Soins aux aînés

Un débat générationnel pour l’automne

QUÉBEC

 — Confronté à un vieillissement accéléré de la population, le Québec doit rapidement revoir son système de financement des soins à domicile afin d’en réduire les coûts. Reste à décider si tous les contribuables seront appelés à assumer la facture, année après année, ou si les boomers devront contribuer davantage à un fonds spécial, une caisse « capitalisée ».  

C’est le choix que le gouvernement Marois soumettra en consultation publique dans les prochaines semaines avec son livre blanc sur l’assurance autonomie. « Le statu quo est de moins en moins acceptable et ne pourra résister encore longtemps à la transition démographique dont les effets sont déjà tangibles », prévient le document rendu public hier. Québec s’est déjà engagé à mettre 100 millions de plus par année, pendant cinq ans dans les soins à domicile, mais à compter de 2017, cette injection n’est plus suffisante. En 2027, maintenir le statu quo coûterait 2,8 milliards de plus par année —une facture totale de 160 milliards entre 2017 et 2028.

Chaque année, 50 000 personnes de plus franchissent le cap des 65 ans. Dans 20 ans, un Québécois sur quatre aura plus de 65 ans. « On devra s’occuper de beaucoup plus de personnes en perte d’autonomie dans le futur. Il faut repenser la façon de prodiguer les soins », a soutenu Pauline Marois présente lors de l’annonce. Le Québec doit « prendre le virage du maintien à domicile ». Se défiler serait « irresponsable », selon elle. Les aînés auront « la liberté de pouvoir choisir », promet-elle, invitant les partis d’opposition à se montrer « responsables et constructifs » sur cet « enjeu de société majeur ».

Maintien à domicile

L’assurance autonomie réunira en un seul fonds toutes les sommes destinées aux soins à domicile pour les personnes âgées. Plus tard, on ajoutera les handicapés physiques puis mentaux. Pour le ministre Hébert, tout le monde gagne à maintenir le plus longtemps possible les aînés à domicile — c’est d’ailleurs le souhait de la très forte majorité des aînés. Il en coûte de 20 000 à 30 000 $ par année pour fournir les soins dont une personne en perte d’autonomie a besoin. La même personne dans un centre public de soins de longue durée coûte 90 000 $.

Le Québec est un « cancre » en matière de financement des soins de longue durée, selon le Dr Hébert. Seulement 14 % des budgets sont dévolus aux soins à domicile contre 43 % en France et 73 % au Danemark. Depuis longtemps, les décideurs au Québec ont eu une « approche hospitalière du XIXe siècle. On doit adopter une approche communautaire », a résumé le ministre Hébert. Le maintien à domicile contribuera à libérer les 1000 lits d’hôpitaux qui sont actuellement occupés par des aînés en attente d’une place en CHSLD, observe aussi le ministre Hébert. Dans le nouveau régime, les sommes seraient à la disposition d’un « gestionnaire de cas » qui, directement avec la personne âgée, déterminerait les soins à assurer et la contribution du bénéficiaire. Pas question de transférer les fonds aux bénéficiaires. Là où cela se fait, en Italie par exemple, on a vu apparaître un « marché noir » des soins aux personnes âgées, observe M. Hébert.

La nouvelle formule serait plus équitable —les soins seraient accessibles à tous, et non seulement à ceux qui en ont les moyens. Aussi toutes les régions seraient traitées de la même manière. Actuellement, les ressources diffèrent passablement d’une région à l’autre.

Le ministre compte mettre en place le nouveau régime en 2014. D’ici là, une question devra être tranchée : la population choisira-t-elle de financer ce programme comme un autre, d’ajouter année après année 100 millions supplémentaires ? L’autre option, plus équitable du point de vue générationnel, innovatrice selon le ministre, créerait une caisse « capitalisée », une cagnotte qu’on mettrait en place tout de suite, avant que le besoin se fasse sentir, et à laquelle les contribuables plus âgés, qui en bénéficieront plus vite, auraient à contribuer davantage.

Le visage démographique du Québec dans 50 ans est facile à déterminer dès maintenant, relève le document : en 2031, le nombre de personnes de plus de 65 ans aura augmenté de 49 % à Montréal, mais il aura plus que doublé dans les régions de Lanaudière (113 %) et des Laurentides (114 %).

Proposition « très vague »

Du côté libéral, on accueille l’annonce avec circonspection. L’ex-ministre Yves Bolduc rappelle que le précédent gouvernement avait entrepris ce virage. Les intentions présentées méritent d’être évaluées, mais sur le financement, la proposition est « très vague ». Ce sera la « patate chaude », prédit le Dr Bolduc. Sa collègue Marguerite Blais doute que Québec ait besoin d’adopter une loi pour mettre en place ces changements.

Du côté de la Coalition avenir Québec, Sylvie Roy se dit d’accord avec les objectifs. Si on connaît le titre du document, « il manque bien des chapitres », observe-t-elle. Plusieurs politiques dans le passé, comme la « désinstitutionnalisation » des patients psychiatrique par exemple, ont été lancées sans les fonds nécessaires, relève-t-elle. Aussi, il y a un risque de voir la machine bureaucratique se tailler une part trop grande dans les fonds disponibles, craint la députée caquiste. Pour sa collègue,  Dre Hélène Daneault, le gouvernement devra démontrer qu’il est incapable de répondre aux besoins à l’intérieur du cadre financier actuel.

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