Science

Améliorer la mémoire avec des impulsions magnétiques

En envoyant des impulsions magnétiques dans la tête des gens, des chercheurs de McGill ont réussi à améliorer leur mémoire auditive. Une découverte qui rappelle que notre cerveau est une machine électrique avec laquelle on peut interagir, et qui pourrait un jour ouvrir de nouvelles possibilités pour améliorer nos performances cognitives. Explications.

Travail mental

Les chercheurs de McGill ont démarré leur projet en faisant travailler leurs sujets d’expérience. Ils leur ont demandé d’écouter une mélodie de trois notes. Après une pause d’une seconde, une deuxième mélodie de trois notes se faisait entendre. Les sujets devaient alors trancher une question plus difficile qu’il n’y paraît : la deuxième mélodie est-elle une version exacte de la première… mais jouée à l’envers ?

Devant une telle tâche, le cerveau des participants roule à toute vitesse. Il doit mémoriser la première mélodie, l’inverser mentalement, mémoriser cette inversion, puis la comparer avec la deuxième mélodie.

« Il s’agit d’une tâche où on doit manipuler de l’information en mémoire », résume Philippe Albouy, boursier postdoctoral et premier auteur de l’étude publiée dans la revue Neuron.

ÉCOUTEZ un exemple de la tâche auditive

(Dans ce cas, la deuxième mélodie est exactement l’inverse de la première).

Des ondes mystérieuses

Les chercheurs savaient déjà qu’une telle tâche génère dans le cerveau ce qu’on appelle des ondes thêta – des oscillations électromagnétiques produites par l’activité des neurones. Dans ce cas, explique Philippe Albouy, les ondes sont générées par le fait que deux régions du cerveau se mettent à travailler ensemble : la région pariétale et la région frontale d’un réseau neuronal appelé voie dorsale.

En enregistrant l’activité électrique et magnétique du cerveau des participants, les chercheurs ont réussi à localiser exactement d’où provenaient les ondes thêta de chacun d’entre eux.

« Ce n’est pas situé exactement au même endroit pour tout le monde. C’est la même structure, mais on a tous des anatomies différentes », explique M. Albouy, qui a travaillé notamment avec les professeurs Sylvain Baillet et Robert Zatorre.

Renforcer la nature

Une fois la forme des ondes thêta connue et leur provenance identifiée pour chaque participant, les chercheurs ont tenté un coup audacieux : aider la nature en renforçant ces ondes. Grâce à un appareil de stimulation magnétique transcrânienne, ils ont envoyé dans le cerveau des participants des ondes magnétiques identiques aux ondes thêta. Sur leurs écrans, ils ont vu que l’amplitude des ondes thêta était augmentée par les signaux extérieurs. Et les participants sont devenus meilleurs dans leur tâche.

« On parle d’une augmentation de performance d’entre 12 et 15 %, précise Philippe Albouy. Nous avons aussi noté que les participants moins bons s’amélioraient plus que ceux qui performaient déjà bien. »

En interagissant avec le cerveau, les ondes magnétiques génèrent une activité électrique. 

« Et notre cerveau est un circuit électrique », rappelle Philippe Albouy.

Un indicateur de performance

L’expérience a permis de faire une autre découverte intéressante. Même sans stimulation magnétique, les chercheurs ont noté que plus l’ampleur des ondes thêta dans le cerveau des participants est élevée quand ils effectuent la tâche auditive, plus ils la réussissent bien.

« On peut dire si un participant va être bon juste en regardant l’ampleur des ondes thêta qu’il génère. Ça permet de prédire la performance. »

— Philippe Albouy

Ce n’est pas la première fois que les chercheurs donnent ainsi un coup de pouce au cerveau. En 2014, La Presse avait joué les cobayes pour une expérience dans laquelle l’équipe du professeur Robert Zatorre envoyait du courant électrique dans le cerveau de participants pour les aider à accomplir des tâches auditives.

« Le principe est le même, mais la stimulation magnétique est plus locale, explique Philippe Albouy. L’autre particularité est que dans ce cas, nous avons utilisé des paramètres de stimulation qui épousent le rythme fonctionnel du cerveau. »

Lutter contre l’alzheimer

Le fait qu’on puisse ainsi intervenir dans le cerveau des gens pour en améliorer la performance laisse penser qu’on pourrait un jour agir pour renverser les pertes de mémoire provoquées par des maladies dégénératives comme l’alzheimer.

« Avant d’en arriver là, il faut cependant vérifier si les effets de la stimulation magnétique sont durables ou s’estompent dès que la stimulation cesse », dit Philippe Albouy, qui planche déjà avec ses collègues sur une future expérience en ce sens. 

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