait là où il ne l’attendait pas : au restaurant Misto. Le propriétaire, son ami d’enfance Paul Soucie, se cherche alors un nouvel associé et Luc Laroche décide de se joindre à l’aventure, en 2011. Quelques mois d’adaptation plus tard, un nouveau projet prenait déjà forme : le Richmond, qui sera consacré à la cuisine de l’Italie du Nord. Si M. Soucie s’occupe de la cuisine, Luc Laroche prend sous son aile la conception du design intérieur.

Un passage qui semble tout naturel pour celui qui s’inspirait déjà de l’architecture lorsqu’il était designer : « Lorsque je suis passé du côté du commerce de détail avec Mango, je travaillais beaucoup avec le département d’architecture pour les rénovations et les ouvertures de nouveaux magasins, entre autres. Cela m’a amené à comprendre comment les gens se déplacent dans l’espace, quelle table va vendre le plus… Cette perception des espaces me sert aujourd’hui pour concevoir le restaurant et ses différentes parties. »

Ainsi, le restaurant se veut très « zen dans le mouvement des espaces », avec une partie dining surélevée, où les gens dégusteront leurs plats assis sur des chaises Louis XV, hors du chaos, tout en ayant une vue sur l’action. À cela s’ajoutent une mezzanine, une grande terrasse et deux portes de garage qui s’ouvriront l’été, agrandissant l’espace. Et la pièce de résistance : un bar en U fait en marbre et capé en acier, surplombé par un énorme lustre industriel conçu sur mesure.

Restaurer plutôt que rénover

Pour mener à terme le projet, les amis d’enfance se sont entourés d’une équipe chevronnée d’architectes et d’entrepreneurs en construction, qui se sont attaqués à la délicate tâche de créer un restaurant dans un espace industriel datant de 1889. L’espace, carré, est très ouvert, puisque la structure, supportée par des poutres en H, ne compte aucune colonne.

« Lorsque nous avons réalisé le potentiel de l’endroit, il était impensable pour nous de rénover ; il nous fallait restaurer, respecter le plus près possible l’édifice pour mettre chacun de ses éléments en valeur », explique M. Laroche.

Ainsi, tout ce qui a pu être conservé l’a été : les énormes madriers de pruche au sol (la seule partie du plancher qui n’était pas rongée par la pourriture) et les briques, auxquelles on a redonné leur couleur d’antan. Et les nouveaux matériaux se collent sur les anciens, comme le bois de pruche, pour les planchers et les escaliers.

Un travail colossal, quoi. Mais qui en vaut la peine : « Nous sommes littéralement en train de faire revivre l’édifice. Ce sera notre héritage, c’est ce qui parlera pour nous pour les prochains 20 ans », conclut-il.

L’ouverture officielle du Richmond est prévue le 29 octobre.

Le Richmond en chiffres

Espace industriel bâti en 1889

3200 pi2

140 places intérieures

70 places sur la terrasse

1 mezzanine

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